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Annales gratuites Bac 1ère STI : Texte de Paul Eluard

Le sujet  2003 - Bac 1ère STI - Français - Commentaire littéraire Imprimer le sujet
LE SUJET

Vous commenterez le poème d'Eluard Notre vie à partir du parcours de lecture suivant :

a)  Expliquez ce qui donne au poème un caractère intime et familier.

b)  Comment le poète exprime-t-il sa souffrance ?

Texte A : Notre vie

Notre vie tu l'as faite elle est ensevelie
Aurore d'une ville un beau matin de mai
Sur laquelle la terre a refermé son poing
Aurore en moi dix-sept années toujours plus claires
Et la mort entre en moi comme dans un moulin

Notre vie disais-tu si contente de vivre
Et de donner la vie à ceux que nous aimions
Mais la mort a rompu l'équilibre du temps
La mort qui vient la mort qui va la mort vécue
La mort visible boit et mange à mes dépens

Morte visible Nush(1) invisible et plus dure
Que la soif et la faim à mon corps épuisé
Masque de neige sur la terre et sous la terre
Sources des larmes dans la nuit masque d'aveugle
Mon passé se dissout je fais place au silence.

Paul Eluard, Le Temps déborde, 1947

(1) Eluard l'épousa en 1934 ; sa mort, en 1946, le bouleversa.

LE CORRIGÉ

I - LA FICHE SIGNALETIQUE

Type de sujet : commentaire de texte dirigé.
Types de question :deux questions de synthèse qui partent d'un constat global à justifier.par l'analyse

Le sujet vous demandait donc de commenter le poème de Paul Eluard, "Notre vie", à partir d'un parcours de lecture.
Il s'agissait d'analyser le caractère intime et familier du texte, puis l'expression de la souffrance.
L'analyse, comme dans tout commentaire, devait être fondée en particulier sur l'analyse stylistique, c'est-à-dire des moyens employés par l'auteur.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Le poème d'Eluard est d'une lecture apparemment "facile".
On comprend tout de suite qu'il évoque le chagrin du poète, après la disparition de sa femme, Nush.
L'effet d'opposition entre vie et mort, bonheur et malheur, apparaît immédiatement.
Le langage employé est simple, accessible à tous.
De plus, l'évocation de la fin malheureuse d'un bonheur peut interpeller tout lecteur, susciter sa compassion.
Les deux questions sont suffisamment explicites pour que le commentaire ne néglige pas d'aspects importants du texte, tant sur la forme que sur le fond.
Néanmoins, il fallait bien comprendre qu'il convenait d'expliquer le chagrin du poète à partir des figures de style.

III - LES CONNAISSANCES REQUISES

Vous n'aviez pas besoin de connaître la biographie de Paul Eluard pour commenter son poème.
Une connaissance minimale des figures de style (métaphores, antithèses, oxymore) vous permettait de mener à bien l'analyse.

IV - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

A - CE QUI DONNE AU POEME UN CARACTERE INTIME ET FAMILIER :

  • En s'adressant directement à Nush (occurrences du pronom personnel de deuxième personne du singulier), Paul Eluard nous donne l'impression d'un dialogue au-delà de la mort : répétition de "tu".
  • Dans son souvenir, dans l'évocation qu'il en fait, on a parfois l'illusion que, malgré la mort, le dialogue avec sa compagne est encore possible.
    Le poète emploie très souvent les pronoms personnels de la première et de la deuxième personne ainsi que l'adjectif possessif : "mon passé, mes dépens, en moi" ; "tu l'as faite", "disais-tu" ; "notre vie", ce qui appuie l'aspect très intime et personnel du texte.
  • Ainsi on a l'anaphore de "notre vie" qui oppose la vie à deux à la solitude présente de l'auteur.
  • On trouve le champ lexical de l'amour et du couple : "notre vie", "dix-sept années toujours plus claires", "ceux que nous aimons", "donner la vie" associé à celui du bonheur : "si contente de vivre", "donner la vie à ceux que nous aimons", "l'équilibre du temps".
  • Le registre de langue est courant, comme dans une conversation intime que le lecteur peut écouter, sans être indiscret.
  • Le fait de confier sa souffrance permet ainsi au poète de se libérer un peu de son chagrin, en le partageant.
  • Enfin, "parler à Nush" comme si elle n'était pas morte lui permet de la ressusciter dans son souvenir.
  • B - COMMENT LE POETE EXPRIME-T-IL SA SOUFFRANCE ?

  • La mort est personnifiée "boit et mange", "entre en moi". Elle est comparée à une espèce de prédateur qui attend d'emporter le poète aussi.
  • Le vers 9 présente deux relatives juxtaposées ("qui vient la mort qui va la mort") qui donnent l'impression du processus de destruction de la mort.
  • L'effet est renforcé par l'allitération en "m". et en "v".
  • Les trois strophes présentent des antithèses qui se répondent tout au long du texte :
              "vie"/"mort",
              "sur la terre"/"sous la terre",
              "beau matin de mai"/"neige".
  • Le passé heureux est décrit à l'imparfait alors que la description de la douleur se fait au présent.
  • On peut relever l' oxymore : "morte visible" qui décrit le sentiment précis du poète : elle est morte mais encore présente. Il n'arrive pas à oublier.
  • Le poète éprouve la privation, la solitude, le chagrin. Il ne parvient pas à faire son deuil. On le voit dans les métaphores : "masque de neige, masque d'aveugle, source des larmes",
  • Paul Eluard se dépeint comme un mort-vivant, un moribond. Il semble en prendre jusqu'à l'aspect. Son visage est devenu un "masque de neige" ou un "masque d'aveugle", comme si la douleur le faisait rejoindre Nush dans la mort. On pouvait noter l'oxymore :"la mort vécue", les métaphores : "entre en moi comme dans un moulin, boit et mange à mes dépens".
  • Le dernier vers exprime le désespoir du poète abattu, vaincu : "mon passé se dissout je fais place au silence".
  • V - LES FAUSSES PISTES

    Il ne fallait pas, comme dans tout commentaire, dissocier l'étude du fond de celle de la forme.
    Il ne fallait pas négliger la métaphore filée ni la personnification de la mort.
    Il était important de noter l'opposition constante entre le passé heureux (emploi de "nous", par exemple) et le présent douloureux (passage à "je", donc à la solitude).
    Il était bienvenu de relever les anaphores pour mettre en valeur la musicalité du poème : "mort", "aurore".

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