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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Mingarelli

Le sujet  2001 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

Le narrateur, un jeune homme pauvre, travaille dans un hospice.

Il faisait beau, et à l'hospice le travail ne manquait pas. Les vieux avaient très envie en ce moment de se promener dans le parc. L'été leur faisait du bien. Ils souriaient, ils tenaient mieux sur leurs jambes que pendant l'hiver. Ils arboraient des écharpes en couleur et des chapeaux antiques. Ils me payaient bien mieux que les jours où il faisait mauvais. Mon travail consistait à leur tenir le bras et à me promener avec eux dans le parc de l'hospice. Nous faisions une ou plusieurs fois le tour des grands arbres au fond du parc, et revenions vers les bancs. Je les aidais à se rasseoir, et c'est alors qu'ils me payaient. Je n'avais pas de tarif, ils me donnaient ce qu'ils voulaient. Parfois ils n'avaient pas d'argent sur eux, leur porte-monnaie était resté dans leur chambre. Ils étaient désolés et je leur disais que ça ne faisait rien. Parfois ils pensaient à me payer le lendemain, parfois non. Qu'ils me payent tout de suite ou non, je retournais ensuite chez Borgman, le concierge. J'allais m'asseoir dans sa petite maison à l'entrée de l'hospice. Depuis la fenêtre, je surveillais les bancs installés autour d'un jardin rond qui était planté de fusains et d'arbustes à fleurs. Les vieux savaient que j'étais là. Ils regardaient vers la fenêtre de Borgman quand ils voulaient aller faire le tour des grands arbres, et ils me faisaient signe de venir. (...)
Les vieux, je les aimais tous bien. Mais ceux qui me payaient le mieux la promenade, je finissais malgré moi par les aimer un peu plus que les autres. Ils avaient tous beaucoup de choses à me raconter, et parfois c'était intéressant de les écouter.
Par exemple il y avait des écureuils dans les arbres. C'était toujours difficile de les apercevoir, mais, lorsque cela arrivait, le vieil homme ou la vieille femme à mon bras se souvenait toujours d'un jour lointain où il avait vu un écureuil. Même les vieux les plus ténébreux, ceux qui ne me parlaient pas tandis que nous marchions, même ceux-là avaient leur regard qui s'éclairait lorsqu'ils voyaient un écureuil. Se déroulait en eux, j'en suis certain, une lointaine histoire d'écureuil.
Pendant la promenade, nous croisions d'autres vieux qui marchaient seuls et dignement. Ils semblaient glisser au ralenti sur le gravier. Leur indépendance, leurs bonnes jambes étaient pou moi un manque à gagner. Mais ils savaient, comme je le savais, qu'un jour ou l'autre, fatalement, ils auraient besoin que je leur tienne le bras. En fin d'après-midi, tous rentraient dîner. Borgman fermait sa maison et la porte de l'hospice. Il allait aider aux cuisines pour le service du soir, et moi je rentrais à la maison.

Robert Mingarelli, La Dernière Neige.

QUESTIONS (15 points)

A) L'HOSPICE : (6 points)

1.
a) Expliquez ce qu'est dans ce texte un "hospice".
b) Comment appelle-t-on, plus fréquemment, ce type d'établissement ? (1 point)

2.
a) Quel est le temps verbal dominant du premier paragraphe ?
b) Précisez la catégorie grammaticale du mot "vieux" dans le texte. Quel est le pronom personnel sujet qui reprend ce mot dans le premier paragraphe ?
c) Quel est l'effet produit par l'emploi de ce temps, et par la répétition de ce mot et de ce pronom ? (2,5 points)

3.
a) En quoi la promenade que le narrateur propose aux vieillards, dans le premier paragraphe, est-elle caractéristique de l'univers de l'hospice ?
b) Quelle forme d'évasion permet-elle cependant dans la suite du texte ?
c) Quel mot symbolise cette évasion dans le troisième paragraphe ? (2,5 points)

B) LE NARRATEUR : (4 points)

4.
a) Quel verbe répété systématiquement pouvez-vous relever dans les premier et deuxième paragraphes ?
b) En quoi est-il révélateur de la principale raison qui pousse le narrateur à faire ce travail ? (1,5 point)

5.
a) Comment est construite chacune des deux premières phrases du deuxième paragraphe ?
b) Quel est le connecteur qui unit ces deux phrases ?
c) En quoi permet-il de mieux comprendre la relation entre le narrateur et les vieillards ? (2,5 points)

C) LES VIEILLARDS : (5 points)

6. Relevez dans le texte trois éléments qui montrent que les vieillards n'ont perdu ni le goût de la vie ni leur dignité. (2 points)

7. Expliquez la phrase : "leur indépendance, leurs bonnes jambes étaient pour moi un manque à gagner".(1 point)

8.
a) A quel temps est conjugué le verbe avoir dans la phrase : "Mais ils savaient, comme je le savais, qu'un jour ou l'autre, fatalement, ils auraient besoin que je leur tienne le bras."?
Expliquez l'emploi de ce temps.
b) Quelle nuance de sens ajoute l'emploi de l'adverbe "fatalement" ? (2 points)

REECRITURE : (5 points)

"Les vieux avaient très envie en ce moment de se promener dans le parc. L'été leur faisait du bien. Ils souriaient, ils tenaient mieux sur leurs jambes que pendant l'hiver. Ils arboraient des écharpes en couleur et des chapeaux antiques."

Réécrivez ce passage en faisant parler un vieux pensionnaire qui imagine ce que sera l'été. Vous utiliserez donc la première personne du singulier et du futur.

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Le questionnaire porte sur un texte descriptif, évoquant des personnes âgées dans un hospice.

Il ne pose pas de problèmes de compréhension, le style est simple, le vocabulaire courant.

Les questions suivent trois axes : l'hospice, le narrateur, les vieillards.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Il n'y a pas de piège, pas de difficulté particulière. Peut-être aurez-vous été gêné par le terme "connecteur", pourtant à connaître en troisième.

Pour un candidat normalement préparé, et suffisamment sensible au texte, l'épreuve n'était pas difficile.

Les questions de grammaire se limitent souvent aux temps et à leurs emplois.

Attention à la consigne de la réécriture ! Il fallait non seulement passer à la première personne du singulier mais encore mettre les verbes au futur.

III - LES QUESTIONS (15 points)

A - L'HOSPICE (6 points)

1 - a) Dans le texte, l'hospice est un établissement qui accueille des vieillards pauvres.
Ce terme est connoté négativement, souvent considéré comme synonyme de "mouroir".
"Finir à l'hospice" revient à "finir dans la misère".

    b) On appelle plus fréquemment ce type d'établissement "maison de retraite" ou "résidence pour personnes âgées".

2 - a) Le temps verbal dominant du premier paragraphe est l'imparfait :
"manquait", arboraient", "souriaient", "faisions", etc.

    b) La catégorie grammaticale du mot "vieux" dans le texte est nom commun, en réalité adjectif substantivé. Le pronom personnel sujet qui reprend ce mot dans le premier paragraphe est "ils".

    c) L'emploi de l'imparfait donne une impression de lenteur, caractéristique des vieillards aux gestes ralentis : "ils regardaient vers la fenêtre".
La répétition de "vieux" insiste sur l'image réductrice : ce ne sont plus des personnes, mais des "vieux", identifiables par leur âge et leur faiblesse.
L'emploi du pronom "ils" renforce cet anonymat. Il s'agit d'un groupe informe, sans réelle individualité.

3 - a) La promenade que le narrateur propose aux vieillards dans le premier paragraphe est de faire le tour du parc, le tour des arbres. Ils s'assoient ensuite sur les bancs. Elle est caractéristique de l'univers de l'hospice, que l'on peut comparer à l'univers carcéral, quand les prisonniers tournent dans la cour.

    b) Dans la suite du texte, cette promenade permet cependant une forme d'évasion :
en observant la nature, les écureuils, les arbres, les vieillards "voyagent" dans le passé, s'évadent dans leurs souvenirs et ne se sentent plus enfermés dans ce cadre. ("un regard qui s'éclairait lorsqu'ils voyaient un écureuil. Se déroulait en eux, j'en suis certain, une lointaine histoire d'écureuil."

    c) Le mot qui symbolise cette évasion dans le troisième paragraphe est : "se souvenait".

B - LE NARRATEUR ( 4 points)

4 - a) Le verbe répété systématiquement dans le premier et deuxième paragraphe est "payer".

    b) Il est révélateur de la principale raison qui pousse le narrateur à faire ce travail : l'intérêt. Il veut gagner de l'argent : "porte-monnaie", "un manque à gagner".

5- a) La première phrase du deuxième paragraphe : "Les vieux, je les aimais tous bien" se caractérise par l’antéposition du cod "les vieux", avec reprise par le pronom personnel "les" devant le verbe.
La deuxième phrase : "Mais ceux qui me payaient le mieux la promenade, je finissais malgré moi par les aimer un peu plus que les autres" présente la même construction, c'est-à-dire l’antéposition du cod "ceux", lui-même complété par une relative : "qui me payaient le mieux la promenade". Là encore, le cod est repris, devant le verbe, par le pronom personnel "les".

    b) Le connecteur qui unit ces deux phrases est "mais".

    c) Il permet de mieux comprendre la relation entre le narrateur et les vieillards : en effet le narrateur préfère ceux qui le paient le plus. Il est donc âpre au gain et ne s'intéresse pas vraiment aux personnes (qu'il nomme d'ailleurs "ils" ou les "vieillards"), mais à l'argent qu'ils lui donnent.
"Mais" marque donc cette opposition entre véritable attachement et intérêt pour l'argent.

C - LES VIEILLARDS ( 5 points)

6 - Les trois éléments qui montrent que les vieillards n'ont perdu ni le goût de la vie ni leur dignité :
Ils aiment se promener : "avaient très envie de se promener dans le parc".
Ancrés dans leur passé, ils y "voyagent" : "leur regard qui s'éclairait lorsqu'ils voyaient un écureuil".
Certains sont encore en assez bonne forme physique, et ne sont donc pas encore dépendants ni séniles : "leur indépendance", leurs bonnes jambes", "marchaient seuls et dignement".

7 - "Leur indépendance, leurs bonnes jambes étaient pour moi un manque à gagner" signifie que le narrateur perd de l'argent quand les vieillards, mobiles et autonomes, n'ont pas besoin de ses services pour les accompagner.
Il attend, de façon un peu cynique, leur dépendance prochaine : "fatalement, ils auraient besoin que je leur tienne le bras".

8 - a) Le verbe "avoir" est au conditionnel présent dans la forme "auraient".
Il situe le fait comme postérieur à un autre fait du passé.
On peut le considérer comme un "futur du passé".

    b) L'adverbe "fatalement" insiste sur le caractère inéluctable du délabrement physique des vieillards.
Leur situation ne s'arrangera pas mais empirera, c'est sûr, biologiquement inscrit, inévitable...

IV - REECRITURE (5 points)

Voilà le passage réécrit à la première personne du singulier et au futur :
"J'aurai très envie en ce moment de me promener dans le parc. L'été me fera du bien. Je sourirai, je tiendrai mieux sur mes jambes que pendant l'hiver. J'arborerai une écharpe en couleur et un chapeau antique.

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