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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Emile Ajar

Le sujet  1999 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

(Orphelin, le narrateur a été placé très tôt chez Mme Rosa)

Je tenais toujours le chien dans mes bras et je n'arrivais pas à lui trouver un nom. Chaque fois que je pensais à Tarzan ou à Zorro je sentais qu'il y avait quelque part un nom qui n'avait encore personne et qui attendait. Finalement, j'ai choisi Super mais sous réserves, avec possibilité de changer si je trouvais quelque chose de plus beau. J'avais en moi des excès accumulés et j'ai tout donné à Super. Je ne sais pas ce que j'aurais fait sans lui, c'est vraiment urgent, j'aurais fini en tôle, probablement. Quand je le promenais, je me sentais quelqu'un parce que j'étais tout ce qu'il avait au monde. Je l'aimais tellement que je l'ai même donné. J'avais déjà neuf ans ou autour et on pense déjà à cet âge, sauf peut-être quand on est heureux. Il faut dire aussi sans vouloir vexer personne que chez Mme Rosa, c'était triste, même quand on a l'habitude. Alors lorsque Super a commencé à grandir pour moi au point de vue sentimental, j'ai voulu lui faire une vie, c'est ce que j'aurais fait pour moi-même, si c'était possible. Je vous ferai remarquer que ce n'était pas n'importe qui non plus, mais un caniche. Il y a une dame qui a dit oh le beau petit chien et qui m'a demandé s'il était à moi et à vendre. J'étais mal fringué, j'ai une tête pas de chez nous et elle voyait bien que c'était un chien d'une autre espèce.

Je lui ai vendu Super pour cinq cents francs et il faisait vraiment une affaire. J'ai demandé cinq cents francs à la bonne femme parce que je voulais être sûr qu'elle avait les moyens. Je suis bien tombé, elle avait même une voiture avec chauffeur et elle a tout de suite mis Super dedans, au cas où j'aurais des parents qui allaient gueuler. Alors maintenant je vais vous dire, parce que vous n'allez pas me croire. J'ai pris les cinq cents francs et je les ai foutus dans une bouche d'égout. Après je me suis assis sur un trottoir et j'ai chialé comme un veau avec les poings dans les yeux mais j'étais heureux. Chez Mme Rosa il y avait pas de sécurité et on ne tenait tous qu'à un fil, avec la vieille malade, sans argent et avec l'Assistance publique sur nos têtes et c'était pas une vie pour un chien.


Emile AJAR, La Vie devant soi.

 

I - LE NARRATEUR

 

1) Prouvez, à l'aide d'indices grammaticaux et lexicaux (vocabulaire), que le narrateur raconte un épisode de son passé.

2) De "Je vous ferai remarquer" à "un caniche", à qui s'adresse le narrateur ? Relevez une autre trace du destinataire dans le dernier paragraphe.

3) a) Quel est le registre de langue dominant dans ce texte ? Justifiez votre réponse en relevant deux mots et deux constructions de phrase illustrant ce registre.

b) Pourquoi le narrateur s'exprime-t-il ainsi ?

 

II - LE POINT DE VUE D'UN ENFANT

 

1) Dans le passage "j'ai voulu lui faire une vie, c'est ce que j'aurais fait pour moi-même, si c'était possible"

a) Quels sont le mode et le temps du verbe en gras ?
Pourquoi le narrateur s'exprime-t-il ainsi ?

b) Proposez une expression synonyme de "se faire une vie".

c) Quels obstacles ont empêché l'enfant de "se faire une vie" ? La réponse sera rédigée et prendra appui sur des citations.

2) De "Après" à "heureux"
Dans ces conditions, pourquoi dit-il qu'il était heureux ? La réponse sera rédigée et accompagnée d'au moins une citation.

 

III - L'ENFANT ET LE CHIEN

 

1) "Je l'aimais tellement que je l'ai même donné"

a) Quel est le lien logique exprimé par "tellement que" ?

b) Pourquoi ce lien logique est-il inattendu ?

c) Qu'ajoute l'emploi de "même" dans cette phrase ?

2) Quel rôle le chien joue-t-il dans la vie de l'enfant ? Donnez deux réponses illustrées par des citations du texte.

3) "C'était pas une vie pour un chien"
Qu'appelle-t-on habituellement "une vie de chien" ?

LE CORRIGÉ

I - LE NARRATEUR


1) Le narrateur raconte une histoire de son passé.
Indices grammaticaux : les verbes à l'imparfait ("Je tenais toujours le chien dans mes bras") ou au passé composé ("Je lui ai vendu Super pour cinq cents francs").

Indices lexicaux : les noms proposés pour le chien qui font référence à des héros anciens (Tarzan, Zorro), et certains termes du langage familier (fringué, chialer) qui ne sont plus couramment usités, ou encore le terme "Assistance publique" (DASS).

2) Le narrateur, dans les lignes "Je vous ferai remarquer" à "un caniche", s'adresse au lecteur.

C'est encore au lecteur qu'il s'adresse dans le dernier paragraphe quand il écrit : "Alors maintenant je vais vous dire, parce que vous n'allez pas me croire".

3) a) Ce texte est écrit en langage familier. On peut ainsi relever l'expression "bonne femme", le verbe "gueuler".
Il y a de nombreuses ruptures de construction dans ce texte, parmi lesquelles on peut citer "je ne sais pas ce que j'aurais fait sans lui, c'est vraiment urgent, j'aurais fini en tôle" et "je vous ferai remarquer que ce n'était pas n'importe qui non plus, mais un caniche".

b) Le narrateur s'exprime comme peut le faire un enfant de neuf ans, qui plus est d'un milieu défavorisé.

 

II - LE POINT DE VUE D'UN ENFANT


1) "J'ai voulu lui faire une vie, c'est ce que j'aurais fait pour moi-même, si c'était possible"

a) "J'aurais fait" est au conditionnel passé. Le narrateur a choisi ce temps et ce mode pour souligner les difficultés qu'il vivait à cette époque et aussi le souhait - impossible à réaliser alors - de s'en sortir.

b) "Se faire une vie"
On peut proposer comme synonyme "changer de vie", "avoir une vie décente".

c) Le chapeau de ce texte précise que le narrateur était orphelin ; nous apprenons que c'était un enfant de l'Assistance publique ; Mme Rosa, chez qui il était placé, était malade.
Il n'y avait chez elle ni sécurité, ni argent : "Chez Mme Rosa, c'était triste". Si on ajoute que l'enfant n'avait "pas une tête de chez nous" et qu'il aurait pu finir "en tôle", on comprend les difficultés qu'il avait pour "se faire une vie".

2) "Après je me suis assis sur un trottoir et j'ai chialé comme un veau avec les poings dans les yeux mais j'étais heureux"

L'enfant, bien qu'il pleure, dit qu'il était heureux parce qu'il avait réussi à "faire une vie" au chien, chez une femme qui avait "les moyens". Il dit plus haut : "je l'aimais tellement que je l'ai même donné". Il savait que, chez Mme Rosa, "c'était pas une vie pour un chien".

 

III - L'ENFANT ET LE CHIEN

1) "Je l'aimais tellement que je l'ai même donné"

a) "Tellement que" exprime un lien de conséquence.

b) Il est inattendu sur le plan logique car d'habitude, quand on aime beaucoup un animal, on le garde.

c) Même accentue l'énoncé de la preuve d'amour que constitue ce don.

2) Le chien joue un rôle essentiel dans la vie de l'enfant.
Il lui permet d'évacuer son désir de beauté et d'amour : "j'avais en moi des excès accumulés et j'ai tout donné à Super". Et c'est aussi grâce au chien qu'il échappe à la prison : "j'aurais fini en tôle".

3) "C'était pas une vie pour un chien"
Ce qu'on appelle habituellement une vie de chien, c'est justement le type de vie que le narrateur veut éviter à Super, une vie hasardeuse, sans sécurité.

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