Le sujet 2009 - Bac ES - Philosophie - Dissertation |
Avis du professeur :
Un sujet sur la technique et ses effets c'est dans l'air du temps ! Attention à ne pas se laisser déborder par les questions d'écologie, certes présentées dans le sujet mais qui ne doivent pas monopoliser tout le devoir. |
Le développement
technique transforme-t-il les hommes ?
I – L'ANALYSE DU SUJET
● Ce sujet ne
présente pas de difficulté particulière, dans la
mesure où il correspond à une problématique
assez classique. Cependant, il faut être bien attentif à
l'intitulé précis de la question, et ne pas réduire
le sujet à une réflexion générale sur le
progrès technique.
En effet : si la notion principale
est la technique, le sujet porte en fait sur le
rapport entre l'homme et la technique ;
et la réciprocité de ce rapport : si l'homme agit
sur la technique, la technique elle aussi pourrait agir
sur l'homme et le transformer.
● Ce sujet
porte sur le développement technique :
c'est-à-dire non
seulement le progrès (amélioration
des techniques, augmentation de l'efficacité, de la
performance des moyens dont l'homme dispose et qu'il crée pour
parvenir à ses fins), mais encore l'expansion
de la technique : le fait qu'elle occupe tous les domaines, et
qu'elle est présente partout (travail, rapports entre les
hommes, loisirs, médecine etc.).
La question est donc de
savoir si l'homme
reste le même quand la technique occupe toutes les dimensions
de son existence.
● Transformer, c'est modifier un être, de telle sorte qu'il ne soit plus le même avant et après. L'homme n'est plus le même aujourd'hui qu'au Moyen-âge, pourrait-on dire, en ce sens où l'ensemble des modes de vie a changé. La question alors est de savoir si c'est l'essence de l'homme qui est modifiée par la technique, ou simplement certains de ses attributs.
● On peut penser que l'homme change sans devenir autre chose pour autant, ou penser que l'essence de l'homme est modifiée par le développement technique (idée par exemple que l'homme est déshumanisé par la technique, ou au contraire qu'il devient surhomme, voir par exemple le cyborg).
II - LA PROBLEMATIQUE
On peut se demander
si le développement technique est simplement le développement
des moyens que l'homme crée pour parvenir à ses fins.
Dans ce cas ce développement n'agirait pas directement sur
l'homme lui-même, la technique ne modifierait pas l'être
de l'homme, mais simplement ce qu'il
possède à sa disposition pour le soutenir ou l'aider
dans ses actions.
Si au contraire la technique n'est
pas considérée comme ce qui constitue paradoxalement la
nature de l'homme, étant ce qui détermine aussi ce
qu'il est,
le développement technique correspondrait au développement
de l'homme lui-même, et donc le transformerait.
La question
serait alors de savoir jusqu'où
l'homme est transformé
par le développement technique : c'est-à-dire si
le développement technique peut conduire à une mutation
de l'homme en un autre être.
III - LA BOITE A OUTILS
● Si on
définit la technique comme l'ensemble des moyens créés
par l'homme, et utilisés, pour parvenir à ses fins,
alors l'homme reste maître
des techniques, qui lui permettent de transformer
la nature.
Selon cette conception de la technique : le
développement des techniques constituerait simplement
l'augmentation
des moyens dont l'homme dispose, et l'amélioration de leurs
performances. La technique se développe, et l'homme lui,
transforme la
nature
grâce à cette technique, sans être lui même
transformé.
C'est
ce que soutient Descartes quand il dit que l'homme, par la
technique, se rend comme maître et possesseur de la nature.
● Cependant, quand on observe le développement des techniques on peut constater qu'à chaque étape du développement technique correspond une étape du développement de l'humanité : silex, roue, imprimerie, machine à vapeur, internet, informatique. On voit ainsi, comme le dit Bergson, que l'homme est homo faber et qu'il se définit par sa capacité à inventer des techniques. Il se développe lui-même avec le développement de ses techniques.
● En effet la technique est non seulement un moyen ou un ensemble de moyens, mais ce pourquoi l'homme développe ses propres facultés : cf. Marx : ce qui distingue le plus mauvais architecte de l'abeille qui construit sa ruche, c'est qu'il conçoit d'abord ce qu'il va fabriquer : rencontrant la résistance de la nature, l'homme est contraint de discipliner sa volonté, de développer ses facultés, et se trouve ainsi "l'humanité" pas la technique.
● Mais
alors on peut se demander si la technique est seulement ce par quoi
l'homme développe son humanité (sort de la nature), ou
si la technique peut agir sur la nature même de l'homme.
Pour
développer cette question, on peut se référer à
Marx et à l'aliénation de l'ouvrier réduit à
être au service de la machine : où on voit comment le
développement technique peut conduire à la
deshumanisation de l'homme.
● Inversement aujourd'hui l'investissement du corps même de l'homme par le développement technique conduit à s'interroger sur l'homme de demain (cyborg, organes artificiels, développement du génie génétique...).
● On
pouvait aussi s'interroger sur la frontière entre "nature
de l'homme" et "conditions de vie" : si le
développement technique modifie l'ensemble des domaines
d'activité de l'homme, ne modifie-t-il pas nécessairement
aussi l'homme lui-même ?
L'homme se définit non
pas par une
nature,
mais dans et par une
culture
(la technique comme dimension de la culture).
Le sujet invitait davantage à une réflexion sur l'essence même de l'homme et le rôle de la technique dans la nature de l'homme que sur les conséquences positives ou négatives des progrès techniques.
Le
risque consistait donc à recenser les avantages et
inconvénients de la technique. En revanche toute réflexion
sur l'homme lui-même, et la manière dont la technique
agit
sur lui, pouvait être pertinente.