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Annales gratuites Bac ES : La solidarité en France

Le sujet  2010 - Bac ES - Sciences Economiques et Sociales - Dissertation Imprimer le sujet
Avis du professeur :
La question de la solidarité est tout à fait d'actualité, mais ce n'est pas pour autant un problème nouveau. Le sujet est donc intéressant et peut vous permettre de mobiliser vos connaissances personnelles. Les documents couvrent bien le sujet et ne sont pas trop difficiles à analyser. Il faut faire attention à ne pas centrer le devoir sur l'efficacité de la solidarité mais à montrer comment elle s'exerce.
LE SUJET



Dissertation appuyée sur un dossier documentaire

Il est demandé au candidat :

De répondre à la question posée explicitement ou implicitement dans le sujet ;

De construire, une argumentation à partir d'une problématique qu'il devra élaborer;

De mobiliser des connaissances et des informations pertinentes pour traiter le sujet, notamment celles figurant dans le dossier ;

De rédiger en utilisant un vocabulaire économique et social spécifique et approprié à la question en organisant le développement sous la forme d'un plan cohérent qui ménage l'équilibre des parties.

Il sera tenu compte dans la notation, de la clarté de l'expression et du soin apporté à la présentation

Comment la solidarité s'exerce-t-elle en France aujourd'hui ?

DOCUMENT 1

Confrontés à la crise de la Sécurité sociale, au « dérapage » des dépenses publiques, au rôle jugé excessif des transferts sociaux, nous voyons sans cesse ressurgir, sous la forme d'un appel médiatisé à la générosité, un enthousiasme pour la solidarité privée. Cette dernière serait même parfois parée de vertus jugées supérieures à la solidarité publique, souvent perçue comme bureaucratique et impersonnelle. La solidarité privée prend deux formes. Elle correspond d'une part à la solidarité familiale et, d'autre part, à la solidarité, que l'on pourrait dire humanitaire, qui se manifeste sous la forme de dons à des organismes spécialisés dans l'aide aux plus défavorisés, aux malades et aux victimes des guerres et des catastrophes naturelles. [...]

La réactivation des solidarités de proximité qui s'expriment notamment dans la sphère familiale peut traduire une sorte d'essoufflement des solidarisas publiques, mais [on peut] voir entre elles une forte complémentarité. Pour être pleinement efficaces, les solidarités familiales doivent s'appuyer sur des solidarités publiques et les prolonger. En faisant peser sur la famille des responsabilités et des charges trop lourdes, il y a un risque qu'elles s'épuisent et qu'elles deviennent encore plus inégalitaires.

Source : S. PAUGAM Repenser la solidarité, OUF. 2007.

DOCUMENT 2

Structure des dépenses de protection sociale en France en 2007 (en %)





















DOCUMENT 3

C'est dans les classes populaires que l'entraide est la moins développée, du moins sous sa forme financière, les aides publiques constituant la ressource essentielle. Par exemple, dans les ménages ouvriers, l'aide offerte au cours d'une année s’établit à 2,2 % du budget des ménages (contre 2,9 % pour l'ensemble des ménages). L'entraide consiste surtout en une cohabitation temporaire (suite à une perte d'emploi ou une rupture conjugale) ou en une organisation domestique fondée sur la proximité des ménages et la position nodale* de la mère […].

Chez les cadres/professions libérales/entrepreneurs, l'aide offerte représente 3,7 % du budget des ménages. [Ils] sont ceux qui demandent le plus de services à leur entourage pour se faire prêter de grosses sommes d'argent, obtenir des conseils pour chercher un emploi et régler d'autres problèmes difficiles. [...]

Dans les classes moyennes, l'entraide, dont la part financière est proche de la moyenne (l'aide offerte équivaut à 3,2 % du budget des ménages), privilégie la famille nucléaire et se conçoit comme une serviabilité mutuellement profitable. Les services comme le bricolage et les soins aux enfants sont caractéristiques des ménages aux revenus moyens.

Source : J. H. DECHAUX. Sociologie de ta famille, La Découverte, 2007.

*nodale : qui constitue le point essentiel, ici fonction centrale.

DOCUMENT 4



DOCUMENT 5

DOCUMENT 6

On assiste à un glissement d'un modèle maximaliste de la protection sociale fondé sur les assurances obligatoires à un modèle minimaliste visant à apporter des secours aux plus démunis, évolution qui va dans le sens de la dualisation de la protection sociale. Cette évolution risque de se poursuivre car elle découle du fait que la dégradation du marché du travail ne permet plus un financement général des protections sur la base des contributions salariales et patronales. On peut lui trouver un mérite dans la mesure où continuent à relever de la solidarité nationale, désormais financée par l'impôt ceux qui ne peuvent plus être assurés par le travail. [...]

Au fondement de cette opposition entre deux modèles de protection sociale il y a l'opposition entre deux conceptions de la solidarité. Les « dépenses de solidarité » doivent-elles se limiter à procurer un mince filet de sécurité à ceux qui sont les plus démunis de ressources et incapables de se les procurer eux-mêmes ? Ou bien la solidarité est-elle liée à ce qui doit unir tous les membres d’une même société et qui suppose que chacun soit pourvu du minimum de ressources et de protections nécessaires pour exercer à part entière sa citoyenneté sociale ?

Source : R. CASTEL. « Protection sociale ». in S. MESURE. P. SAVIDAN (dir.).

Le dictionnaire des sciences humaines,, PUF, 2006



LE CORRIGÉ

I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

Le sujet concerne le thème « Intégration et solidarité » et plus précisément le chapitre « Protection sociale et solidarité collective ». Au-delà du terme solidarité qu’il faut définir, les notions essentielles auxquelles il faut vous référer sont l’État-providence, la dualité assurance/assistance et la redistribution. La question de la cohésion sociale relève aussi de ce sujet même si c’est moins directement. Le sujet correspond à un thème clairement identifié dans le programme et traité en cours. Sa formulation très claire permet de le cerner rapidement. Les documents donnent de bonnes indications pour traiter les questions posées et apportent des informations utiles. Les données chiffrées apparaissant dans les documents 4 et 5 sont des illustrations qui invitent à penser à des aspects importants comme la solidarité entre les générations ou l’importance des solidarités autres que étatiques et assurancielles. Attention à ne pas rester sur un niveau purement descriptif, voire historique à propos de la solidarité. N’omettez pas les enjeux qui sont au cœur des évolutions de la solidarité en France.


II – LA PROBLEMATIQUE

La question posée porte sur le fonctionnement des institutions qui organisent la solidarité en France. La crise actuelle comme les évolutions de la démographie et de l’emploi ont modifié le contexte dans lequel s’inscrit l’organisation de la solidarité tout en rappelant son importance pour la cohésion sociale. Le sujet suppose de s’interroger sur les évolutions récentes et encore en cours de la protection sociale et de la redistribution.

III – LES OUTILS : SAVOIRS ET SAVOIR-FAIRE

A- Les connaissances utiles :

- la notion de solidarité et son contenu (entre classes sociales, entre actifs et inactifs, entre actifs en emploi et chômeurs, entre bien portants et malades, entre générations…).

- le système de protection sociale « à la française » avec le rôle de la Sécurité Sociale, de l’Unédic, de l’État, la place des assurances privées, l’intervention des associations et l’importance relative de l’entraide familiale.

- les différents systèmes (libéral, corporatiste ou bismarckien, unitaire ou beveridgien) de protection sociale et le cas particulier du système français (système hybride).

- le financement de la protection sociale et ses difficultés.

- les mécanismes de redistribution et leur rôle dans l’architecture de la solidarité sociale en France.

- le débat sur les prélèvements obligatoires.

B- Quelques repères pour bien traiter les documents :

Doc. 1 : Le sociologue français Serge Paugam expose la dualité entre la solidarité publique (organisée en France par la Sécurité Sociale, l’Unédic et l’État) et la solidarité privée (assurée par les familles et les associations). Il montre l’attractivité croissante de la seconde face aux difficultés de la première tout en rappelant leur nécessaire complémentarité pour éviter de creuser les inégalités sociales.

Doc. 2 : Le graphique présente la part relative de chaque prestation en France en 2007 dans le total des dépenses de protection sociale. Il montre le poids massif des dépenses consacrées aux personnes âgées, donc aux retraites, et des dépenses de santé. Ces deux postes représentent plus des deux tiers du total (67,1%), ce qui souligne l’importance du vieillissement de la population qui contribue à ces deux postes.

Doc. 3 : Ce texte montre le caractère non redistributif de l’entraide familiale puisque les plus pauvres sont logiquement ceux qui peuvent financièrement le moins aider leurs proches. Cela confirme l’importance de la solidarité publique décrite dans le document 1.

Doc. 4 : Ce tableau indique le poids prédominant de l’entraide familiale dans la solidarité privée dans le cas des jeunes salariés de 18 à 25 ans. Ils comptent principalement sur leurs parents (premier recours dans 42% des cas, deuxième recours pour 34%) et leur conjoint (29% et 18%) pour faire face aux difficultés de la vie quotidienne. On mesure ici la faible crédibilité des aides collectives dans cette catégorie de population.

Doc. 5 : Ce tableau révèle la participation assez faible des individus aux associations. On observe en outre que les plus fréquentées concernent soit les loisirs (sport, art, culture, musique), soit un regroupement des personnes âgées entre elles. Même si les clubs du 3ème âge créent du lien, voire de la solidarité, celle-ci reste intragénérationnelle et non intergénérationnelle.

Doc. 6 : Le sociologue Robert Castel examine les mutations du système de protection sociale français qui devient de plus en plus dual. Il observe le poids croissant de l’assurance privée et le creusement des inégalités sociales entre les plus pauvres qui ne disposent que d’un filet de protection minimal (en matière de santé ou de retraite) et ceux qui ont les moyens de compléter ces dispositifs (en recourant à des mutuelles, des assurances et des régimes de retraite complémentaire). Il évoque la crise financière du système de protection collective liée à la montée du chômage, du sous-emploi et des emplois précaires. Cette évolution met selon en lui en péril la citoyenneté sociale.

IV - LES PISTES DE REPONSES

Introduction

Le « trou de la Sécurité Sociale » revient régulièrement à la une des médias et illustre les difficultés d’organisation de la solidarité. En favorisant le lien social, cette dernière est pourtant l’une des caractéristiques du modèle français. Depuis la création de la Sécurité Sociale en 1945 et de l’Unédic en 1959, notre pays s’est doté d’un système de protection sociale collective auquel contribue aussi l’État. De leur côté, l’assurance privée, l’entraide familiale et les réseaux associatifs contribuent à assurer la solidarité de façon plus ou moins efficace. De quelle façon ces différents mécanismes et ces multiples institutions font-ils face aux défis d’une solidarité menacée par la dégradation de l’emploi et le vieillissement de la population ? Comment la solidarité à la française a-t-elle évolué et à quels enjeux doit-elle répondre aujourd’hui ? Après avoir décrit dans une première partie l’architecture donnant depuis 1945 une place essentielle à la solidarité collective, on s’interrogera dans une seconde partie sur les évolutions d’un système donnant plus de place à l’assistance et à la solidarité privée au risque de limiter sa portée redistributive.

Partie I : Depuis 1945, la solidarité collective joue un rôle central en France

A) Le système français d’assurance collective et de redistribution a été construit dans un contexte particulier.

  • La structure et la logique de la Sécurité Sociale fondée en 1945 : un système d’assurance collective hybride entre une volonté d’universalité (à la Beveridge) et un financement assis sur les salaires (à la Bismarck) qui crée la solidarité. Un complément par l’assurance chômage également financée sur le travail avec la création de l’Unédic en 1959.

  • Ce système organise la redistribution horizontale (entre bien portants et malades, entre actifs et retraités, entre actifs en emploi et chômeurs) et verticale (entre riches et moins riches) que vient compléter l’action de l’État et de la fiscalité (notamment l’impôt sur le revenu proportionnel et progressif).

  • On fonde ainsi un lien social dans un contexte marqué par le rajeunissement (baby boom) et le plein emploi (reconstruction puis croissance des 30 Glorieuses) en organisant l’assurance collective et solidaire contre les risques sociaux en donnant une place centrale à la solidarité publique (Doc. 1).


B) Les institutions chargées de la protection sociale et de la redistribution sont confrontées à de multiples difficultés dans un contexte qui s’est modifié.

  • La solidarité publique (qu’organisent la Sécurité Sociale, l’Unédic et l’État) se heurte à des difficultés de financement (Doc. 1) et d’efficacité (Doc. 6).

  • Dans un contexte transformé par la dégradation de l’emploi, le financement devient de moins en moins bien assuré alors que les besoins croissent, ce qui atteint la solidarité et la crédibilité du système (Doc. 4).

  • Le vieillissement de la population génère des contraintes différentes comme le montre l’évolution de la structure des dépenses de protection sociale (Doc. 2).

  • D’où de nécessaires évolutions pour pallier « la nouvelle pauvreté » et assurer un lien social solide.

Partie II : L’évolution de la solidarité en France esquisse une réponse discutée aux nouveaux enjeux

A) L’évolution vers plus d’assistance éloigne du modèle d’origine.

  • Face à la montée de populations en grande difficulté, la solidarité prend plus souvent la forme d’une assistance minimale (RMI puis RSA, minimum vieillesse, ASS, CMU) que d’une assurance collective et solidaire (Doc. 6).

  • Les plus pauvres recourent alors de plus en plus à des solidarités de proximité (Doc. 1) et à l’entraide familiale (Doc. 3).

  • Le système met en question la notion même de solidarité à laquelle les plus jeunes semblent croire de moins en moins (Doc. 4).

B) Le poids croissant de la solidarité privée met-il en cause le modèle français en réduisant la redistribution et en allant vers un système à deux vitesses ?



  • Si les assurances obligatoires n’apportent plus qu’une protection minimale, ceux qui le peuvent complètent leur protection contre les risques sociaux au moyen d’assurances privées alors que les autres moins bien protégés s’en remettent à l’aide de leurs proches (Doc. 1).

  • Cela risque de générer un système à deux vitesses qui s’éloigne de la solidarité et menace le lien social (Doc. 6) dans un contexte d’individualisme affirmé (Doc. 5).

  • On ne peut pourtant pas laisser le système ancien faire faillite au risque de ne plus avoir aucune protection et donc une solidarité affichée mais non avérée.

Conclusion

La solidarité « à la française » est sans doute à un tournant. Elle est confrontée à un ensemble de difficultés qui mettent en question sa légitimité. Les évolutions intervenues depuis trois décennies esquissent un nouveau système dont les contours restent hésitants face à la nécessité de préserver la solidarité dans une société plus âgée et plus individualiste. En comparant la situation française à celle de bien d’autres pays, on constate que la solidarité reste bien vivante en France en dépit des obstacles et des ratés. L’exemple des retraites montre néanmoins l’urgence et la complexité d’une réforme qui permette enfin de réduire la fracture sociale.

V - LES "PLUS"

Dans la copie, vous pouviez ajouter des éléments qui, sans être absolument indispensables, vous permettent de valoriser votre travail. Ce sont des « plus » dans votre copie. En voici quelques-uns :

- Introduire des éléments de comparaison internationale en comparant le système hybride français au système libéral (à l’américaine), au système bismarckien (allemand) et au système beveridgien (anglais à l’origine, plutôt scandinave aujourd’hui).

- Détailler le rôle redistributif de la solidarité « à la française » tout en abordant le débat soulevé par les économistes libéraux sur les effets d’éviction et les risques d’évasion fiscale.

- Illustrer la problématique actuelle de la solidarité autour du dossier des retraites.

Attention ! Ces éléments sont importants dans l’évaluation mais comptent aussi la pertinence du plan que vous avez bâti, votre capacité d’analyse des documents et la qualité de votre expression (style et orthographe).

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