Georg Cantor et les limites

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Daniel,
professeur de Mathématiques,
vous invite à partir à la découverte de Georg Cantor...
Cette année, en classe de terminale en mathématiques, vous allez étudier de nombreuses fonctions et vous allez souvent devoir déterminer leurs limites lorsque x tend vers l'infini ou une valeur finie x0 pour laquelle la fonction elle-même n'est pas définie.
Pour cela vous allez être amenés à faire du "calcul de limites" et si vous ne l'écrirez pas vous serez souvent amenés à penser des calculs du genre : "l'infini plus l'infini égal l'infini", ou "l'infini multiplié par l'infini égal l'infini" et d'autres encore, mais nous y viendrons ensuite.
Vous allez donc calculer avec l'infini, des infinis, comme s'il s'agissait là de nombres tout à fait ordinaires satisfaisants aux mêmes propriétés arithmétiques que n'importe quel nombre entier et sans que cela ne vous pose le moindre problème métaphysique et pourtant l'infini... quand on y pense...

Et bien justement, pour que nous puissions aujourd'hui développer ce genre de calcul avec des infinis il a fallu qu'un mathématicien franchisse, dans l'ordre de la pensée un pas important, ce qui ne s'est pas fait simplement.
Ce mathématicien, c'est Georg Cantor (1845-1918), connu comme étant le créateur de la théorie des ensembles mais aussi pour avoir énoncé un théorème qui implique l'existence d'une infinité d'infinis.

La conception de l'infini qui prévalait à son époque peut se mesurer à l'aune du passage d'un texte de Descartes issu Des Principes de la Philosophie : "Ainsi nous ne nous embarrasserons jamais dans les disputes de l'infini ; d'autant qu'il serait ridicule que nous, qui sommes finis, entreprissions d'en déterminer quelque chose, et par ce moyen le supposer fini en tâchant de le comprendre".
Selon cette perspective, l'infini n'est autre que l'Absolu divin et il est impensable de vouloir en faire un objet de calcul tel que celui que nous évoquions précédemment.

Aussi Cantor fut-il en but à de nombreuses controverses concernant ses travaux sur l'infini (menés notamment par un autre mathématicien célèbre Henri Poincaré) et finit par faire de plus en plus de crises d'une grave dépression. Génie mathématique et mal-être psychique se conjuguaient une fois encore au cours de ce destin exceptionnel.
Il reste que les avancées mathématiques permises par Cantor sont absolument remarquables et nous permettent aujourd'hui ces fameux calculs.
L'infini plus l'infini égal l'infini certes, mais qu'en est-il de l'infini moins l'infini ?
On ne peut pas décider comme ça, il faut y regarder de plus près.
C'est ce que vous allez apprendre à considérer comme une forme indéterminée et cela résulte du fait que nous devons considérer depuis Cantor qu'il y a une infinité d'infinis.

Rappelons brièvement les jalons qui nous permettent de baliser de manière simple la pensée de Cantor :
L'ensemble N'des entiers naturels est infini, mais en fait on peut les compter, les dénombrer et donc N'est dénombrable. Si le cardinal d'un ensemble fini est un nombre entier, celui d'un ensemble infini comme N'est un nombre dit transfini.
Aleph 0 est le cardinal de N, c'est le plus petit des infinis.
Cantor montrera ensuite qu'il y a autant de nombres rationnels que de nombres entiers.
Mais il n'en va pas de même pour l'ensemble des nombres réels R. Les infinis ne sont pas tous pareils, il y a un autre transfini aleph 1 qui représente le cardinal de R et qui est supérieur au transfini aleph 0.
Ainsi s'installe l'idée que l'infini n'est pas un absolu en soi et qu'il y a des infinis relatifs.
Et voilà pourquoi tantôt il vous sera facile de calculer avec les infinis et tantôt il faudra y regarder de plus près avant de conclure et surtout d'apprendre la liste des formes indéterminées et les théorèmes sur les croissances comparées des fonctions.

Daniel Motteau, professeur agrégé