Suivez-nous
 >   >   >   > La mémoire de Résistance

Annales gratuites Bac L : La mémoire de Résistance

Le sujet  2006 - Bac L - Histoire - Explication d'un document d'histoire Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Il porte sur la troisième (et dernière partie) du programme des séries L et ES donc sur la France de 1945 à nos jours. Celle-ci s'intéresse en premier lieu aux "Bilan et mémoires de la Seconde guerre mondiale", et plus précisément à l'émergence de différentes mémoires de la guerre au sein de la société française.
Il s'agit d'un sujet relativement original et difficile : vous deviez maîtriser à la fois certaines phases du déroulement du conflit (fin du programme de première !), ses conséquences et surtout ses enjeux mémoriels. Il faut donc avoir du recul et ne pas prendre au premier degré le discours de de Gaulle, donc faire preuve d'esprit critique, tel un véritable historien !

LE SUJET


La mémoire de la Résistance vue par le général de Gaulle

Nous sommes ici, d'abord, pour commémorer le fait d'armes(1) qui, le 27 février 1942, porta pour la première fois sur le sol envahi de la France l'action d'une force alliée, combinée avec celle d'éléments de nos réseaux. [...]
Dès lors, chez nos participants et avec l'aide croissante de nos alliés, c'est avec une ardeur décuplée que fut poussé l'agencement de l'extraordinaire machine qui devait jouer un si grand rôle dans la bataille décisive de France. [...]
En vérité, la Résistance française, c'était la Défense Nationale ! Qu'elle combattît comme elle pouvait, à Bruneval ou à Bir Hakeim, aux Glières ou en Tunisie, au Vercors ou en Italie, qu'elle luttât dans les rangs de nos troupes des maquis ou dans ceux de nos grandes unités débarquées sur nos côtes, ou sur les mers, ou dans le ciel, qu'elle servît à découvert dans chacune des activités de nos territoires libérés ou en secret dans les foyers, fermes, ateliers, syndicats, administrations, groupements, de notre sol envahi, qu'elle s'exprimât aux postes-radio de Londres, de Brazzaville et d'Alger ou dans les tracts et journaux clandestins, elle était l'effort de guerre de la nation luttant pour sa vie et celle des autres. [...] En juin 1940, quand tout paraissait s'écrouler, elle s'est réfugiée dans l'action du groupe résolu qui, à partir du sol de la noble Angleterre, maintenait dans la lutte la souveraineté française. Elle s'est peu à peu embrasée, à partir de là, à mesure des espérances et des possibilités, jusqu'à s'étendre au peuple tout entier. Elle s'est terminée le 8 mai 1945 quand nous avons, aux côtés de l'Angleterre, des Etats-Unis et de la Russie, reçu la capitulation totale de l'Allemagne et de ses armées. Elle a eu ses hauts et ses bas, ses erreurs et ses grandeurs, ses défaillances et ses triomphes. Mais elle fut, et il fallait qu'elle fût, une et indivisible comme la France qu'elle défendait.

Une et indivisible, certes ! Ce qui veut dire que toute tentative de piller ce bien national ne saurait être tolérée. Telles ambitions et surenchères partisanes, qui prétendent se l'attribuer en tout ou en partie sont vulgairement sacrilèges(2). Quelles qu'aient été l'origine, la profession, les opinions, des Français et des Françaises qui ont, sous n'importe quelle forme, à n'importe quel rang, à n'importe quel moment, participé au combat, ils ont répondu à un seul et même appel qui était l'appel du pays, ils ont accompli un seul et même devoir, le devoir envers la patrie, ils ont servi une seule et même cause, la cause du salut national. Les six cent mille hommes et femmes de chez nous, qui sont morts sur les champs de bataille, ou aux poteaux d'exécution, ou dans les camps de misère, sont morts pour la France et pour la France seulement. C'est justement parce que la Résistance, c'est-à-dire la Défense Nationale, une fois de plus dans notre Histoire mais dans le plus extrême péril, a finalement et pour un temps reforgé la solidarité française, qu'elle a sauvé, non point seulement le présent, mais l'avenir de la nation, en faisant refleurir en elle, dans le sang et dans les larmes, la conscience de son unité.

Charles de Gaulle, discours prononcé à Bruneval, 30 mars 1947
Cité dans Charles de Gaulle, Allocutions et Messages (1946-1969), Plon, 1999.

(1) : Le 27 février 1942, à Bruneval, près du Havre, des parachutistes britanniques et canadiens détruisent, avec l'aide de la Résistance normande, un important radar sur le littoral de la Manche.
(2) : Allusion au parti communiste qui s'affirme comme étant le "parti des 75000 fusillés" [Cette note figure dans l'ouvrage, Allocutions et Messages]

 

QUESTIONS

1. Quelles sont les différentes formes de lutte et d'organisation évoquées par le général de Gaulle ?

2. Comment le général de Gaulle met-il en valeur la question de l'unité nationale ?

3. Montrez que ce texte révèle l'existence d'une rivalité des mémoires de la Résistance.

4. En quoi ce discours a-t-il pu contribuer à établir une mémoire collective de la Résistance ?

LE CORRIGÉ


I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

Le sujet porte sur la France de 1945 à nos jours, et plus précisément sur les enjeux de mémoire relatifs à la Seconde guerre mondiale.
Il est dans l'esprit des nouveaux programmes d'histoire, qui ont pour ambition de vous fournir des connaissances essentielles mais aussi de susciter en vous une réflexion critique. Il s'agit en fait de vous inciter à la démarche d'un historien.
D'où la difficulté de ce sujet : il faut à tout prix éviter la paraphrase et ne pas faire preuve de naïveté (ou d'absence de connaissances solides) en prenant pour argent comptant tout ce que dit de Gaulle. Il faut avoir du recul et du sens critique face au texte dont le but est d'imposer une certaine mémoire de la Résistance.

 

II -  LA PROBLEMATIQUE

Même si, pour une fois, les questions ne le demandent pas expressement, pensez à réaliser pour vous-même au brouillon une présentation du document, en précisant :
● Sa nature : un extrait de discours
● Son
auteur : le général de Gaulle symbole et leader de la Résistance pendant la Seconde guerre mondiale (pensez à l'Appel du 18 juin 1940)
● La
date et le contexte historique : le discours a lieu en 1947 : la guerre est encore très proche dans les esprits, il s'agit d'un discours prononcé dans le cadre très officiel de la commémoration d'un acte de résistance important (datant du 27 février 1942)... et de Gaulle, chef du gouvernement provisoire à la Libération, a démissionné de ce poste depuis novembre 1946. Il entend pourtant imposer sa vision (contestable au demeurant) de la Résistance française pendant une guerre où s'est aussi posée la question de la collaboration avec l'occupant nazi.

 

III – LES REPONSES AUX QUESTIONS

1. Les formes de lutte utilisées par les résistants français et évoquées par le général de Gaulle sont variées :
● Publications de tracts et de journaux clandestins (dénonçant l'occupation nazie, le régime de Vichy et appelant à résister).
● Utilisation de la radio pour appeler à la poursuite du combat (cf. L'Appel du 18 juin par de Gaulle lui-même) ou pour transmettre des messages codés.
● Activités de
renseignement.
Combats militaires, en particulier pour la libération du pays (le débarquement en Italie est par exemple mentionné) mais aussi avant cette libération avec par exemple les attentats perpétrés contre les Allemands.

Quant aux formes d'organisation, même si de Gaulle parle de LA résistance au singulier, il fait en réalité référence à deux types de résistances :
La France libre, constituée de tous ceux qui l'ont rejoint à Londres pour constituer une force militaire dans le but ultérieur de libérer le pays (qui a participé aux différents débarquements, en Normandie mais surtout en Provence ou en Italie, mais aussi à des batailles décisives dans les colonies, comme à Bir Hakeim) : "nos grandes unités débarquées sur nos côtes, ou sur les mers ou dans le ciel".
La résistance intérieure, au départ indépendante de l'action de de Gaulle et qui a longtemps lutté "en secret" sous la forme de "réseaux clandestins".

2. Lorsque de Gaulle parle de la Résistance, il le fait toujours au singulier et il la baptise d'ailleurs la "Défense Nationale" en précisant à plusieurs reprises qu'elle a été "une et indivisible comme la France qu'elle défendait", deux adjectifs qui s'appliquent à la République française. De Gaulle ne reconnaît aucune légitimité au régime collaborateur de Vichy dirigé par le maréchal Pétain.
Pour lui, tous les résistants ont répondu à "un seul et même appel", "accompli un seul et même devoir", "servi une seule et même cause, la cause du salut national". Dans cette conception,
ce qui compte, c'est donc l'unité nationale et de Gaulle parle même de "solidarité française", ce qui peut faire penser à l'union Sacrée de la Première guerre mondiale. Il a négligé volontairement les divisions internes à la Résistance : d'après lui, tous les sacrifices ("600 000 hommes et femmes de chez nous [...] morts sur les champs de bataille, ou aux poteaux d'exécution ou dans les corps de misères") avaient de toute façon le même but : sauver la France.
Du coup, il ne mentionne pas ceux qui dans son esprit n'en étaient pas dignes : les collaborateurs.
Il jette donc un voile sur LE clivage majeur de ces "Années noires", celui qui séparait résistance et collaboration.

3. De Gaulle fait une allusion très claire au PCF, qu'il taxe de "surenchère partisane" et qui prétend s'attribuer les mérites de la résistance. A l'époque en effet, ce parti, qui a joué un rôle majeur dans la résistance à partir de juin 1941 (quand Hitler décide d'attaquer l'URSS communiste), s'autoproclame le "parti des 75 000 fusillés" (chiffre excessif selon beaucoup d'historiens actuels). Or de Gaulle insiste sur l"unité nationale quelle que soit l'appartenance politique et sur le rôle prépondérant de la France Libre "groupe résolu [...] à partir du sol de la noble Angleterre" : selon lui, la résistance s'est "embrasée à partir de là". Il défend ainsi l'acte fondateur que constitue son appel du 18 juin et son rôle de leader de la Résistance.
La rivalité entre gaullistes et communistes s'était déjà exprimée
lors de la Libération de Paris en août 1944. Des mémoires concurrentes vont par la suite s'exercer (par exemple, les gaullistes mettront en valeur le rôle de Jean Moulin, les communistes celui de Gabriel Péri ou du colonel Rol-Tanguy).

4. De Gaulle affirme que la résistance partie de Londres, donc de lui-même, a fini par "s'étendre au peuple tout entier". Il met ainsi en place le mythe d'une France entièrement résistante (ce que les historiens comme Henry Rousso ont appelé le "résistancialisme").
Dans les années 1970, avec un film comme "Le Chagrin et la Pitié" de Marcel Ophuls, on aboutira à l'excès inverse : des Français presque
tous collaborateurs.
Aujourd'hui, un historien comme Philippe Burrin a montré que les deux catégories étaient minoritaires et que la
majorité des Français avait été "attentiste" donc hésitante voire changeante dans son attitude face à l'occupant nazi, et donc face aux actions opposées de Pétain et de de Gaulle.
Après la guerre, pendant presque 30 ans, c'est la mémoire gaulliste qui s'impose (cf.
le transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon en 1964). La vision de de Gaulle (la France parmi les vainqueurs au jour du 8 mai 1945) donne aussi au pays des garanties importantes (comme être membre permanent au conseil de sécurité de l'ONU par exemple).

 

IV - LES OUTILS : SAVOIRS ET SAVOIR-FAIRE

Mots-clés

Principaux acteurs

Dates

Résistance
Collaboration
Mémoire
● Unité nationale
Divisions
France Libre

● De Gaulle
PCF
Pétain
France Libre
Réseaux de la résistance intérieure
Jean Moulin


1945 (fin de la guerre)
Appel du 18 juin 1940
juin 1941 (entrée du PCF dans la Résistance)
Août 1944 (Libération de Paris)
8 mai 1945 (armistice)
1964 (transfert des cendres de Jean Moulin au Panthéon)

 

2022 Copyright France-examen - Reproduction sur support électronique interdite