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Annales gratuites Bac L : Perception et éducation

Le sujet  2008 - Bac L - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Un sujet sur la perception, il y a longtemps qu'on n'avait pas vu ça !
C'est un sujet qui demande beaucoup de connaissances, à la fois sur la perception mais aussi, par exemple, sur l'art.

LE SUJET


La perception peut-elle s'éduquer ?


LE CORRIGÉ


I – L'analyse du sujet ET DE SES DIFFICULTES

Le sujet est apparemment précis, pour ne pas dire pointu. En vérité, pour traiter correctement cette question, il faut largement déborder le champ de la perception pour envisager les champs de la culture, de l'art et de la science. Un sujet de haut vol qui s'adressait aux meilleurs élèves.

II - LA PROBLEMATIQUE

Une façon simple de mettre en mouvement la réflexion était de remarquer que l'énoncé créait une tension entre deux termes qui appartiennent à la nature (la perception) et à la culture (l'éducation).
Cette opposition est soulignée par la question "peut-elle" qui contient l'idée implicite que la perception serait une donnée naturelle, une sorte de don sur lequel il n'y aurait pas de possibilité d'agir.
Le problème consiste à montrer que loin d'être naturelle, la perception est toute entière traversée par la culture et modelée par l'éducation.

III - LES PISTES DE REFLEXION

Qu'est-ce qui est naturel dans la perception ? L'oeil, la liaison du nerf optique au cerveau ou les neurones qui analysent l'influx nerveux ? Mais une fois qu'on a dit cela on n'a rien dit car toute cette infrastructure organique n'est rien sans les opérations de décodage, et celles-ci se déroulent toute entière chez l'homme dans l'atmosphère des premiers apprentissages.
La perception est polarisée par certains objets, elle est valorisée ou dévalorisée selon les cas, les objets perçus sont accompagnés de valeurs morales dont le langage se fait l'écho.
Autrement dit, la perception doit être éduquée pour jouer son rôle qui n'est pas seulement un rôle de connaissance du monde mais un véritable rôle d'orientation dans l'existence. Cela signifie que nous héritons pour une part de notre système perceptif en ce que nous faisons l'apprentissage d'une perception en quelque sorte organisée par la culture à laquelle nous appartenons. On peut parfaitement imaginer qu'un petit d'homme né dans une peuplade de chasseurs fera un tout autre apprentissage de ses sens qui seront éduqués pour assurer au mieux la maîtrise de son milieu et des opérations de sa survie (comme la chasse).
Comme l'écrit Pierre Bourdieu : "l'oeil est un produit de l'histoire reproduit par l'éducation".

IV - LES PISTES DE DEVELOPPEMENT

● Après une première partie plus anthropologique consacrée au rôle de la culture dans le développement d'une faculté comme la perception, vous pouviez montrer que l'éducation des sens est d'autant plus indispensable que les objets sont plus élaborés.
● Ainsi la perception des oeuvres d'art exige un apprentissage spécifique des styles, des codes d'expression des artistes, une culture générale qui sert par exemple à identifier les scènes mythologiques ou bibliques qui sont représentées sur un tableau, à comprendre la valeur symbolique de tel ou tel objet matériel et en conséquence le sens qu'il apporte à l'oeuvre.
Cette idée que la perception de l'art exige une éducation est intuitivement connue par les artistes. Ainsi raconte-t-on que le compositeur Igor Stravinsky lorsqu'il a fait jouer pour la première fois Le Sacre du printemps a demandé à l'orchestre de le jouer deux fois sans interruption. En sortant, les auditeurs étaient nombreux à trouver meilleure la seconde partie que la première. Cette anecdote illustre à la fois la difficulté pour nous de percevoir des choses nouvelles et la façon dont une chose nouvelle, une fois perçue, rend plus facile d'autres perceptions.
L'éducation artistique de nos sens est donc continuelle.
● Mais il ne faut pas croire que l'éducation de notre perception ne touche que des objets singuliers comme les oeuvres d'art. Dans le domaine de la science, il en va pareillement, et souvent les grands savants sont ceux qui ont réussi à modifier nos perceptions et nous ont appris à voir autrement.
Ainsi, jusqu'à Galilée, la perception naïve nous faisait croire que certains corps tombaient sur le sol alors que d'autres avaient la capacité de s'élever dans l'air. Galilée a montré que tous les corps tombent parce que tous sont soumis à la même force d'attraction. Ce qui modifie leur comportement, c' est la résistance que l'air produit durant la chute, et c'est la force de cette résistance qui va modifier la vitesse de la chute et pas un caractère propre à l'objet. Ce qui est particulièrement intéressant dans l'exemple de Galilée c'est qu'il a élaboré la loi de la chute des corps sans "voir" la force qui pèse sur les corps et en imaginant des corps tombant dans le vide (il faut se souvenir qu'à l'époque on ne sait pas encore créer artificiellement le vide). Il a donc dû se représenter mentalement des forces et les faire agir. C'est pourquoi on nomme ce type d'expérience
expérience par la pensée. Elle nous intéresse parce qu'elle montre le pouvoir de l'esprit pour modifier ses perceptions immédiates en leur redonnant un sens que la perception nous masque.

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