Annales gratuites Bac S : L'affirmation du tiers monde

Extraits du communiqué de Brioni (Yougoslavie) publié à l'issue de la rencontre entre Nasser, Nehru et Tito le 19 juillet 1956

        La conférence tenue à Bandoung l'année passée a posé certains principes qui devraient gouverner les relations internationales. Les trois chefs de gouvernement en réaffirment les dix principes qu'ils ont toujours soutenus.
        Ils ont conscience que les conflits et la tension du monde actuel ont fait surgir des craintes et des appréhensions pour le présent et pour l'avenir. Tant que ces craintes et ces appréhensions domineront le monde, aucune base ferme pour la paix ne pourra être établie. (...)
        La division du monde actuel en puissants blocs de nations tend à perpétuer ces craintes. La paix doit être recherchée non à travers la division mais en visant la sécurité collective sur une base universelle, en élargissant la sphère de liberté et en mettant fin à la domination d'un pays sur un autre.
        Le progrès vers le désarmement est essentiel pour diminuer la crainte de conflit. Ce progrès doit d'abord être fait dans le cadre des Nations unies et devrait inclure à la fois les armes atomiques et thermonucléaires et l'armement conventionnel ainsi qu'un contrôle adéquat sur la mise en œuvre des accords qui ont été réalisés. (...)
        L'intensification des efforts visant à accélérer le développement des régions sous-développées du monde constitue l'une des tâches principales pour l'établissement d'une paix permanente et stable entre les nations. A cet égard, les trois chefs de gouvernement reconnaissent l'importance d'une coopération économique et financière internationale et considèrent qu'il est nécessaire et désirable de constituer et de rendre effectif le fonds spécial des Nations Unies pour le développement économique. (...)
        Croyant que la domination coloniale est absolument indésirable et qu'elle est nuisible autant à ceux qui gouvernent qu'à ceux qui sont gouvernés, ils se doivent d'exprimer leur sympathie pour le désir de liberté du peuple algérien.

Source : Ph. Braillard et M. R. Djalilli, Tiers-Monde et Relations Internationales, Masson, Paris, 1984.

QUESTIONS
1. Qui sont Tito, Nehru et Nasser ?
2. Dégagez à partir du document les grandes lignes du contexte international évoqué par les auteurs.
3. Montrez que ce document s'inscrit dans la continuité de la conférence de Bandoung.
4. Quelles sont les propositions émises par les auteurs pour garantir la sécurité collective ?

I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET

Ce sujet appartient à la première partie du programme d'histoire : "Le monde de 1945 à nos jours" et au chapitre sur "La décolonisation, l'émergence et l'éclatement du Tiers monde'".
Il s'agit d'un sujet classique qui ne présente pas de difficulté particulière. La conférence de Brioni, dont le communiqué final fait l'objet de cette étude, est l'une des conférences tenues par l'un des pays non-alignés, en quête d'une voie autonome entre les deux blocs antagonistes de la Guerre froide. Elle est moins connue cependant que celle de Bandoung qu'elle suit un an après. Elle tente de prolonger son succès et d'ancrer l'idée du non-alignement dans les relations internationales.

II - LA PROBLEMATIQUE

Qu'est-ce que le Tiers-monde ? Quelle place cherche-t-il à occuper entre les deux blocs ? Comment peut-on définir le non alignement ?

III – LES reponses aux questionS

1. Tito, Nehru et Nasser sont trois des leaders du Tiers monde, concept apparu un an plus tôt à la conférence de Bandoung en Indonésie.
Tito, de son vrai nom Josip Broz (1892-1980), est le président de la Yougoslavie. Socialiste, il se dégage dès 1948 de l'influence de l'URSS et essaie de trouver pour son pays une voie autonome et un modèle original (le "titisme"). Il est l'un des leaders du mouvement des non-alignés.
Jawaharlal Nehru (1889-1964) est premier ministre de l'Inde dès son accession à l'indépendance en 1947. Disciple de Gandhi, il organise une démocratie laïque et joue un rôle de premier plan à la conférence de Bandoung en 1955, et dans la création du mouvement des non-alignés.
Gamal Abdel Nasser (1918-1970) est le "Raïs", chef de l'état égyptien depuis 1952, date à laquelle il renverse le roi Farouk. Il dirige le pays de manière autoritaire et s'oriente vers le socialisme. A Bandoung il devient un des leaders du non-alignement. Il nationalise le canal de Suez en 1956 et, après l'échec de l'expédition franco-anglaise, il apparait comme le champion du nationalisme arabe.

2. La conférence de Brioni se tient en Yougoslavie en 1956, un an après celle de Bandoung en Indonésie qui a vu se réunir pour la première fois dans l'Histoire des états décolonisés d'Asie et d'Afrique. Léopold Sédar Senghor parle à juste titre du "coup de tonnerre de Bandoung". Pour la première fois, les nouveaux Etats décolonisés veulent faire entendre leurs voix. Ils refusent de s'aligner sur l'Est ou sur l'Ouest, créant ainsi le concept de Tiers-monde, selon l'expression inventée par Alfred Sauvy. Les tensions provoquées par la guerre froide sont perceptibles dans ce document. Les trois chefs d'Etat ou de gouvernement mettent ici l'accent sur la recherche de la paix dans le cadre de l'ONU, sans prendre parti entre les deux blocs. Ils insistent particulièrement sur le désarmement qui doit intervenir entre les deux Grands et leurs alliés respectifs. Ils considèrent aussi que le développement économique doit être la priorité des Etats qui accèdent à la souveraineté, dans le cadre d'une coopération internationale.
Pour finir, Tito, Nehru et Nasser condamnent la domination coloniale et apportent leur appui à la lutte de libération du peuple algérien. En effet, depuis 1954 le FLN (Front de Libération National) s'est engagé dans la lutte armée contre la France pour obtenir l'indépendance de l'Algérie.
Les plus érudits pouvaient ajouter que cette rencontre précède de quelques jours la nationalisation du Canal de Suez par Nasser (26 juillet) !

3. Ce document s'inscrit en effet dans la continuité de la conférence de Bandoung. A Bandoung, de nombreuses divergences sont apparues entre les participants, partagés entre pro-occidentaux, communistes et neutralistes. Cependant, l'unanimité se fait pour condamner toute intervention dans les affaires intérieures des nouveaux Etats et affirmer la nécessité de mettre en œuvre une coopération entre pays riches et pays pauvres. Par ailleurs, tous les participants condamnent la domination coloniale. Confusément, se met à jour l'idée que les pays du Tiers monde doivent chercher une autre voie et s'affirmer comme des acteurs à part entière dans le système international. Tous ces thèmes se retrouvent dans ce communiqué final de la conférence de Brioni qui essaie de prolonger l'essai de Bandoung.

4. Pour garantir la sécurité collective, Nasser, Nehru et Tito prônent la disparition des empires coloniaux (lignes 10-11 et lignes 24 à 26) et le désarmement (lignes 12-13). Ce désarmement doit se faire dans le cadre de l'ONU et inclure tous les types d'armes : atomiques, thermonucléaires et conventionnelles (lignes 13 à 16).
Par ailleurs, le développement des pays encore sous-développés ne peut que contribuer à cette sécurité collective. Pour atteindre cet objectif, les trois chefs de gouvernement considèrent qu'une coopération internationale, dans le cadre de l'ONU, est indispensable (lignes 17 à 23). Ils appellent donc à la création d'un fond spécial des Nations Unies pour ce développement économique.

IV – les outils : savoirs et savoir-faire