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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Dai Sijie

Le sujet  2004 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

Pendant la Révolution culturelle chinoise (1966-1976), le narrateur, un jeune étudiant de 17 ans, est envoyé à la campagne dans un village pour être rééduqué par le travail. Toutes les distractions sont interdites. Un jour, il peut se procurer illégalement et secrètement un roman de Balzac traduit en chinois, Ursule Mirouët ; mais il faut maintenant rendre le livre.

Soudain, je sus ce que je voulais faire.
Je décidai de copier mot à mot mes passages préférés d'Ursule Mirouët. C'était la première fois de ma vie que j'avais envie de recopier un livre. Je cherchai du papier partout dans la chambre, mais ne pus trouver que quelques feuilles de papier à lettres, destinées à écrire à nos parents.
Je choisis alors de copier le texte directement sur la peau de mouton de ma veste. Celle-ci, que les villageois m'avaient offerte lors de mon arrivée, présentait un pêle-mêle de poils de mouton, tantôt longs, tantôt courts, à l'extérieur, et une peau nue à l'intérieur. Je passai un long moment à choisir le texte, à cause de la superficie limitée de ma veste, dont la peau, par endroits, était abîmée, crevassée. Je recopiai le chapitre où Ursule voyage en somnambule. J'aurais voulu être comme elle : pouvoir, endormi sur mon lit, voir ce que ma mère faisait dans notre appartement, à cinq cents kilomètres de distance, assister au dîner de mes parents, observer leurs attitudes, les détails de leur repas, la couleur de leurs assiettes, sentir l'odeur de leurs plats, les entendre converser...Mieux encore, comme Ursule, j'aurais vu, en rêvant, des endroits où je n'avais jamais mis les pieds...
Ecrire au stylo sur la peau d'un vieux mouton des montagnes n'était pas facile : elle était mate, rugueuse et, pour copier le plus de texte possible dessus, il fallait adopter une écriture minimaliste, ce qui exigeait une concentration hors normes. Lorsque je finis de barbouiller de texte toute la surface de la peau, jusqu'aux manches, j'avais si mal aux doigts qu'on aurait dit qu'ils étaient cassés. Enfin, je m'endormis.

Dai Sijie, Balzac et la petite tailleuse chinoise, Gallimard (2000)

QUESTIONS (15 points)

I - Une vie quotidienne pénible

1. Quel est le point de vue adopté ? Justifiez votre réponse.(1,5 point)
2. Montrez que le narrateur vit dans des conditions difficiles (deux éléments obligatoires). (1 point)
3. Relevez dans le texte un indice prouvant que le narrateur partage sa chambre avec quelqu'un d'autre. (0,5 point)
4. Dans la description de la veste du narrateur, par quels éléments nous est révélée sa pauvreté ? (1,5 point)
5. Montrez que cette vie pénible contraste avec sa vie d'avant. (1 point)

II - Une possibilité d'évasion

6. a) Décomposez le mot somnambule en deux radicaux différents. (0,5 point)
    b) Citez un mot de la famille de chacun de ces radicaux. (0,5 point)
7. Relevez le champ lexical du sommeil dans tout le texte. Comment peut-on interpréter cet attrait pour le sommeil ? (1,5 point)
8. " J'aurais voulu...pieds."
    a) Relevez deux verbes au conditionnel passé et expliquez leur emploi. (0,5 point)
    b) En vous appuyant sur le texte, dites quels organes des sens sont sollicités dans la narration. (1 point)
9. a) Quels sont les deux vœux que le narrateur souhaite réaliser en s'identifiant à Ursule Mirouët ? Pour chacun, citez le texte à l'appui de votre réponse. (1 point)
    b) Des deux vœux, lequel lui semble préférable ? (0,5 point)
    c) Quel besoin ce choix révèle-t-il ? (0,5 point)

III - L'effort du copiste

10. Qu'apprenons-nous sur le caractère du narrateur dans les phrases suivantes : "Je décidai de copier mot à mot mes passages préférés d'Ursule Mirouët" et "Je passai un long moment à choisir le texte" ? (1 point)
11. En vous aidant de l'étymologie ou des mots de la même famille, expliquez ce que peut être " une écriture minimaliste " (1 point)
12. Réécrivez la phrase " elle était mate et rugueuse et, pour écrire le plus de texte possible, il fallait adopter une écriture minimaliste " en faisant apparaître une proposition subordonnée de conséquence. (0,5 point)
13. Justifiez la brièveté de la dernière phrase du texte : le narrateur prend-il le temps de savourer la réussite de son entreprise, et pourquoi ? (1 point)

REECRITURE (5 points)

Réécrivez le deuxième paragraphe (depuis "Je décidai" jusqu'à "nos parents") au présent de l'indicatif, en remplaçant le narrateur singulier par le pluriel correspondant.

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Les questions portent sur un extrait de Balzac et la petite tailleuse chinoise que vous avez peut-être eu l'occasion de lire ou d'étudier cette année, ce roman connaissant un certain succès actuellement dans les collèges.
Le questionnaire vous invitait à réfléchir sur la valeur des modes, les champs lexicaux, la formation des mots, l'étymologie, la syntaxe.
Vous deviez donner des réponses précises, rédigées, en vous appuyant toujours sur le texte pour étayer votre propos.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Le texte ne pose aucun problème de compréhension.
Le questionnaire est sans réelle surprise, "balayant" votre programme de troisième.
Une préparation convenable à l'épreuve suffira à bien traiter le questionnaire, qui ne pose pas de pièges mais demande, conformément aux consignes de l'examen, précision et rigueur dans les réponses.

III - LES QUESTIONS (15 points)

I. Une vie quotidienne pénible

1. (1,5 point)
Le point de vue adopté est un point de vue interne. En effet, il s'agit d'un texte autobiographique : le narrateur, un jeune étudiant de 17 ans, raconte le moment de sa vie où il recopie un extrait d'Ursule Mirouët sur la peau de mouton de sa veste, alors qu'il doit rendre le livre et n'a pas de papier à sa disposition.
Le texte est écrit à la première personne du singulier (nombreuses occurrences de "je").
Le narrateur fait référence à son expérience, à sa subjectivité, expose ses sentiments et pensées :
"je sus ce que je voulais faire", "je décidai", "la première fois de ma vie", "je choisis", "j'aurais voulu être comme elle", "ma mère", "mes parents".

2. (1 point)
On voit que le narrateur vit dans des conditions difficiles grâce aux éléments suivants :

  • il n'a pas de papier pour écrire,
  • sa veste lui a été donnée par les villageois,
  • cette veste est usée, trop petite pour lui : "pêle-mêle de poils de mouton, tantôt longs, tantôt courts", "la superficie limitée de ma veste, dont la peau, par endroits, était abîmée, crevassée",
  • il est loin de ses parents et en souffre : "J'aurais voulu voir ce que ma mère faisait dans notre appartement, à cinq cents kilomètres de distance, assister au dîner de mes parents, les entendre converser".
  • 3. (0,5 point)
    L'indice qui prouve que le narrateur partage sa chambre avec quelqu'un d'autre est : "[...] quelques feuilles de papier à lettres, destinées à écrire à nos parents". L'emploi de l'adjectif possessif de première personne du pluriel montre que le jeune homme a un colocataire.

    4. (1,5 point)
    Les éléments qui révèlent la pauvreté du narrateur dans la description de la veste :
    "offerte", "pêle-mêle de poils de mouton, tantôt longs, tantôt courts, à l'extérieur, et une peau nue à l'intérieur", "superficie limitée de ma veste, dont la peau, par endroits, était abîmée, crevassée", "peau d'un vieux mouton de montagne", "mate, rugueuse".

    5. (1 point)
    On voit que cette vie pénible contraste avec sa vie d'avant quand il évoque ses parents, la nostalgie, le manque qu'il éprouve, à cinq cents kilomètres de distance d'eux :
    "endormi sur mon lit", "notre appartement", "les détails de leur repas, la couleur de leurs assiettes", "l'odeur de leurs plats", "les entendre converser".

    II. Une possibilité d'évasion

    6.
    a) (0,5 point)
    On trouve dans le mot "somnambule" les radicaux:
    - somn- (de somnus, sommeil en latin),
    - ambule (de ambulo, se promener en latin).
    Le somnambule "se promène" dans son sommeil et peut parler, agir dans un étant second, sans en être conscient.

    b) (0,5 point)
    Mots de la même famille :
    - somnifère, somnoler, insomniaque, insomnie, etc.,
    - déambuler, ambulatoire, ambulant, ambulance.

    7. (1,5 point)
    Champ lexical du sommeil dans tout le texte :
    "chambre", "somnambule", "endormi sur mon lit", "en rêvant", "je m'endormis".
    Cet attrait pour le sommeil peut s'expliquer par le fait que le narrateur mène une vie pénible, pauvre, éloignée de ses parents. Le sommeil lui permet de s'évader de cette existence difficile pour retrouver "sa vie d'avant". Mais aussi le rêve lui permet d'accéder à des lieux idéaux où il ne peut se rendre : "j'aurais vu, en rêvant, des endroits où je n'avais jamais mis les pieds".

    8.
    a) (0,5 point)
    Deux verbes au conditionnel passé : "j'aurais voulu", "j'aurais vu".
    Ils expriment un irréel du passé : la condition exprimée n'a jamais été réalisée et ne se réalisera jamais.

    b) (1 point)
    Les organes des sens sollicités dans la narration sont :

  • toucher : " crevassée", "mal aux doigts"
  • vue : "voir", "assister", "observer"
  • odorat : "sentir l'odeur de leurs plats"
  • ouïe : "les entendre converser",
  • 9.
    a) (1 point)
    En s'identifiant à Ursule Mirouët, le narrateur souhaite réaliser deux vœux :

  • se "télé-porter" par le rêve dans l'appartement de ses parents :
    "pouvoir, endormi sur mon lit, voir les entendre converser",
  • découvrir des endroits dont il rêve et qu'il ne connaît pas encore, dont il ne sait pas s'il les verra un jour : "[...] j'aurais vu en rêvant, des endroits où je n'avais jamais mis les pieds".
  • b) (0,5 point)
    Le vœu qui lui semble préférable est de découvrir par le rêve, des lieux nouveaux. Il précise "mieux encore, comme Ursule, j'aurais vu".

    c) (0,5 point)
    Ce choix révèle un besoin d'évasion, loin de la vie pénible et pauvre qu'il mène.

    III. L'effort du copiste

    10. (1 point)
    Dans les phrases : "Je décidai de copier mot à mot mes passages préférés d'Ursule Mirouët" et "je passai un long moment à choisir le texte", on apprend sur le caractère du narrateur qu'il est patient, volontaire, opiniâtre, précis, rigoureux, attentif à ce qu'il fait, passionné, appliqué, sensible.

    11. (1 point)
    Minimaliste vient du terme latin "minimus", superlatif irrégulier de "parvus", signifiant petit. Dans la même famille, on peut citer : minimum, minime, minimal, minimiser, etc.
    Le narrateur qualifie son écriture de "minimaliste" car il est obligé d'écrire "très petit" pour recopier le plus de lignes possibles sur sa veste.

    12. (0,5 point)
    Réécriture de la phrase : "[...] elle était mate et rugueuse et, pour écrire le plus de texte possible, il fallait adopter une écriture minimaliste" en faisant apparaître une proposition subordonnée de conséquence :
    "Elle était si (tellement) mate et si (tellement) rugueuse que, pour écrire le plus de texte possible, il fallait adopter une écriture minimaliste".

    13. (1 point)
    La dernière phrase du texte est brève : "Enfin, je m'endormis".
    Elle illustre le fait que le narrateur s'endort subitement, épuisé par la tâche difficile qu'il a effectuée et qui l'a épuisé.
    Il ne prend donc pas le temps de savourer la réussite de son entreprise, parce qu'il est trop fatigué.

    IV - L'EXERCICE DE REECRITURE (5 points)

    Réécriture du deuxième paragraphe au présent et à la première personne du pluriel :
    "Nous décidons de copier mot à mot nos passages préférés d'Ursule Mirouët. C'est la première fois de notre vie que nous avons envie de recopier un livre. Nous cherchons du papier partout dans la chambre, mais ne pouvons trouver que quelques feuilles de papier à lettres, destinées à écrire à nos parents".

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