Emile Durkheim est l'un des pères fondateurs de la sociologie, qu'il a réussi à imposer en France et au-delà comme une discipline scientifique à part entière. Optant pour une approche holiste de la société, il définit avec précision l'objet d'étude de la sociologie, "le fait social", et une méthode de recherche et d'analyse. Il a laissé une ?uvre très féconde qui reste une référence incontournable.
La piété ambiante dans sa famille explique sans doute, son attrait pour la philosophie et les débats d'idées. Très influencé par le courant positiviste et son chef de file,
Auguste Comte, ÿmile Durkheim adhère à son projet de construire une science permettant d'étudier le fonctionnement des sociétés humaines de façon scientifique.
S'appuyant sur l'exemple des sciences dites exactes, Comte recommande de construire une
science d'observation qu'il nomme "physique sociale" ou "sociologie" (Auguste Comte invente le terme) et qui aurait deux grandes parties :
- La statique sociale qui étudierait les facteurs déterminant l'ordre et la cohésion sociale.
- La dynamique sociale qui s'intéresserait aux lois expliquant l'évolution des sociétés dans le temps.
Durkheim va poursuivre toute sa vie le projet de fonder la sociologie et de la faire reconnaître comme une science à part entière.
Le contexte et l'adhésion du jeune Durkheim à la
morale républicaine constituent les autres éléments qui vont le conduire vers la sociologie. Contemporain de la naissance de la société industrielle, de plus en plus urbaine et peuplée, il est très inquiet des dérives qu'il perçoit dans une époque rude durant laquelle des formes de pauvreté extrêmes côtoient une richesse nouvelle immense. Le travail est marqué par des rapports économiques et sociaux très conflictuels, l'insécurité est très grande dans les villes
Il s'interroge alors sur ce qui peut
fonder le lien social et
l'intégration (comprise comme le contraire de l'exclusion). Il adhère aux projets politiques et sociaux de la IIIe République et il considère que son travail de scientifique, de sociologue doit être utile à la résolution des difficultés de ses contemporains.
La sociologie doit
contribuer au progrès social : "
Nous estimerions que nos recherches ne méritent pas une heure de peine si elles ne devaient avoir qu'un intérêt spéculatif. Si nous séparons avec soin les problèmes théoriques des problèmes pratiques, ce n'est pas pour négliger ces derniers : c'est, au contraire, pour nous mettre en état de mieux les résoudre."
Même s'il a étudié de nombreuses questions (religion, éducation, morale, justice ), l'intégration, ou ce qu'on appelle aujourd'hui la
cohésion sociale, est certainement le principal problème auquel Durkheim a consacré sa réflexion sociologique. Sa thèse qu'il publiera sous l'intitulé
De la division du travail social, développe l'idée du passage
d'une solidarité mécanique, propre aux sociétés traditionnelles (Les liens reposent sur la proximité dans des communautés de petite taille, la ressemblance, le partage d'une histoire et de valeurs communes)
à une solidarité organique, caractéristique des sociétés modernes (La densité démographique intensifie la division du travail social : les individus vivent dans une complémentarité et une interdépendance qui génèrent des liens en dépit des différences).
Malgré la montée des valeurs individualistes, la société moderne naissante repose sur de
nouvelles formes de lien social permettant cette intégration que Durkheim appelle de ses v?ux, à condition d'éviter différentes dérives pathologiques.
Le sociologue du fait socialDans son livre
Les règles de la méthode sociologique, Durkheim, qui entend distinguer nettement la sociologie des autres sciences humaines (philosophie, histoire, psychologie) définit son objet qu'il nomme le fait social.
Les faits sociaux sont "
des manières d'agir, de penser et de sentir, extérieures à l'individu, et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils (les faits sociaux) s'imposent à lui". Ils sont à la fois
extérieurs à la volonté et à la conscience des individus et
dotés d'un pouvoir coercitif qui les amène à exercer une contrainte sur les individus.