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Annales gratuites Bac S : L'art et les règles

Le sujet  2010 - Bac S - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
Avis du professeur :
Le premier sujet porte sur l'art. C'est un thème qu'affectionnent les candidats. La problématique est très classique, il s'agit de réfléchir au rôle des règles dans l'art et de penser la manière dont les règles peuvent se combiner à la liberté d'invention et à la créativité des artistes.
Dans un sujet classique la différence d'une copie à l'autre se fait donc sur la maîtrise des connaissances et surtout sur la capacité que le candidat a à mobiliser des exemples adéquats. Dans ce genre de sujet, généralités et banalités sont très mal notées.
LE SUJET

L’art peut-il se passer de règles ?



LE CORRIGÉ

l’analyse du sujet

Il s’agit d’un sujet classique sur l’art qui ne soulève aucun problème de compréhension mais qui demande d’être attentif à la notion de règle, à son statut dans le champ de la création artistique.

Une règle est une prescription relative à ce qu’il faut faire. Si on parle de règles dans des domaines aussi variés que ceux de la morale, du droit ou de la logique, la règle a dans le domaine de l’art un sens précis : elle renvoie à la règle technique qui se distingue par le fait qu’elle permet une certaine efficacité dans la production d’un effet déterminé. On peut aussi entendre par règles, les normes c’est-à-dire les principes qui prescrivent la voie à suivre en matière de création artistique.

On pourra rappeler ici que le terme d’art renvoie dans son sens premier à la technique, au savoir-faire. Dans cette perspective, le lien entre l’art et la règle est évident : si l’art est entendu comme savoir-faire, alors il suppose de fait la maîtrise de certaines règles, autrement dit de manières de faire ou de procédures.

Mais la notion d’art renvoie aussi à partir du XVIIIème siècle à l’activité de l’artiste et non plus à celle seulement technique de l’artisan. De ce point de vue, ce n’est plus ni seulement, ni d’abord, le savoir-faire qui est valorisé, mais plutôt la capacité d’invention ou de création de l’artiste dont l’activité se définit essentiellement comme libre de toute contrainte. On peut préciser ici que c’est l’art dans le moment de sa création qui est plus directement visé par le sujet.

Ce qui est donc en jeu dans ce sujet, c’est à la fois la possibilité et la légitimité pour l’art comme activité de s’affranchir des règles ou de les ignorer pour se donner les conditions d’une véritable création libérée de toute forme de contrainte.



La problematique

Se demander si l’art peut se passer de règles, c’est se demander s’il peut et doit être autre chose qu’un simple savoir-faire. Est-ce par le moyen de procédés que l’œuvre advient ? Ou bien l’art est-il entièrement du côté de la création spontanée, sans règles ni contraintes ?

Si l’on entend par art un savoir-faire, il va de soi qu’il ne saurait se passer de règles. Mais si l’on considère l’art en tant qu’activité créatrice, peut-on encore parler de règles ? Y a-t-il des règles en peinture, en musique ou en littérature ? Ou bien l’art consiste-t-il à suivre une inspiration sans règles ?

L’enjeu de cette question est d’examiner le statut des règles dans l’art. Le véritable artiste n’est-il pas précisément celui qui crée des règles plutôt que celui qui s’en affranchit ? La règle n’est-elle pas ce qui constitue pour l’artiste une contrainte qui, loin de briser la création, la stimule et lui donne sa pleine mesure ?

On pouvait ainsi construire une réflexion partant de l’idée que, si l’art est création, alors il exclut la règle, mais en montrant que si la règle est une contrainte, elle permet aussi de stimuler la création, soit parce que l’artiste détourne la règle, soit parce qu’il la dépasse pour créer de nouvelles règles. La règle constitue ainsi un moyen fécond pour l’artiste (et non une fin en soi) de renouveler la création et d’inventer de nouvelles règles.

L’enjeu est bien ici de dépasser la conception d’un art comme pure création, comme spontanéité immédiate. Si les règles, les savoir-faire, ne suffisent jamais à la création, ils en sont souvent le point de départ.

L’art n’est pas une production ex nihilo. S’il court toujours le risque de se figer dans des procédés lorsqu’ils sont érigés en normes absolues et perdre alors sa vitalité, il se nourrit aussi des règles qu’il transgresse. Le propre de l’art est d’innover, mais l’originalité est toujours relative à un courant artistique ou à un style.

L’art est création, invention permanente d’œuvres toujours singulières et originales qui jouent avec les règles autant qu’elles les transgressent.



La boite A OUTILS

On pouvait évoquer, à titre d’exemple de règles, celle de la perspective dans la peinture ou la règle des trois unités dans la littérature. Si ces règles encadrent la production artistique, on constate aussi qu’il ne suffit jamais de connaître ces règles pour faire une œuvre d’art. En ce sens, si la règle peut constituer une condition nécessaire de la création, elle ne saurait être une condition suffisante : l’art, même classique, n’est jamais seulement la reprise de procédés ou de savoir-faire.

Il était aussi possible d’évoquer la manière dont Platon conçoit l’art selon des normes qui permettent de distinguer entre un art nuisible parce que porteur d’illusion et un art qui, au contraire, permet de former l’âme. Platon propose ainsi dans le livre III de la République une défense de la musique qui, par le rythme et l’harmonie, élève l’âme et est en mesure de contribuer de manière décisive à l’éducation des enfants.

Une référence essentielle pour ce sujet : la définition du génie dans la Critique de la faculté de juger de Kant, § 46-47 : « Le génie est la disposition innée de l’esprit par l’intermédiaire de laquelle la nature donne à l’art ses règles ». Par cette définition, Kant pense l’art non plus comme imitation de la nature mais comme production de la nature à travers cette aptitude naturelle, ce talent qui consiste à créer une œuvre exceptionnelle, à la fois originale et exemplaire. Le génie est un talent qui consiste à produire « ce dont on ne saurait donner aucune règle déterminée : il ne s’agit pas d’une aptitude à ce qui peut être appris d’après une règle quelconque ».

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