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Annales gratuites Bac L : La décolonisation (F et GB)

Le sujet  1998 - Bac L - Histoire - Commentaire de document Imprimer le sujet
LE SUJET

LA DECOLONISATION A TRAVERS LES EXEMPLES BRITANNIQUES ET FRANÇAIS.


Document 1 :

"On nous demande notre coopération pour refaire une France qui soit à la mesure de l'Homme et de l'Universel. Nous acceptons, mais il ne faut pas que la métropole se leurre ou essaye de ruser.
Le "Bon Nègre" est mort ; les paternalistes doivent en faire leur deuil. C'est la poule aux oeufs d'or qu'ils ont tuée.
Trois siècles de traite, un siècle d'occupation n'ont pu nous avilir, tous les catéchismes enseignés [...] n'ont pu nous faire croire en notre infériorité, [...]. Nous voulons l'égalité dans la cité. Nous disons bien : L'EGALITE."


Léopold Sedar Senghor, "Défense de l'Afrique Noire", dans la revue Esprit , 1er juillet 1945.


Document 2 :: Entretien de Gaulle - Churchill

"Général de Gaulle : Nous, Français, n'avons pas d'autres intentions que de nous refaire et de garder votre alliance, l'alliance russe et aussi, bien entendu, l'amitié des Américains.
C'est d'ailleurs un service à rendre à ces derniers que de les mettre en garde contre la tentation de bouleverser ce qui existe.
Nous sommes, vous et nous, depuis longtemps installés aux Indes ou en Indochine et dans certaines positions en Extrême-Orient. Nous connaissons bien ces pays. Nous savons qu'il ne faut pas y procéder par remaniements inconsidérés. [...].

M. Churchill : Les grands empires coloniaux ont naturellement beaucoup de conceptions communes. Il est plus facile aux Russes ou aux Américains de prêcher le désintéressement.

Général de Gaulle : Evidemment. C'est pourquoi nous devons éviter de nous disputer à propos de querelles accessoires. [...]

M. Churchill : [...] Les colonies ne sont plus aujourd'hui un gage de bonheur, ni un signe de puissance. Les Indes sont pour nous un fardeau très
lourd. Les escadrilles modernes comptent plus que les territoires au-delà des mers.

Général de Gaulle : Vous avez raison. Pourtant vous n'échangeriez pas Singapour contre des escadrilles."


Charles DE GAULLE, Mémoires de guerre, Le Salut 1944-1946 , documents annexes, Plon, 1959.


Document 3 : Extrait de la déclaration faite à la Chambre des Communes par le Premier ministre Attlee, le 20 février 1947.

"1. Depuis longtemps, la politique des gouvernements britanniques successifs a été de travailler à la réalisation du "self-government" dans l'Inde. En fonction de cette politique, une responsabilité croissante a été dévolue aux Indiens et, aujourd'hui, l'administration civile et les forces armées indiennes sont dans une large mesure aux mains de fonctionnaires et d'officiers indiens. [...]"

"2. Le gouvernement de Sa Majesté croit que cette politique a été juste et en accord avec les principes démocratiques.

[Il appartient] au peuple indien lui-même de choisir son futur statut et sa constitution [...] le gouvernement pense que le moment est venu de faire passer la responsabilité du gouvernement de l'Inde dans des mains indiennes."

dans J. DALLOZ, Textes sur la décolonisation , PUF, 1989.


Document 4 : Pierre Mendès France expose devant l'Assemblée nationale les résultats de la conférence de Genève, 23 juillet 1954.

"Il était naturel, au lendemain d'un accord aussi douloureux, que des critiques se manifestent à la tribune.
[...] Je demande cependant aux critiques un peu trop sévères, de ne pas oublier Diên Biên Phû et un certain nombre d'autres circonstances qui nous ont conduits là.
Croyez-vous réellement que nous pouvions, en présence de la carte de guerre qui était la nôtre, obtenir
mieux ? [...] Mesdames, Messieurs, on l'a dit, c'est une page de notre histoire que nous venons de tourner.
[...] Ayons le sang-froid, ayons le courage d'y trouver une leçon, cruelle mais, si nous le voulons, fructueuse pour les grandes oeuvres de reconstruction en France et dans l'Union française auxquelles nous devons maintenant consacrer toutes les forces de notre patriotisme."

Journal officiel , Débats parlementaires, Assemblée nationale, 1954.


QUESTIONS :

1. Présenter brièvement les documents et leurs auteurs.

2. A l'aide des documents 1 et 2, indiquer quelles furent les origines de la décolonisation.

3. Analyser et expliquer les deux voies de décolonisation en Asie évoquées par les documents 3 et 4.

4. L'exemple de l'Inde (document 3) et l'exemple de l'Indochine (document n°4) suffisent-ils à caractériser l'ensemble des politiques de décolonisation britannique et française ?

LE CORRIGÉ

I - NATURE ET DEMARCHE

Il s'agissait, à partir d'une série de textes d'hommes politiques tant européens qu'africains, d'envisager le problème de la décolonisation, en Asie et en Afrique.

Les exemples pris devaient se limiter au cadre des empires britanniques et français et permettre de mettre en évidence les différentes voies de décolonisation possibles.

On demandait aussi de s'interroger sur les causes de ces décolonisations ce que devait permettre le texte de Léopold Sédar Senghor.


II - CONNAISSANCES ESSENTIELLES

Après avoir présenté les documents et leurs auteurs, on pouvait s'attacher dans un premier temps à l'explication des origines de la décolonisation avant de traiter des voies de décolonisation connues par l'Inde et l'Indochine.

En conclusion on devait évoquer les autres politiques mises en oeuvre par les puissances coloniales, en Afrique du Nord par exemple en ce qui concerne la France.

Question 1 : Les documents et leurs auteurs

- Document 1 : Texte militant pour l'égalité entre colonisateurs et colonisés.
Senghor qui fut plusieurs fois député et ministre sous la IVème République exprime le point de vue d'un africain sur la question coloniale.

Grand poète devenu homme politique, il se pose en défenseur de la dignité des africains qui n'entendent plus jouer les "bons nègres", il revendique pour eux l'égalité qui est le premier principe fondateur de la République. Il deviendra président du Sénégal jusqu'en 1980.


- Document 2 ::Entretien De Gaulle-Churchill

Il s'agit de deux hommes ayant joué un rôle crucial dans le déroulement de la Seconde Guerre Mondiale.

De Gaulle en tant que chef de la France Libre dut se réfugier à Londres d'où il anima l'esprit de la Résistance à l'Allemagne nazie.

Par son engagement au côté des alliés, il évita à la France d'être traitée en vaincue à la fin de la guerre.

Churchill, Premier ministre britannique, est le symbole de la résistance victorieuse des Anglais face à l'Allemagne nazie.

Pendant les bombardements de Londres par la Luftwaffe, il entretint un esprit combattif qui frappa les imaginations. Il participa aux discussions de Yalta qui aboutirent au partage des zones d'influence entre les alliés.


Question 2 : Les origines de la décolonisation

Les propos de Léopold Sédar Senghor témoignent de la mémoire douloureuse des colonisés dont la culture a été occultée par l'oeuvre soi-disant civilisatrice de la colonisation.

En effet du XVIème au XIXème siècle, le continent africain a subi une ponction continue de ses forces vives à la faveur de la traite des noirs qui étaient acheminés comme esclaves en Amérique.

Pour rendre ce trafic odieux acceptable aux consciences chrétiennes, on fit croire que les africains étaient une race inférieure par nature.

La colonisation apparut comme une oeuvre bénéfique qui ouvrait l'Afrique aux Lumières dont on la croyait dépourvue.

Un tel passé créa des rancoeurs chez les élites africaines qui voulaient, sinon une revanche, du moins la reconnaissance de la valeur de leur culture.

Sur le plan politique, la fin de la Seconde Guerre Mondiale créa une situation inédite : l'Europe trop affaiblie par les destructions matérielles dues au conflit, déconsidérée moralement par l'horreur de l'idéologie nazie, l'Europe ne pouvait plus justifier la colonisation par les mêmes arguments qu'avant : le mythe de la supériorité de l'homme blanc avait vécu.

Les anciens colonisés revendiquèrent l'égalité au nom de la Déclaration des Droits de l'Homme.

C'est conscients de la difficulté de maintenir le statut "quo-ante" que de Gaulle et Churchill envisagent l'évolution des empires coloniaux.

Mais les deux hommes voient les choses de façons différentes.

En effet, pour de Gaulle, la décolonisation ne peut se faire du jour au lendemain, les intérêts en jeu sont trop importants.

Il voudrait un simple aménagement de la situation antérieure de façon à maintenir les avantages des anciennes métropoles.

Mais il est conscient du fait que la France est incapable de rivaliser seule avec les deux superpuissances américaine et soviétique.

C'est pour cela qu'il sollicite implicitement l'appui et la compréhension de Churchill pour éviter entre les deux pays des "querelles accessoires".

La position de Churchill semble plus réaliste : il pense que les vieux empires ont vécu et que les colonies sont devenues un handicap.

Il veut hâter la décolonisation mais reste réservé sur les moyens d'y parvenir.


Question 3 : Inde et Indochine, deux voies différentes de décolonisation en Asie.

Attlee, Premier ministre travailliste anglais s'adresse aux députés pour justifier la position de son gouvernement sur la question indienne.

Il inscrit sa politique dans la continuité de la ligne suivie par les précédents gouvernements anglais.

De son côté, Pierre Mendès-France, de retour de Genève où il vient de signer les accords mettant fin à la guerre d'Indochine, appelle les députés à plus de retenue dans leurs critiques.

Premier ministre d'un gouvernement fragile car soumis aux pressions des différentes forces qui le composent, il doit faire face à une double opposition (communiste et gaulliste).

La décolonisation de l'Inde semble s'inscrire dans une dynamique consensuelle voulue par Londres et initiée par le statut de Westminster de 1931. En effet la création du Commonwealth, en facilitant l'accession à l'indépendance des colonies a maintenu des liens privilégiés avec l'ancienne métropole.

L'Indochine fut en revanche l'occasion manquée d'un retrait en douceur pour la France. La guerre coloniale menée contre la volonté des Viet-Namiens d'affirmer leur indépendance se termina par un désastre : la défaite de Dien-Bien-Phu en 1954.

Deux voies semblent alors se dessiner : la voie anglaise qui privilégie la négociation et la voie française qui privilégie l'usage de la force.


Question 4 : limites

Cependant ces deux exemples ne suffisent pas à rendre compte de toutes les situations coloniales.

En effet, la décolonisation de certains territoires britanniques donna lieu à des répressions sanglantes avant de déboucher sur la reconnaissance de leur indépendance :

ce fut le cas notamment au Kenya où la révolte des Mau-Mau mit en péril les emplacements tenus par les Blancs dans les hautes terres de l'ouest de même qu'au Tanganyika, avec le mouvement des Maji-Maji.


Quant à la France elle semble avoir retenu la leçon de son double échec en Indochine et en Algérie puisqu'elle emprunte la voie de la négociation pour anticiper en quelque sorte les revendications des pays d'Afrique
Noire : elle créa l'Union française sur le modèle du Commonwealth anglais et accorda l'indépendance à ses colonies.

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