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Annales gratuites Bac S : Texte d'Aristote

Le sujet  1998 - Bac S - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique Imprimer le sujet
LE SUJET

Vous dégagerez l'intérêt philosophique du texte suivant en procédant à son étude ordonnée :

Apprendre à se connaître est très difficile [...] et un très grand plaisir en même temps (quel plaisir de se connaître !) ; mais nous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes : ce qui le prouve, ce sont les reproches que nous adressons à d'autres, sans nous rendre compte que nous commettons les mêmes erreurs, aveuglés que nous sommes, pour beaucoup d'entre nous, par l'indulgence et la passion qui nous empêchent de juger correctement.
Par conséquent, à la façon dont nous regardons dans un miroir quand nous voulons voir notre visage, quand nous voulons apprendre à nous connaître, c'est en tournant nos regards vers notre ami que nous pourrions nous découvrir, puisqu'un ami est un autre soi-même.

Concluons : la connaissance de soi est un plaisir qui n'est pas possible sans la présence de quelqu'un d'autre qui soit notre ami ; l'homme qui se suffit à soi-même aurait donc besoin d'amitié pour apprendre à se connaître soi-même.

ARISTOTE

LE CORRIGÉ

I - LES TERMES DU SUJET

Se connaître soi-même. C'est là sans doute le programme essentiel de la philosophie depuis SOCRATE.

Le sage est celui qui, au terme de ses apprentissages, retourne sur lui-même son désir de savoir.

L'ami : le texte ayant pour sujet le rôle de l'ami dans la connaissance de soi, l'ami et l'amitié sont au coeur du propos d'ARISTOTE.

Pas de difficulté ici, sinon que l'ami ne devait pas s'entendre dans le sens banalisé que peut avoir en français le mot "copain".


II - UNE ANALYSE DU PROBLEME

Le problème se dégage de ce qu'ARISTOTE dit du philosophe. Le philosophe est celui qui se connaît lui-même. C'est aussi celui qui "se suffit à soi-même".

Y a-t-il une place pour l'autre dans le projet de vie du philosophe ? La sagesse demande-t-elle de vivre seul ?

Le texte d'ARISTOTE peut se comprendre comme une réponse à cette question. La connaissance de soi comme l'autarcie ne souffrent pas de la présence d'un ami, mais au contraire l'exigent.

Qu'attendre d'un ami ? Qui est l'ami ? Voilà les questions que pose le texte et qui déterminent largement son intérêt.


III - LES GRANDES LIGNES DU PLAN

Nous rappelons qu'aucun plan ne s'impose dans ce type d'épreuve. Il suffit que le texte soit méthodiquement expliqué et son intérêt dégagé, ce nous ferons successivement dans deux parties distinctes.


IV - UNE DEMARCHE POSSIBLE

ARISTOTE part de l'impératif socratique de se connaître soi-même. Voilà la tâche philosophique par excellence, si l'on en croit SOCRATE.

La philosophie est un savoir sur l'homme, et pas seulement sur les choses. Le savoir philosophique se distingue donc par sa forme réflexive : étant un savoir sur l'homme, c'est forcément un savoir sur soi.

ARISTOTE dit simplement de ce savoir à la fois qu'il est source de plaisir, et aussi qu'il est très difficile. Le plaisir s'augmente en effet de la difficulté vaincue.

Mais ce qui intéresse ARISTOTE est la manière de se connaître. Il attire notre attention sur les limites de l'introspection : "Nous ne pouvons pas nous contempler nous-mêmes à partir de nous-mêmes" ; contempler veut dire ici connaître.

La connaissance de soi suppose un autre : seul, on ne saurait même l'entreprendre valablement.

ARISTOTE avance un argument, une "preuve". Selon lui, nous nous aveuglons sur nous-mêmes et il nous arrive de reprocher, chez d'autres, erreurs et travers qui sont les nôtres et que nous ne semblons pas voir.

L'aveuglement sur soi-même tient à une excessive indulgence à notre égard ainsi qu'à la passion qui désigne ici le premier mouvement de l'esprit non encore corrigé par la raison lucide.

Il en conclut - "par conséquent" - que ce n'est pas en tournant vers soi son regard, mais vers notre ami, que nous avons une chance de nous connaître.

Au passage, il utilise une analogie : l'ami est à la connaissance de soi ce que le miroir est à la vue ou à l'image de soi.

L'analogie ne se comprend que si l'ami en question n'est pas absolument un autre, mais un autre moi-même.

ARISTOTE tire enfin les conclusions générales de sa réflexion. Le plaisir de la connaissance de soi a pour condition la présence d'un ami.

Bien plus, quand bien même un homme aurait atteint cet état d'autarcie dans lequel il se suffit à lui-même et qui caractérise l'état de la sagesse, il aurait encore besoin d'amitié pour satisfaire l'autre condition de la sagesse, non moins nécessaire : la connaissance de soi.

La pensée antique - on le voit par ce texte - accorde une place importante à l'existence de l'autre dans l'existence humaine.

L'intérêt du texte d'ARISTOTE, et non le moindre, est de nous dire ceci : nous sommes obscurs à nous-mêmes, nous ne nous voyons et connaissons qu'en l'autre, chez qui existent, visibles et évidents, les traits communs de la condition humaine.

D'une certaine manière, on trouve donc trace dans la pensée antique d'un trait saillant de la pensée moderne, à savoir que le rapport à autrui est constitutif de sa propre position et identification dans l'existence.

On pense à ce que disait SARTRE : "autrui est le nécessaire médiateur de moi-même à moi-même".

Mais la comparaison s'arrête là : autant la pensée moderne d'autrui mène vite à la béance de l'identité et à la mise en évidence d'un clivage, d'une scission au coeur de chacun - on pense au fameux "je est un autre" de RIMBAUD ;

Autant la pensée antique de l'autre à travers la réflexion sur l'amitié, s'ouvre sur la perspective du double : l'ami est l'alter ego, l'autre moi-même comparable à mon image ou mon reflet.

On peut dans ces conditions se demander si la pensée antique de l'amitié n'est pas l'indice d'une difficulté : celle de penser l'altérité d'autrui, condition même de la connaissance de l'étranger.

Ou encore : celle de penser autrui plus largement et plus radicalement que dans les limites d'un "entre semblables".

Mon double m'aide à me connaître. Mais qui est au fond autrui ? Et qu'attendre de lui? Est-ce le simple moyen d'une connaissance de soi ? Le problème le plus urgent que pose l'existence de l'autre n'est-il pas plutôt celui de sa reconnaissance en tant qu'autre ?

L'amitié, pourrait-on objecter à ARISTOTE doit subir l'épreuve de la différence, de sorte que le véritable enjeu serait alors : comment faire de l'étranger un ami ?


V - DES REFERENCES POSSIBLES

Philosophie antique :

- ARISTOTE, Ethique à Nicomaque , Livre 9.

- Epicuriens et Stoïciens

Philosophie moderne :

- HEGEL, La phénoménologie de l'esprit , chapitre IV.

- SARTRE, L'être et le néant


VI - LES FAUSSES PISTES

- Entendre le mot ami dans un sens banalisé et ne pas voir que ce texte impliquait la problématique d'autrui.

- En rester à des considérations psychologiques sur la connaissance de soi et le besoin d'un ami.


VII - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR

Le texte ne posait pas de difficulté particulière de compréhension. En revanche, son intérêt était moins évident et le risque d'une banalisation du propos d'ARISTOTE était assez grand.

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