Le sujet 2007 - Bac ES - Philosophie - Dissertation |
Avis du professeur :
Le sujet porte sur le travail. Il est un peu provocateur, on
se doute bien que le bénéfice du travail n'est pas seulement économique... |
Que gagnons-nous à travailler ?
I – PRESENTATION DE LA QUESTION ET DE SES DIFFICULTES
En associant d'emblée travail et
gain pour mettre en question
ce rapport, le sujet, sous une forme provocatrice, vous invite à vous
interroger sur la valeur du travail.
La notion centrale est le travail, questionnée dans
une perspective morale.
Vous ne devez donc pas en rester au sens purement matériel
de la notion de gain, mais la comprendre aussi dans
un sens psychologique, moral, et spirituel.
C'est un sujet classique sur le sens du travail dans notre existence, où vos
connaissances en sciences économiques et sociales étaient les bienvenues !
II - LA PROBLEMATIQUE
"Il faut travailler pour gagner de l'argent",
combien de fois n'avons-nous pas entendu et répété cette phrase ! Mais le
travail est-il simplement un moyen pénible en vue
d'un gain strictement matériel, ou possède-t-il une valeur
en soi ?
Ne faisons-nous que perdre notre vie à la gagner ? Ou ne gagnons-nous pas
autre chose que de l'argent en travaillant ?
III - LES PISTES DE REFLEXION
● En interrogeant
l'opposition gagner/perdre, on en déduit que gagner
implique toujours que quelque chose de positif
s'accomplit, et ceci quels que soient les domaines.
Vous auriez pu ainsi penser à la valorisation du
travail humain dans la philosophie de Marx : le travail est une activité vitale qui relève de la nécessité :
transformer la nature en vue de la satisfaction des besoins. Mais le travail
humain a cette spécificité d'être conscient et réfléchi : l'homme se reconnaît dans le produit de son travail, il
transforme la nature à son image, il humanise le monde. L'homme gagne donc une reconnaissance de soi et un développement effectif de
ses facultés par son travail. Le travail n'est plus seulement une nécessité mais un accomplissement.
● Les recherches du sociologue Max Weber sur la
valorisation du travail dans les communautés protestantes (L'Ethique
protestante et l'esprit du capitalisme) vont dans le même sens : le travail
ne permet pas simplement un gain matériel mais aussi spirituel : en travaillant, nous valorisons le monde créé par Dieu et œuvrons
à notre salut.
● Mais vous pouviez aussi montrer que le travail n'est qu'une activité
humaine parmi d'autres. La distinction établie par Hannah Arendt dans La
condition de l'homme moderne entre travail, œuvre et action pouvait être fructueuse ici pour hiérarchiser la valeur de ces
différentes activités. Il n'est pas certain que le travail puisse donner un
sens véritablement humain à notre existence. Et une humanité qui ne ferait plus
que travailler et consommer les produits de son travail perdrait littéralement
son temps, c'est-à-dire sa temporalité spécifiquement humaine, qu'elle
conquiert dans la création artistique et l'action politique.
IV - LES PISTES DE DEVELOPPEMENT
● Ne gagnons-nous que de
l'argent ?
Le métier n'est-t-il qu'un simple moyen de gagner sa vie, ou -en termes plus
philosophiques- le travail n'est-il qu'une pénible nécessité vitale ?
Il ne s'agit pas d'éluder cet aspect, car il est important. Dans une perspective
sociologique, vous pouviez vous interroger sur l'impact psychologique du
chômage, et les inégalités sociales que le travail engendre.
● En travaillant, ne gagnons-nous pas aussi une reconnaissance et un
accomplissement ?
Vous pouviez envisager cette question sous un aspect purement philosophique
(voir par exemple le travail comme une objectivation de la conscience de soi)
ou/et psychologique et sociale (reconnaissance des autres, affirmation d'une
position sociale dont l'importance déborde largement la simple sphère du
métier).
● Perdre sa vie à la gagner ?
Sans mésestimer l'importance du travail dans notre existence (ne serait-ce
qu'en temps passé...), il faut s'interroger sur le danger d'une trop grande
valorisation du travail (dans nos sociétés en particulier).
Le travail reste une activité ancrée dans la nécessité et les multiples
exigences et contraintes sociales. Nous n'y gagnons ni la créativité, ni la
liberté, ni l'authentique épanouissement de notre personne.