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Annales gratuites Bac S : Plaisir et Bien

Le sujet  2004 - Bac S - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique Imprimer le sujet
LE SUJET

Expliquez le texte suivant :

Le fait que l'ami est autre que le flatteur semble montrer clairement que le plaisir n'est pas un bien, ou qu'il y a des plaisirs spécifiquement différents. L'ami, en effet, paraît rechercher notre compagnie pour notre bien, et le flatteur pour notre plaisir, et à ce dernier on adresse des reproches et à l'autre des éloges, en raison des fins différentes pour lesquelles ils nous fréquentent. En outre, nul homme ne choisirait de vivre en conservant durant toute son existence l'intelligence d'un petit enfant, même s'il continuait à jouir le plus possible des plaisirs de l'enfance ; nul ne choisirait non plus de ressentir du plaisir en accomplissant un acte particulièrement déshonorant, même s'il ne devait jamais en résulter pour lui de conséquence pénible. Et il y a aussi bien des avantages que nous mettrions tout notre empressement à obtenir, même s'ils ne nous apportaient aucun plaisir, comme voir, se souvenir, savoir, posséder les vertus. Qu'en fait des plaisirs accompagnent nécessairement ces avantages ne fait pour nous aucune différence, puisque nous les choisirions quand bien même ils ne seraient pour nous la source d'aucun plaisir. Qu'ainsi donc le plaisir ne soit pas le bien, ni que tout plaisir soit désirable, c'est là une chose, semble-t-il, bien évidente.

Aristote, Ethique à Nicomaque

La connaissance de la doctrine de l'auteur n'est pas requise. Il faut et il suffit que l'explication rende compte, par la compréhension précise du texte, du problème dont il est question.

LE CORRIGÉ

I - LES TERMES DU SUJET

Ce texte vise à partir d'une comparaison entre l'ami et le flatteur à distinguer le plaisir du bien. Il montre aussi que, pour l'homme, la recherche du bien l'emporte sur celle du plaisir.
Le bien apparaît ainsi comme la fin ultime qui est poursuivie par l'homme tandis que le plaisir reste subordonné à la possession des vertus.

Le texte repose donc sur une distinction entre le bien inconditionnellement désirable et le plaisir qui ne saurait constituer une fin en soi ni même une valeur absolue.

II - L'ANALYSE DU PROBLEME

A travers une série d'arguments, le texte d'Aristote établit une différence de nature entre bien et plaisir. S'il y a une multiplicité de plaisirs (selon les âges de la vie ou les objets qui en sont à l'origine), le bien se caractérise en revanche par son unité et son universalité. Il est ainsi ce qui constitue la fin ultime de l'existence humaine.

III - UNE DEMARCHE POSSIBLE

A - LES ETAPES DE LA JUSTIFICATION

1) "Le fait que [...] spécifiquement différents".
Aristote présente la thèse du texte en partant d'un exemple. C'est à partir de la comparaison de l'ami et du flatteur qu'il établit l'incommensurabilité du plaisir et du bien d'une part et la diversité des plaisirs d'autre part. Il faut ici être attentif au jeu des articles définis et indéfinis : LE plaisir n'est pas UN certain type de bien. Aristote signale ici une différence de nature entre le bien et le plaisir. En outre, il précise qu'il y a au sein du genre "plaisir" des différences spécifiques.

2) "l'ami, en effet, paraît [...] la source d'aucun plaisir".
La justification de la thèse s'effectue en deux temps :
a) Comparaison entre l'ami qui nous fréquente en vue de notre bien et du flatteur qui, par ses propos, suscite une satisfaction certaine. Toutefois, en dépit du plaisir procuré par ces flatteries, les finalités du flatteur sont toujours susceptibles d'être critiquées. Que vise-t-il par ses propos séduisants ? A obtenir nos faveurs en retour du plaisir qu'il nous procure ? Au contraire, l'ami recherche notre bien : ses propos ou ses actes ne peuvent être suspectés : la seule bienveillance est au principe de la relation qu'il entretient avec nous. Il est notre ami non pour les bénéfices qu'il peut retirer de cette amitié mais pour nous-mêmes.
b) Aristote introduit un deuxième argument qu'il présente à travers deux exemples : le plaisir n'est pas la mesure de nos choix.
Les plaisirs de l'enfance ne sont d'aucun poids en regard du développement de nos facultés intellectuelles. Il y a donc des satisfactions supérieures aux plaisirs.
De même, le plaisir que pourrait susciter un acte déshonorant ne pourra constituer un motif suffisant pour l'homme.

Ainsi, le plaisir n'est pas ce qui détermine ses choix. Il peut même s'orienter vers des fins qui ne seront la promesse d'aucun plaisir. Il y a ainsi des biens supérieurs au plaisir. La présence du plaisir n'apparaît pas comme un facteur déterminant les choix humains.

3) Conclusion de la justification :
a) Le bien et le plaisir ne sont pas identiques ainsi que l'ont établi les constats empiriques présentés à titre d'arguments.
b) Le plaisir n'est pas comme tel désirable.

L'évidence de cette conclusion tient ici davantage à l'appel de l'expérience commune qui est faite à travers des exemples qu'à une argumentation selon un ordre de raisons.

B - ETUDE CRITIQUE

Le bien est selon Aristote la fin ultime de la vie humaine. Le plaisir ne doit être considéré que comme un accompagnement qui advient de surcroît.
On peut remarquer que la perspective aristotélicienne ne procède à aucune condamnation du plaisir. En cela, elle diffère de l'approche négative des plaisirs par Platon soumis à la démesure des désirs illimités (semblables en cela au fameux tonneau des Danaïdes sans cesse rempli, sans cesse vidé).
Ce texte peut aussi être lu comme une critique de la position d'Epicure qui identifie le bien au plaisir.

IV - DES REFERENCES UTILES

  • Aristote, Ethique à Nicomaque
  • Platon, Gorgias
  • Epicure, Lettre à Ménécée
  • Kant, Critique de la raison pratique
  • V - LES FAUSSES PISTES

    S'en tenir aux exemples évoqués sans montrer leur statut dans le raisonnement d'Aristote.

    VI - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR

    Un texte sans difficulté conceptuelle notable qui exige toutefois une attention particulière à la manière dont il s'articule.

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