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Annales gratuites Bac S : Culture et jugement

Le sujet  2006 - Bac S - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Sujet qui porte sur le rapport des différentes cultures et le regard qu'elles portent les unes sur les autres.
Sujet qui demande quelques connaissances issues notamment de l'anthropologie et de l'ethnologie.

LE SUJET


Peut-on juger objectivement la valeur d'une culture ?

 

LE CORRIGÉ


I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

La culture est une notion nouvelle, issue des nouveaux programmes. Elle est d'autant plus complexe que dans le programme officiel elle forme une tête de chapitre englobant une série de notions très variées : travail, langage, histoire, technique, art, religion.
Ce premier sujet est donc délicat, nécessitant un traitement transversal qui associe de multiples références. Sa difficulté tient aussi aux notions mobilisées dans la question : jugement, valeur, objectivité, qui sont des problématiques de la connaissance et de la vérité.

Vous devez immédiatement insister sur les multiples dimensions de la notion de culture : elle désigne l'ensemble des traditions et usages d'un peuple (sens ethnologique ou anthropologique), les productions intellectuelles et artistiques supérieures (sens symbolique), mais aussi l'effort de l'individu pour s'arracher à la naturalité en s'appropriant les normes culturelles (sens éducatif).

Ici, en raison de l'utilisation de l'article indéfini, vous devez privilégier le premier sens : la question est donc de savoir si l'on peut juger une culture par rapport à d'autres. Le sujet pose plus précisément la question de la possibilité de juger objectivement la valeur d'une culture, ce qu'elle vaut. Ceci sous-entend qu'un jugement comporte toujours une part de subjectivité. Est-il donc possible ou souhaitable de l'éliminer et d'attribuer une valeur objective à telle ou telle culture, ce qui suppose une échelle de valeurs, des critères particuliers ?

II - LA PROBLEMATIQUE

A partir de là, la problématique est simple : pour juger une culture, pour lui attribuer une valeur, j'ai besoin de critères de jugement. D'où me viennent-ils ? De ma propre culture ! Comment alors puis-je prétendre à "l'objectivité" de mon jugement de valeur ? Si un Américain du Nord juge la culture d'un pays d'Afrique en fonction du taux de connexion à Internet, son jugement sera certes "objectif", mais néanmoins prisonnier d'un sous-entendu : Internet est un signe de progrès, il permet de classer les cultures. L'Africain pourra inversement juger les Etats-Unis d'après leur taux de suicides ou de meurtres, ce sera également "objectif", mais reflètera les présupposés d'une culture traditionnelle où la cohésion du groupe, l'attachement au passé comptent bien plus que la technique ou la liberté des femmes...
Claude Lévi-Strauss, dans son ouvrage Race et Histoire, a longuement analysé ce paradoxe des jugements réciproques entre cultures. Vous devez donc vous demander si chacun n'est pas toujours aveuglé par les valeurs, les jugements implicites de sa propre culture, et, inversement, s'il existe un point de vue universel, dépassant les particularités de telle ou telle origine culturelle : où pourrait-on le trouver, est-il souhaitable ou nécessaire ?

III - LES PISTES DE REFLEXION

C'est ici que vous devez faire jouer toutes les dimensions de la notion de culture : elle passe par le travail, la religion, l'art, le langage, la technique, la politique. Posez-vous donc la question : quelle dimension de la culture pourrait fournir un point de vue dépassant les cultures particulières ? Peut-on par exemple trouver ou souhaiter une religion qui permette de juger toutes les autres religions, comme le christianisme ou l'islam peuvent le faire ? Ou des critères artistiques permettant de classer Mozart par rapport à Madonna ? Une langue, une technique ? L'anglais, l'informatique, la valeur marchande des productions permettent-ils de faire entrer toutes les cultures dans un classement objectif ? Il faut ici distinguer entre ce qui prétend être unique en se substituant à tout le reste (par exemple, la culture urbaine, la technique moderne, l'économie) et ce qui n'est qu'un outil commun (transport, médias). Le danger d'une telle recherche est évidemment la négation de l'autre au nom même d'une fausse objectivité, d'un faux universalisme, qui n'est que l'affirmation d'une domination. On pourra prendre l'exemple de la "mission civilisatrice" que se donnaient les Blancs européens sur le reste du monde, réduisant les autres cultures à des cultures inférieures.

IV - LES PISTES DE DEVELOPPEMENT

A. A l'époque d'une communication planétaire, comment échapper à la tentation d'une comparaison permanente entre les cultures, à la tentation de ne retenir que le "meilleur" de chacune ? La technique, les médias et la science ne nous donnent-ils pas chaque jour l'illusion de pouvoir objectiver, chiffrer, globaliser, universaliser ce qui reste local, universel, individuel ?

B. La recherche de l'objectivité et de l'universel a souvent été l'alibi de telle culture pour dominer telle autre. Au XVIIIème siècle, Rousseau mettait déjà en garde contre les illusions du progrès et les certitudes de l'homme occidental, même celles des "Droits de l'Homme", qui reposent, comme Marx l'a bien montré, sur une conception très particulière de l'individu et de la propriété.

C. L'expérience des "enfants sauvages" montre assez que l'homme ne peut se passer d'une culture qui l'humanise : cette culture lui semblera toujours arbitraire, particulière. Mais il faut ici souligner les limites d'une "culture mondiale", d'une civilisation globale qui s'opposerait aux cultures particulières. On peut juger de la valeur d'une culture, mais le plus délicat, comme le savent les ethnologues, est de juger sa propre culture.

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