Annales gratuites Bac Hôtellerie : L'imitation

Imiter est naturel aux hommes et se manifeste dès leur enfance (l'homme diffère des autres animaux en ce qu'il est très apte à l'imitation et c'est au moyen de celle-ci qu'il acquiert ses premières connaissances). Et tous les hommes prennent plaisir aux imitations.
Un indice est ce qui se passe dans la réalité : des êtres dont l'original fait peine à la vue, nous aimons à en contempler l'image exécutée avec la plus grande exactitude ; par exemple les formes des animaux les plus vils et des cadavres.
Une raison en est encore qu'apprendre est très agréable non seulement aux philosophes mais pareillement aussi aux autres hommes ; seulement ceux-ci n'y ont qu'une faible part. On se plaît à la vue des images parce qu'on apprend en les regardant et on déduit ce que représente chaque chose, par exemple que cette figure c'est un tel. Si on n'a pas vu auparavant l'objet représenté, ce n'est plus comme imitation que l'œuvre pourra plaire, mais à raison de l'exécution, de la couleur ou d'une autre cause de ce genre.

Aristote

Ce texte d'Aristote se propose de répondre de manière argumentée à cette question.

1) Le premier moment du texte (premier paragraphe) énonce la thèse du texte

Il y a chez l'homme une aptitude spontanée à l'initiation qui est pour lui source de plaisir et de connaissances. Cette tendance est un des traits distinctifs de l'humanité.

2) Le second moment du texte présente une argumentation de la thèse

a) Le premier argument fait appel à l'expérience : il invoque le décalage qui existe entre le déplaisir que suscite la vision d'une réalité et le plaisir que suscite la représentation de cette même réalité. Ainsi, la vue d'animaux difformes ou de cadavres nous fait horreur alors que leur représentation nous procure une satisfaction. Nous pouvons ainsi ressentir un sentiment de plaisir face à la "la leçon d'anatomie" de Rembrandt alors que nous sommes incapables de soutenir la vue d'une séance de dissection.
b) Le deuxième argument se fonde sur l'idée qu'il y a un plaisir dans l'apprentissage. Or la thèse affirmait (voir le premier paragraphe) que l'imitation permet d'acquérir les premières connaissances. En conséquence, l'imitation comme moyen d'apprentissage, est source de plaisir.
Aristote précise ici que l'intensité du plaisir est différente selon la part que chaque homme prend à l'apprentissage ; si le philosophe qui y consacre son existence peut y trouver un plaisir de forte intensité, celle ci sera moindre pour ceux qui ne consacrent que peu de temps à l'apprentissage et à l'étude.
Les images contribuent à l'apprentissage parce qu'elles étendent le champ de nos connaissances et nous donnent accès à une réalité dont nous n'avons pas l'expérience directe.
c) Le troisième argument explique que si nous n'avons jamais fait l'expérience de cette réalité, alors la beauté de la représentation (par la qualité de son exécution, par le jeu des couleurs ou de l'agencement de ses formes) est elle aussi source de plaisir.
Ce n'est plus ici la fidélité de la représentation mais sa facture qui est source de satisfaction.

1) "Tous les hommes prennent plaisir aux imitations"

Par cette thèse, Aristote énonce un trait caractéristique de l'humanité : les imitations sont sources de plaisir pour "tous les hommes". Le terme d'imitation peut se comprendre en deux sens :

On peut dire dans cette perspective qu'il y a un plaisir à imiter et un plaisir à la vue des représentations issues de cette faculté.
Ainsi le peintre qui représente un paysage ou l'enfant qui imite un geste éprouvent-ils tous deux du plaisir de même que le spectateur à la vue du tableau.

Qu'est-ce qui nous plait dans une belle représentation ?
Aristote précise ici que le plaisir ne tient pas à la beauté de la chose représentée mais aux qualités intrinsèques de la représentation : c'est l'habileté, le talent ou encore le génie de l'imitateur qui est à l'origine du plaisir ressenti à la contemplation d'une représentation. Quand on n'a jamais vu l'original, ce n'est pas la fidélité de la représentation qui suscite le plaisir mais la qualité de cette représentation.

2) En quoi les images nous apprennent-elles à regarder et à connaître ?

Les images sont parfois condamnées en raison de leur pouvoir d'illusion, de leur capacité à nous donner une représentation déformée du réel. Ainsi, Platon dénonce-t-il les images qui nous éloignent de la connaissance et condamne-t-il les artistes.
S'il apparaît nécessaire d'établir un rapport critique aux images, elles nous permettent aussi d'apprendre à voir et à connaître.
Les images artistiques (photographies, tableau) structurent, informent et enrichissent notre perception du monde. La vision de l'artiste nous permet d'avoir accès à des aspects du réel auxquels nous restons aveugles : les images qu'il crée nous apprennent à regarder le monde autrement que nous ne le voyons lorsque nous sommes pris dans le cours ordinaire de l'existence. Elles nous permettent aussi d'étendre le champ de notre perception, de nous donner accès à une réalité qui n'est pas immédiatement visible.

Eluder la notion centrale du texte (l'imitation).
Restreindre la notion d'imitation au jeu.

Un texte difficile : la notion d'imitation qui n'est pas, comme telle, inscrite au programme, pouvait être traitée dans une perspective esthétique.