Le sujet 2009 - Bac ES - Philosophie - Dissertation |
Avis du professeur :
Un support sur les échanges en série ES, c'est le bonheur ! Sujet classique si l'on arrive à problématiser la question correctement et à l'ouvrir au problème général du sens des échanges. |
Que gagne-t-on à
échanger ?
I – L'ANALYSE DU SUJET
Ce sujet classique
sur l'échange invite le candidat à organiser ses
connaissances de cours sur les
échanges
et à se concentrer là-dessus. Ainsi, il porte de
manière large sur l'échange qui consiste à
donner ou recevoir quelque chose contre autre chose et qui met donc
les hommes en relation
les uns avec les autres. Cette relation d'échange étant
quasiment nécessaire, le sujet est quelque peu ironique
puisqu'il laisse penser que l'on échange parce qu'on y gagne
quelque chose, comme si on avait le choix ; comme si, si je n'y
gagnais rien, je ne le ferais pas, or on ne peut pas ne pas échanger.
Il faut donc préciser d'emblée que ce n'est pas parce
qu'on y gagne quelque chose qu'on échange mais que l'homme vit
pour
et dans
l'échange.
Cette précision étant faite, nous
pouvons attaquer le sujet : qu'est ce qu'on y gagne ?
Qu'est-ce qu'on obtient ? Qu'est-ce qu'on a après
l'échange qu'on n'avait pas avant ?
II - LA PROBLEMATIQUE
Le problème
est que l'échange est censé se faire sur la base d'une
équivalence : on reçoit quelque chose contre une
autre qui est équivalente en valeur. L'argent est ce qui rend
possible des échanges équivalents et il facilite donc
les échanges, mais on peut aussi envisager le troc
qui consiste à échanger un bien contre un autre bien ou
un service contre un autre service.
Or l'idée qu'on aurait
quelque chose à y gagner nous invite à penser qu'il y
aurait une plus-value
pour nous, quelque chose en plus que l'objet reçu en échange.
Ainsi ce
qu'on gagne dans l'échange est autre chose que ce que l'on
veut dans l'échange (le bien, le service ou l'argent). Quelle
est cette autre chose ?
Nous pensons d'emblée à
la dimension économique :
Que gagne-t-on à échanger ? Nous répondons
immédiatement de l'argent, ou encore ce dont j'ai besoin et
que je n'ai pas (un bien ou un service). Mais il y a autre chose dans
l'échange : c'est la dimension sociale
voire politique,
le fait que nous sommes mis en relation les uns les autres et que
nous sommes interdépendants.
III - LA BOITE A OUTILS
La stricte dimension économique :
Nous échangeons parce que nous avons besoin de tout ce qu'on ne produit pas soi-même. Que gagne-t-on à échanger ? Je gagne ce dont j'ai besoin et que je suis en mesure d'acquérir : les aliments pour me nourrir si je ne les cultive pas, les vêtements que je ne conçois pas, les tissus pour coudre mes vêtements si je les conçois, la voiture dont j'ai besoin pour aller travailler, l'argent pour acheter tout cela contre ma force de travail, etc. Aristote, dans La politique, expose ce nécessaire échange entre les hommes sur le plan du besoin matériel (nous ne pouvons pas satisfaire nous-mêmes directement tous nos besoins matériels), et la nécessaire monnaie d'échange.
La dimension sociale et politique :
Que gagne-t-on à
échanger ? Non seulement je ne peux pas faire autrement
pour satisfaire mes besoins mais en plus je gagne la sphère
sociale : je ne suis plus un homme seul je suis avec les autres
hommes. Par là, la paix entre les hommes est possible et c'est
ainsi qu'il y a aussi une dimension politique de l'échange.
On
pouvait faire référence à Claude Lévi-Strauss
pour la dimension sociale, et à Montesquieu pour la dimension
politique.
La dimension anthropologique :
Que gagne-t-on à
échanger ? Il n'y a pas que la satisfaction de mes
besoins, le lien social et la paix. Si nous échangeons, c'est
parce que nous ne pouvons pas faire autrement : l'homme par nature
est un être d'échange. Il cherche la relation à
l'autre et le langage (l'échange langagier) est le premier
mode d'ouverture à l'autre. On pourrait se demander ce qu'on
gagne à parler aux autres. Sans aucun doute, la capacité
d'évoluer et de devenir homme ; c'est-à-dire la
possibilité de s'accomplir en tant qu'homme.
On pouvait
faire référence au livre de Lucien Malson, sur Les
enfants sauvages et au film de François Truffaut qui s'en
inspire L'enfant sauvage. Le cas des enfants sauvages
retrouvés à l'état le plus primitif du
développement naturel, comme Victor de l'Aveyron, montre bien
combien la relation à l'autre est nécessaire pour
l'épanouissement d'un petit homme.
Il fallait donc
absolument éviter de se cantonner à l'échange
marchand et partir du fait qu'on ne peut pas ne pas échanger,
que l'homme est essentiellement un être qui échange.
Ainsi le gain ne peut pas être entendu du seul point de vue
matériel. L'homme, être de raison, gagne ce qu'il ne
peut obtenir seul : la relation à l'autre (qu'il peut
d'ailleurs perdre, pensons aux guerres ou aux disputes), c'est un
gain par lui-même, enrichi de la rationalité des
autres.