Emile Durkheim, le fondateur de la sociologie française

. Le personnage . De la philosophie et du républicanisme à la sociologie . Un sociologue holiste . Un sociologue méthodiste . Trois livres essentiels de Durkheim . Pour en savoir plus
DominiqueFrance examen vous ouvre la porte
de la Salle des Profs.


Dominique, professeur de Sciences Economiques et Sociales,
vous invite à découvrir Emile Durkheim, son ?uvre
et l'importance de ses contributions à la sociologie française.
Emile Durkheim est l'un des pères fondateurs de la sociologie, qu'il a réussi à imposer en France et au-delà comme une discipline scientifique à part entière. Optant pour une approche holiste de la société, il définit avec précision l'objet d'étude de la sociologie, "le fait social", et une méthode de recherche et d'analyse. Il a laissé une ?uvre très féconde qui reste une référence incontournable.

Le personnage


Emile Durkheim est né en 1858 à ÿpinal dans une famille juive pratiquante où l'on trouvait huit générations de rabbins. Brillant étudiant, diplômé de l'ÿcole Normale Supérieure, il commence par enseigner le Droit et la Philosophie avant de s'atteler à jeter les bases d'une sociologie en tant que discipline particulière et d'obtenir sa reconnaissance. Il fonde à cet effet, la revue L'Année sociologique en 1896. Il devient professeur à la Sorbonne en 1902. Il meurt en 1917.

De la philosophie et du républicanisme à la sociologie


DurkheimLa piété ambiante dans sa famille explique sans doute, son attrait pour la philosophie et les débats d'idées. Très influencé par le courant positiviste et son chef de file, Auguste Comte, ÿmile Durkheim adhère à son projet de construire une science permettant d'étudier le fonctionnement des sociétés humaines de façon scientifique.

S'appuyant sur l'exemple des sciences dites exactes, Comte recommande de construire une science d'observation qu'il nomme "physique sociale" ou "sociologie" (Auguste Comte invente le terme) et qui aurait deux grandes parties :
  • La statique sociale qui étudierait les facteurs déterminant l'ordre et la cohésion sociale.
  • La dynamique sociale qui s'intéresserait aux lois expliquant l'évolution des sociétés dans le temps.
Durkheim va poursuivre toute sa vie le projet de fonder la sociologie et de la faire reconnaître comme une science à part entière.

Le contexte et l'adhésion du jeune Durkheim à la morale républicaine constituent les autres éléments qui vont le conduire vers la sociologie. Contemporain de la naissance de la société industrielle, de plus en plus urbaine et peuplée, il est très inquiet des dérives qu'il perçoit dans une époque rude durant laquelle des formes de pauvreté extrêmes côtoient une richesse nouvelle immense. Le travail est marqué par des rapports économiques et sociaux très conflictuels, l'insécurité est très grande dans les villes

Il s'interroge alors sur ce qui peut fonder le lien social et l'intégration (comprise comme le contraire de l'exclusion). Il adhère aux projets politiques et sociaux de la IIIe République et il considère que son travail de scientifique, de sociologue doit être utile à la résolution des difficultés de ses contemporains.

La sociologie doit contribuer au progrès social : "Nous estimerions que nos recherches ne méritent pas une heure de peine si elles ne devaient avoir qu'un intérêt spéculatif. Si nous séparons avec soin les problèmes théoriques des problèmes pratiques, ce n'est pas pour négliger ces derniers : c'est, au contraire, pour nous mettre en état de mieux les résoudre."

Même s'il a étudié de nombreuses questions (religion, éducation, morale, justice ), l'intégration, ou ce qu'on appelle aujourd'hui la cohésion sociale, est certainement le principal problème auquel Durkheim a consacré sa réflexion sociologique. Sa thèse qu'il publiera sous l'intitulé De la division du travail social, développe l'idée du passage d'une solidarité mécanique, propre aux sociétés traditionnelles (Les liens reposent sur la proximité dans des communautés de petite taille, la ressemblance, le partage d'une histoire et de valeurs communes) à une solidarité organique, caractéristique des sociétés modernes (La densité démographique intensifie la division du travail social : les individus vivent dans une complémentarité et une interdépendance qui génèrent des liens en dépit des différences).

Malgré la montée des valeurs individualistes, la société moderne naissante repose sur de nouvelles formes de lien social permettant cette intégration que Durkheim appelle de ses v?ux, à condition d'éviter différentes dérives pathologiques.

Le sociologue du fait social

Dans son livre Les règles de la méthode sociologique, Durkheim, qui entend distinguer nettement la sociologie des autres sciences humaines (philosophie, histoire, psychologie) définit son objet qu'il nomme le fait social.

Les faits sociaux sont "des manières d'agir, de penser et de sentir, extérieures à l'individu, et qui sont douées d'un pouvoir de coercition en vertu duquel ils (les faits sociaux) s'imposent à lui". Ils sont à la fois extérieurs à la volonté et à la conscience des individus et dotés d'un pouvoir coercitif qui les amène à exercer une contrainte sur les individus.

Un sociologue holiste


L'approche de Durkheim est holiste et déterministe. Pour lui, la sociologie doit étudier la société ("le tout") puisque les faits sociaux influencent et expliquent la façon dont les individus pensent et agissent dans le cadre social. La société a un fonctionnement qui dépasse les consciences et les volontés individuelles. Cette conception implique une logique déterministe cherchant à mettre en lumière les contraintes et les appartenances sociales qui déterminent largement les comportements et les opinions des individus, et au-delà les mécanismes sociaux.

Un sociologue méthodiste


Première règle : le sociologue doit "considérer les faits sociaux comme des choses", les aborder en éliminant toutes les idées préconçues. Chaque fait étudié doit être défini et analysé à partir de données objectives (statistiques notamment) et non de manifestations individuelles.

Deuxième règle : le sociologue doit expliquer le social par le social et refuser toute autre explication, notamment psychologique. Ainsi, quand il cherche les causes du suicide, Durkheim part des corrélations entre l'intensité du taux de suicide et certaines variables sociales et démographiques (âge, genre, état matrimonial, lieu de résidence, croyances religieuses, etc.). Il montre que des faits sociaux déterminent la propension au suicide, même si certains traits individuels et psychologiques expliquent pourquoi certains se suicident plus que d'autres.

Dominique Glaymann, professeur de SES et enseignant à l'Université Paris XII Créteil, décembre 2007.

Trois livres essentiels de Durkheim

  • De la division du travail social, 1893, PUF (Quadrige), dernière édition en 2004
  • Règles de la méthode sociologique, 1894, PUF (Quadrige), dernière édition en 2004
  • Le Suicide, étude de sociologie, 1897, PUF (Quadrige), dernière édition en 2004.

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