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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Anny Duperey

Le sujet  2002 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

En regardant des photographies, Anny Duperey cherche à retrouver les souvenirs de sa petite enfance perdus à la suite d'un grave choc émotionnel.

Les maillots qui grattent

    Oh ! Une réminiscence ! Un vague, très vague souvenir d'une sensation d'enfance : les maillots tricotés main qui grattent partout lorsqu'ils sont mouillés... Ce n'est pas le plus agréable des souvenirs mais qu'importe, c'en est au moins un.
    Et je suis frappée de constater encore une fois, en regardant sur ces photos les vêtements que nous portons ma mère et moi, que tout, absolument tout, à part nos chaussures et les chapeaux de paille, était fait à la maison. Jusqu'aux maillots de bain.
    Que d'attention, que d'heures de travail pour me vêtir ainsi de la tête aux pieds. Que d'amour dans les mains qui prenaient mes mesures, tricotaient sans relâche. Est-ce pour me consoler d'avoir perdu tout cela, pour me rassurer que je passai des années à fabriquer mes propres vêtements, plus tard ?

    Et puis qu'importe ces histoires de vêtements, de maniaquerie couturière, et qu'importe cette si vague réminiscence des maillots qui grattent, si fugitive que déjà je doute de l'avoir retrouvée un instant... Ce qui me fascine sur cette photo, m'émeut aux larmes, c'est la main de mon père sur ma jambe. La manière si tendre dont elle entoure mon genou, légère mais prête à parer toute chute, et ma petite main à moi abandonnée sur son cou. Ces deux mains, l'une qui soutient et l'autre qui se repose sur lui.
    Après la photo il a dû resserrer son étreinte, m'amener à plier les genoux, j'ai dû me laisser aller contre lui, confiante, et il a dû me faire descendre du bateau en disant "hop là !", comme le font tous les pères en emportant leur enfant dans leurs bras pour sauter un obstacle.
    Nous avons dû gaiement rejoindre ma mère qui rangeait l'appareil photo et marcher tous les trois sur la plage. J'ai dû vivre cela, oui...
    La photo me dit qu'il faisait beau, qu'il y avait du vent dans mes cheveux, que la lumière de la côte normande devait être magnifique ce jour-là.
    Et entre mes deux parents à moi, si naturellement et si complètement à moi pour quelque temps encore, j'ai dû me plaindre des coquillages qui piquent les pieds, comme le font tous les enfants ignorants de leurs richesses.

Anny Duperey, Le voile noir

QUESTIONS (15 POINTS)

I - L'IRRUPTION DU SOUVENIR (4 POINTS)

1. a. Dans les lignes [Oh! Une réminiscence...] à [...sont mouillés...], relevez les différents signes de ponctuation. (0,5 point)
b. Que constatez-vous dans le rythme de ces phrases ? (1 point)
c. Quel effet l'auteur cherche-t-il à produire ? (1 point)

2. a. De [Oh! Réminiscence...] à [...c'en est au moins un.], relevez deux termes appartenant au champ lexical de la mémoire. (1 point)
b. Quelle différence de sens faites-vous entre eux ? (1 point)

II - LE ROLE DE LA PHOTOGRAPHIE (3 POINTS)

3. a. A partir de [et qu'importe ...], par quel détail de la photographie le regard d'Anny Duperey est-il arrêté ? (0,5 point)
b. Relevez un procédé mettant en valeur ce détail. (0,5 point)
c. Pourquoi Anny Duperey est-elle émue "aux larmes" ? Justifiez votre réponse à l'aide de citations. (1 point)

4. Quelle est la représentation du père qui se dégage de la scène décrite ? (1 point)

III - LA RECOMPOSITION DU PASSE (8 POINTS)

5. De [Et puis...] à [... de leurs richesses.], le verbe "devoir" est employé à plusieurs reprises.
a. Relevez deux expressions où on le rencontre à deux temps différents que vous nommerez. (1 point)
b. Réécrivez les deux expressions relevées en supprimant "devoir" et en opérant les transformations grammaticales nécessaires. (1 point)
c. Quelle modification de sens cela entraîne-t-il ? (1 point)

6. "Ce qui me fascine..."
"... comme le font tous les enfants..."
a. Quelles sont les valeurs respectives du présent dans ces deux expressions ? (1 point)
b. Quels sont les temps verbaux utilisés pour évoquer le passé ? (1 point)
c. Pourquoi sont-ils employés en complément du présent ? (1 point)

7. Que veut nous faire comprendre Anny Duperey à travers le titre de ce chapitre "Les maillots qui grattent" ? (1 point)

8. En vous appuyant sur vos réponses précédentes dites à quel genre littéraire appartient ce texte. (1 point)

REECRITURE (4,5 POINTS)

Réécrivez de "Et je suis frappée" ... à "de la tête aux pieds" en remplaçant "je" par "les deux sœurs" et le présent par l'imparfait.

Les fautes de copie seront pénalisées.

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Le questionnaire porte sur le texte autobiographique, à partir de l'analyse de la ponctuation, des figures de style, de l'emploi des temps.
On notera la progression logique : le traitement d'une question donnant des pistes pour la suivante.
Par exemple, après avoir étudié la valeur des temps, on est amené à réfléchir sur le texte autobiographique et l'émergence du passé dans le présent de l'écriture.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Il s'agit d'un sujet classique aux questions attendues : champ lexical, valeur des temps, étude stylistique.
Ce questionnaire ne présente aucune réelle difficulté pour un élève de troisième convenablement préparé et qui a dû rencontrer plusieurs fois dans l'année ce type de sujet.
Le texte autobiographique revient régulièrement dans les thèmes d'étude.
Enfin, le texte d'Anny Duperey, que les candidats connaissent peut-être surtout en tant que comédienne, est facile de compréhension et plein d'une émotion qui a pu toucher les jeunes lecteurs.

III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

QUESTIONS

I - L'IRRUPTION DU SOUVENIR

1) a. Dans les lignes 1 et 2, les différents signes de ponctuation sont : les points d'exclamation, les virgules, les points de suspension, deux points et un point final. (0,5 point)

b. Le rythme est alerte au début. Cet effet est produit par la juxtaposition de deux exclamatives (une interjection et un substantif). Il se ralentit ensuite avec l'emploi des points de suspension. (1 point)
La dernière phrase, déclarative, apporte une certaine solennité au paragraphe.

c. L'auteur cherche à reproduire le processus du souvenir : il intervient de façon soudaine, il émeut, il s'attache à un détail (ici, les maillots tricotés main qui grattent) et enclenche une réflexion plus générale. (1 point)
L'émergence du souvenir, presque brutale, est marquée par l'emploi des exclamatives.
La réflexion est exprimée dans la déclarative.

2) a. "Réminiscence " et "souvenirs" sont deux termes appartenant au champ lexical de la mémoire. (1 point)

b. Une réminiscence est un souvenir vague, imprécis, où domine la tonalité affective, c'est le retour à l'esprit d'une image non reconnue comme souvenir.
Un souvenir est ce qui revient ou peut revenir à l'esprit des expériences passées, c'est une image que garde et fournit la mémoire.
La réminiscence est du domaine de l'inconscient alors que le souvenir relève du conscient, de la mémoire vive. (1 point)

II. LE ROLE DE LA PHOTOGRAPHIE

3) a. Le regard de l'auteur est arrêté par la main de son père sur sa jambe. (0,5 point)

b. Ce détail est mis en valeur par l'emploi du présentatif "c'est" : "ce qui me fascine...c'est la main". (0,5 point)
L'auteur fait attendre le lecteur avant de décrire le détail qui l'émeut tant sur la photo.

c. Anny Duperey est émue aux larmes par la tendresse qui régnait entre son père et elle. Leur geste est plein de douceur et de compréhension mutuelle: "la main de mon père sur ma jambe, manière si tendre, ma petite main à moi abandonnée sur son cou".
De plus, elle illustre l'abandon, la confiance absolue qu'éprouvait l'enfant à l'égard de son père : "l'une qui soutient et l'autre qui se repose sur lui". (1 point)

4) La représentation du père qui se dégage de la scène décrite est celle d'un père tendre, affectueux, protecteur.
Il émane de lui à la fois une grande force et un grand amour pour son enfant.
C'est une image forte qui accentue le chagrin de l'auteur qui a perdu cette protection et cet amour. (1 point)

III - LA RECOMPOSITION DU PASSE

5) a. On rencontre le verbe "devoir" au passé composé : "nous avons dû gaiement rejoindre ma mère" et à l'imparfait : "la lumière de la côte normande devait être magnifique".(1 point)

b. Voici ce que l'on obtient en supprimant "devoir" dans ces deux expressions : "nous avons rejoint gaiement ma mère" et "la lumière de la côte normande était magnifique".(1 point)

c. La modification de sens entraînée par ces modifications est que le texte devient un récit mené avec "certitude", alors que l'emploi de "devoir" restitue, le vague, le flou de la mémoire qui n'est plus sûre. (1 point)

6) a. Dans l'expression "ce qui me fascine", il s'agit d'un présent de narration. (1 point)
Dans "comme le font tous les enfants", il s'agit d'un présent de vérité générale.

b. Les temps verbaux utilisés pour évoquer le passé sont l'imparfait et le passé composé. (1 point)

c. Temps du récit (passé composé) et temps de la description (imparfait) : ils provoquent un effet d'éloignement, de paradis perdu, par rapport à l'actualisation du présent de narration.
Quand l'auteur dit, par exemple : "les vêtements que nous portons ma mère et moi", nous avons l'impression de vivre la scène, qu'elle se passe sous nos yeux.
Quand on trouve "la lumière de la côte normande devait être magnifique", on a le sentiment que cette époque de bonheur est totalement révolue. (1 point)

7) Ce titre léger et d'apparence anodine annonce en réalité un texte émouvant qui décrit l'irruption du souvenir dans la mémoire de l'auteur, à partir d'un détail, d'une réminiscence tactile : la laine qui gratte le dos.
C'est ce détail qui va faire naître en elle tout le flot d'émotion, de regret et de chagrin qui se déverse en elle au moment de cette réminiscence. (1 point)

8) Ce texte appartient au genre autobiographique. (1 point)

REECRITURE (4,5 points)

Voici ce que l'on obtient en passant du singulier au pluriel et du présent à l'imparfait :

"Et les deux sœurs étaient frappées de constater encore une fois, en regardant sur ces photos les vêtements qu'elles portaient leur mère et elles, que tout, absolument tout, à part leurs chaussures et les chapeaux de paille, était fait à la maison. Jusqu'aux maillots de bain. Que d'attention, que d'heures de travail pour les vêtir ainsi de la tête aux pieds."

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