Le sujet 2005 - Bac 1ère STI - Français - Questions |
Vous répondrez d'abord aux questions suivantes (6 points) :
1. Dans les textes A, B, C, que dénonce chaque auteur à travers les trois personnages féminins ? Justifiez votre réponse. (3 points)
La réponse à cette question doit être rédigée mais brève, de l'ordre d'une demi-page ou d'une page, au maximum.
2. Dans ces mêmes textes, montrez les différences de réaction de ces trois femmes face à l'adversité. Justifiez votre réponse. (3 points)
La réponse à cette question doit être rédigée mais brève, de l'ordre d'une demi-page ou d'une page, au maximum.
Texte A : Pierre-Augustin de Beaumarchais, Le Mariage de Figaro, acte III, scène 16, 1784.
Dans cette comédie, Figaro, le valet du comte Almaviva, est amoureux de Suzanne, une femme de chambre. Il a contracté des dettes auprès de Marceline, une femme de charge s'occupant de la vaisselle et du linge. Au terme d'un procès, il est contraint de l'épouser. Mais Figaro découvre l'identité de ses vrais parents : Marceline est, en fait, sa mère séduite puis abandonnée par Bartholo, un médecin de la ville. Elle se fait, ici, le porte-parole des femmes trahies par les hommes.
BARTHOLO, montrant Marceline. -Voilà ta mère.
FIGARO. -...nourrice ?
BARTHOLO. -Ta propre mère.
LE COMTE. -Sa mère !
5 FIGARO. -Expliquez-vous.
MARCELINE, montrant Bartholo. -Voilà ton père.
FIGARO, désolé -Oooh ! aïe de moi !
MARCELINE. -Est-ce que la nature ne te l'a pas dit mille fois ?
FIGARO. -Jamais.
10 LE COMTE, à part. -Sa mère !
BRID'OISON(1). -C'est clair, i-il ne l'épousera pas.
BARTHOLO. -Ni moi non plus.
MARCELINE. -Ni vous ! Et votre fils ? Vous m'aviez juré...
BARTHOLO. -J'étais fou. Si pareils souvenirs engageaient, on serait tenu d'épouser tout le
15 monde.
BRID'OISON. -E-et si l'on y regardait de plus près, personne n'épouserait personne.
BARTHOLO. -Des fautes si connues ! une jeunesse déplorable.
MARCELINE, s'échauffant par degrés. -Oui, déplorable, et plus qu'on ne croit ! Je n'entends
pas nier mes fautes ; ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu'il est dur de les expier(2)
20 après trente ans d'une vie modeste ! J'étais née, moi, pour être sage et je la suis devenue
sitôt qu'on m'a permis d'user de ma raison. Mais dans l'âge des illusions, de l'inexpérience
et des besoins, où les séducteurs nous assiègent pendant que la misère nous poignarde,
que peut opposer une enfant à tant d'ennemis rassemblés ? Tel nous juge ici sévèrement,
qui, peut-être, en sa vie a perdu dix infortunées(3) !
25 FIGARO. -Les plus coupables sont les moins généreux ; c'est la règle.
MARCELINE, vivement. -Hommes plus qu'ingrats, qui flétrissez(4) par le mépris les jouets de
vos passions, vos victimes ! c'est vous qu'il faut punir des erreurs de notre jeunesse ; vous
et vos magistrats, si vains(5) du droit de nous juger, et qui nous laissent enlever, par leur
coupable négligence, tout honnête moyen de subsister. Est-il un seul état(6) pour les
30 malheureuses filles ? Elles avaient un droit naturel à toute la parure des femmes : on y
laisse former mille ouvriers de l'autre sexe(7).
FIGARO, en colère. -Ils font broder jusqu'aux soldats !
MARCELINE, exaltée. -Dans les rangs même plus élevés, les femmes n'obtiennent de vous
qu'une considération dérisoire(8) ; leurrées(9) de respects apparents, dans une servitude
35 réelle ; traitées en mineures pour nos biens, punies en majeures pour nos fautes ! Ah !
sous tous les aspects, votre conduite avec nous fait horreur ou pitié !
FIGARO. -Elle a raison !
(1) : Brid'Oison : président du tribunal local (il bégaie).
(2) : expier : être puni d'une faute.
(3) : infortunées : jeunes filles séduites et abandonnées, comme Marceline.
(4) : flétrir : déshonorer.
(5) : vains : qui tirent vanité de, fiers.
(6) : état : métier.
(7) : Marceline déplore que la broderie ne soit plus un métier uniquement réservé aux femmes.
(8) : dérisoire : insignifiante.
(9) : leurrées : trompées.
Texte B : Victor Hugo, Les Misérables, première partie, livre cinquième, chapitre X "La descente", 1862.
Dans ce roman, Fantine, modeste couturière à domicile, rencontre de plus en plus de difficultés financières pour nourrir sa fille Cosette, qu'elle a été obligée de confier à un couple de gens malhonnêtes et rusés, les Thénardier. Pour payer les frais d'une maladie inventée par ces derniers, Fantine doit vendre ses cheveux, puis deux dents. C'est ainsi que Marguerite, une collègue de travail, la découvre un matin.
Fantine depuis la veille avait vieilli de dix ans.
-Jésus ! fit Marguerite, qu'est-ce que vous avez Fantine ?
-Je n'ai rien, répondit Fantine. Au contraire. Mon enfant ne mourra pas de cette
affreuse maladie, faute de secours. Je suis contente.
5 En parlant ainsi, elle montrait à la vieille fille deux napoléons(10) qui brillaient sur la table.
-Ah, Jésus Dieu ! dit Marguerite. Mais c'est une fortune ! Où avez-vous eu ces louis
d'or ?
-Je les ai eus, répondit Fantine.
En même temps elle sourit. La chandelle éclairait son visage. C'était un sourire
10 sanglant. Une salive rougeâtre lui souillait le coin des lèvres, et elle avait un trou noir dans
la bouche.
Les deux dents étaient arrachées.
Elle envoya les quarante francs à Montfermeil(11).
Du reste c'était une ruse des Thénardier pour avoir de l'argent. Cosette n'était pas
15 malade.
Fantine jeta son miroir par la fenêtre. Depuis longtemps elle avait quitté sa cellule(12) du
second pour une mansarde fermée d'un loquet sous le toit ; un de ces galetas(13) dont le
plafond fait angle avec le plancher et vous heurte à chaque instant la tête. Le pauvre ne
peut aller au fond de sa chambre comme au fond de sa destinée qu'en se courbant de plus
20 en plus. Elle n'avait plus de lit, il lui restait une loque qu'elle appelait sa couverture, un
matelas à terre et une chaise dépaillée. Un petit rosier qu'elle avait s'était desséché dans
un coin, oublié. Dans l'autre coin, il y avait un pot à beurre à mettre l'eau, qui gelait l'hiver,
et où les différents niveaux de l'eau restaient longtemps marqués par des cercles de glace.
Elle avait perdu la honte, elle perdit la coquetterie. Dernier signe. Elle sortait avec des
25 bonnets sales. Soit faute de temps, soit indifférence, elle ne raccommodait plus son linge.
A mesure que les talons s'usaient, elle tirait ses bas dans ses souliers. Cela se voyait à de
certains plis perpendiculaires. Elle rapiéçait son corset(14), vieux et usé, avec des morceaux
de calicot(15) qui se déchiraient au moindre mouvement. Les gens auxquels elle devait(16), lui
faisaient "des scènes", et ne lui laissaient aucun repos. Elle les trouvait dans la rue, elle
30 les retrouvait dans son escalier. Elle passait des nuits à pleurer et à songer. Elle avait les
yeux très brillants et elle sentait une douleur fixe dans l'épaule, vers le haut de I'omoplate
gauche.
Elle toussait beaucoup. Elle haïssait profondément le père Madeleine(17), et ne se
plaignait pas. Elle cousait dix-sept heures par jour ; mais un entrepreneur du travail des
prisons, qui faisait travailler les prisonnières au rabais, fit tout à coup baisser les prix, ce
35 qui réduisit la journée des ouvrières libres à neuf sous. Dix-sept heures de travaiI, et neuf
sous par jour ! Ses créanciers étaient plus impitoyables que jamais. Le fripier, qui avait
repris presque tous les meubles, lui disait sans cesse : Quand me payeras-tu coquine ?
Que voulait-on d'elle, bon Dieu ! Elle se sentait traquée et il se développait en elle quelque
chose de la bête farouche. Vers le même temps, le Thénardier lui écrivit que décidément il
40 avait attendu avec beaucoup trop de bonté, et qu'il lui fallait cent francs, tout de suite ;
sinon qu'il mettrait à la porte la petite Cosette, toute convalescente de sa grande maladie,
par le froid, par les chemins, et qu'elle deviendrait ce qu'elle pourrait, et qu'elle crèverait, si
elle voulait.
-Cent francs, songea Fantine ! Mais où y a-t-il un état(18) à gagner cent sous par jour ?
45 -Allons ! dit-elle, vendons le reste.
L'infortunée se fit fille publique(19).
(10) : deux napoléons : pièces d'or.
(11) : Montfermeil : village où habitent les Thénardier avec Cosette.
(12) : cellule : petite chambre.
(13) : galetas : logement misérable et sordide sous les toits.
(14) : corset : gaine lacée en tissu résistant, qui serre la taille et le ventre des femmes.
(15) : calicot : toile de coton assez grossière.
(16) : devait : devait de l'argent.
(17) : père Madeleine : monsieur Madeleine, riche industriel, ancien employeur de Fantine qu'elle rend, à tort, responsable de la perte de son emploi précédent.
(18) : état : métier.
(19) : fille publique : prostituée.
Texte C : Pierre Perret, Lily, 1977.
Pour cette chanson, Pierre Perret, chanteur et compositeur français, né en 1934, a obtenu le prix de la L.I.C.R.A. (Ligue contre le racisme et l'antisémitisme).
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On la trouvait plutôt jolie Lily Elle a déchargé des cageots Lily Elle a essayé l'Amérique Lily Mais dans ton combat quotidien Lily |
(20) : pays d'Afrique de l'Est.
(21) : Claude Debussy (1862-1918) : musicien et compositeur français.
(22) : Angela Davis : symbole de la lutte des Noirs et des femmes, pour leur émancipation, dans les années 70.
I - L'ANALYSE DU SUJET
Les deux questions qui vous sont posées vous invitent à analyser ce que dénonce chaque auteur (Beaumarchais, Hugo et Perret) à propos de la condition féminine, souvent peu enviable.
D'époque différente (XVIIIème, XIXème et XXème siècles) les trois textes décrivent trois femmes dans l'adversité, pour des raisons différentes mais pareillement scandaleuses : abandon des "femmes séduites", misère, exploitation et prostitution, comportements racistes et sexistes.
On vous demande aussi d'analyser les différentes réactions de ces trois femmes (Marceline, Fantine et Lily) face à l'adversité.
II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR
Les questions ne sont pas vraiment difficiles à traiter. Les textes proposent des thèmes de réflexion intéressants sur la condition de la femme à trois époques différentes.
Les personnages féminins sont attachants : Marceline dans sa colère, refoulée depuis des années, Fantine dans son horrible détresse et Lily dans la solitude des villes racistes.
De quoi ne pas rester indifférent...
III - UN TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET
A - PREMIERE QUESTION
Ce que dénonce Beaumarchais :
Ce que dénonce Hugo :
Ce que dénonce Perret :
B - DEUXIEME QUESTION
Réaction de Marceline : elle se révolte verbalement, trente ans après, et s'adresse sur un ton virulent aux hommes qui l'écoutent et aux hommes en général.
Elle est combative et n'emploie pas la langue de bois : "j'étais née, moi, pour être sage ! ", "ennemis rassemblés", malheureuses filles", "horreur ou pitié".
Cependant, elle a dû subir, toute sa jeunesse, les conséquences de sa "faute", se taire et ne pas révéler à son enfant (Figaro) qu'elle était sa mère. Elle a donc vécu dans le secret, le mensonge, la précarité, la solitude et la honte. "je n'entends pas nier mes fautes ; ce jour les a trop bien prouvées ! mais qu'il est dur d'expier après trente ans d'une vie modeste ! ".
Réaction de Fantine : elle essaie de lutter par le travail et différents expédients : vente des dents et des cheveux, travail d'ouvrière sous-payé.
Mais, elle se décourage, se laisse aller, dans une forme proche de l'animalité ! : elle n'est plus coquette, ne prend plus soin de sa personne, ni de sa tenue.
Elle s'abandonne à la misère et à la maladie.
La seule "issue" sera la prostitution, humiliation finale : "l'infortunée se fit fille publique"
Réaction de Lily : elle feint l'indifférence face aux propos et attitudes racistes : "même s'il fallait serrer les dents", "ils auraient été trop contents".
Elle émigre aux Etats-Unis.
Elle se lance dans l'engagement politique aux côtés d'Angela Davis : "meeting à Memphis", "en s'unissant on a moins peur", "elle lève aussi un poing rageur", "combat quotidien".
Elle garde l'espoir de rencontrer "un type bien" et de fonder une famille avec lui : "et l'enfant qui naîtra un jour aura la couleur de l'amour".
IV - LES ERREURS A EVITER
Avant d'aborder les réponses, il convenait de lire attentivement les textes, de façon à ne pas commettre de contresens (surtout pour le texte de Beaumarchais).
Il ne fallait pas énoncer votre opinion personnelle sur les différents thèmes abordés même si vous avez été choqué, ému, ou révolté.
Il fallait justifier vos réponses en citant le texte.