Le sujet 2009 - Bac Hôtellerie - Philosophie - Dissertation |
Avis du professeur :
Encore un sujet sur le rapport entre la technique et la nature, un de plus ! Le risque dans de tels sujets c'est la généralité, la banalité. Il faut être soucieux de rigueur et de précision. |
La technique
s'oppose-t-elle à la nature ?
I – L'ANALYSE DU SUJET
Le sujet classique dans sa formulation comme dans son contenu comporte une difficulté : il convoque un concept "la nature" qu'il est indispensable de définir précisément afin d'éviter les lieux communs ou les propos trop généraux.
Il est recommandé de s'appuyer sur les cours ("l'art et la technique") pour donner à la notion de "technique" un sens précis.
Enfin, il est indispensable de prêter attention au terme "s'opposer", qui est polysémique. C'est l'analyse des sens que peut recevoir ce verbe qui permet de construire un véritable questionnement.
En effet, s'opposer
c'est "faire obstacle", "agir contre" mais
c'est aussi être totalement différent, incompatible ou
même antinomique.
Ainsi, les produits de la technique font
obstacle, résistent à la puissance destructive de la
nature : c'est le cas d'une digue construite pour canaliser le
cours d'un fleuve ou de l'habitat humain destiné à
protéger l'homme des intempéries naturelles.
Mais on peut aussi constater que les produits naturels se distinguent des artefacts humains : d'abord en ce qu'ils ne relèvent d'aucune intentionnalité (le nid de l'hirondelle ou les alvéoles de la cire d'abeille ne sont que les effets d'un instinct aveugle) ; au contraire les objets techniques résultent d'un faire qui articule de manière réfléchie une fin et des moyens.
Ensuite, on observe aussi que l'ordre naturel répond à une nécessité immuable - il répond à des lois invariables - alors que le monde de la technique est en évolution, ou même diront certains, en progrès.
Il est donc
important de distinguer ces deux niveaux pour traiter le sujet.:
1.
L'un qui analyse en quoi et comment ces deux réalités
se distinguent.
2. L'autre qui examine le rapport qu'elles
entretiennent : rapport d'opposition ? Ou rapport de
complémentarité ?
Il s'agit ainsi d'examiner si la technique prolonge la nature au sens où elle l'achève, la porte à son plein accomplissement. Ou si au contraire, la technique est une dénaturation, une destruction de la nature.
Comme on le constate
à la lumière d'une analyse précise et
rigoureuse, le sujet présente une complexité bien plus
grande que la première lecture ne le laissait supposer.
On
voit aussi qu'il ne s'agit surtout pas de répondre
positivement ou négativement à la question mais qu'il
est indispensable de faire apparaitre les différents sens que
peut prendre le sujet pour dégager les interrogations qu'il
recouvre.
Il faut aussi éviter de restreindre le sujet en limitant la notion de technique au champ des artefacts utiles : la technique désigne, en effet, une habilité, un savoir-faire qui est mis en œuvre non seulement pour produire des objets utilitaires mais aussi des œuvres d'art. Il est donc utile et même recommandé de réfléchir aux rapports qu'entretiennent l'art (qui est une notion au programme) et la nature.
II - LA PROBLEMATIQUE
Il s'agit donc d'examiner si le rapport qu'entretiennent la technique et la nature est un rapport d'opposition : la technique est-elle opposée à la nature ? Si on constate qu'elle vise à maîtriser la nature, à la transformer pour l'adapter aux besoins humains, on observe aussi qu'elle n'y parvient qu'à la condition non seulement de connaître l'ordre naturel mais aussi de s'y soumettre. La transformation de la nature par la technique ne peut s'effectuer de manière anarchique et débridée sauf à menacer la nature et à priver la technique de ce qui en est la condition.
● Plutôt
que d'opposition - au sens d'une relation
d'antagonisme - il faut donc parler d'une complémentarité.
Comme le montre Aristote, la technique imite la nature c'est-à-dire
qu'elle ne peut la transformer qu'en imitant les processus à
l'œuvre dans la nature (Physique) :
ainsi l'art du médecin n'est efficace pour soigner les
maladies que parce que ses remèdes produisent la guérison
selon des voies qui sont conformes à celles de la nature.
Dans
cette perspective, on peut même dire que la technique elle-même
est naturelle : la main qui permet d'élaborer les outils
est, selon Aristote, un outil avant les outils : " La
nature ne fait rien en vain", si elle a donné la main à
l'homme, c'est en vue d'une fin. Et cette fin est la technique.
On
voit ainsi qu'il ne faut pas opposer la nature et la technique mais
les envisager comme complémentaires : sans la nature la
technique ne peut rien mais réciproquement, la nature, du
moins la nature humaine, comporte en elle la possibilité de la
technique. Bergson définit l'homme comme un homo
faber.
● Il reste pourtant que l'usage de la technique peut aussi avoir des effets négatifs voire destructeurs sur la nature. S'il n'existe pas de nature pure de tout artifice humain, il y a bien des effets techniques qui menacent de façon irréversible l'équilibre fragile de la nature (ce que l'écologie s'attache à penser).
III - LA BOITE A OUTILS
Pour traiter ce sujet en évitant un point de vue unilatéral, on pouvait se référer à Aristote (Physique, II) qui analyse la nature comme un ordre finalisé : "la nature ne fait rien en vain" signifie que la nature a donné à l'homme la technique afin qu'il la conduise à son plein achèvement. D'une autre façon, Francis Bacon montre aussi qu' "on ne commande à la nature qu'en lui obéissant" (Novum Organum).
Pour traiter des
questions relatives à l'écologie, on pouvait s'appuyer
sur la réflexion de Hans Jonas qui établit une "éthique
de la responsabilité" qui impose, face aux dangers que
comportent les développements techniques récents pour
l'environnement et l'humanité future, des obligations et des
devoirs vis-à-vis de la nature (Le principe de précaution).