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Annales gratuites Bac L : Seconde Guerre mondiale

Le sujet  2010 - Bac L - Histoire - Etude d'un ensemble documentaire Imprimer le sujet
Avis du professeur :
Le sujet proposé ce jour en étude de documents porte sur les mémoires de la Seconde guerre mondiale. Ce sujet était attendu en ce 18 juin commémoratif des 70 ans de l'appel du général de Gaule.
Un sujet qui pouvait paraître difficile mais avait le mérite d'être clair et de présenter trois « mémoires » de la guerre, à savoir celle de Vichy, celle de la Résistance et celle des déportés. Il fallait prendre en compte l'évolution de ces mémoires ce que permettait le dossier documentaire.
LE SUJET

Etude d’un ensemble documentaire

Comment ont évolué les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France depuis 1945 ?

Liste des documents :

Document 1 : Extrait d’un manuel de cours moyen 1ère année (CM1), Hachette, 1964

Document 2 : Extraits d’un manuel de 3e cycle d’école primaire, Nathan, 1997

Document 3 : Timbre-poste français émis en 1965

Document 4 : Affiche du Parti communiste français, octobre 1945

Document 5 : Discours du président de la République française, Jacques Chirac, le 16 juillet 1995



Première partie :

Analyser l’ensemble documentaire en répondant aux questions suivantes :

  1. Que révèle la confrontation des documents 1 et 2 sur l’évolution de la mémoire de l’Occupation et du régime de Vichy en France ?

  2. Quelles mémoires de la Résistance apparaissent dans les documents 1 et 4 ?

  3. Montrez que les documents 1, 3 et 4 correspondent à différentes représentations de la victoire.

  4. Sur quels points essentiels a évolué la mémoire de la déportation des juifs en France (documents 1, 2 et 5) ?



Deuxième partie :

A l’aide des réponses aux questions, des informations contenues dans les documents et de vos connaissances personnelles, vous rédigerez une réponse organisée au sujet :



Comment ont évolué les mémoires de la Seconde Guerre mondiale en France depuis 1945 ?



Document 1 : Extrait d’un manuel de cours moyen 1ère année (CM1), Hachette, 1964

49. LA DEUXIEME GUERRE MONDIALE

  1. L’invasion de la France.

En septembre 1939, l’Angleterre et la France ont déclaré la guerre à Hitler, le chef de l’Allemagne, pour défendre leur alliée, la Pologne, envahie à la fois par les Allemands et par les Russes. Cette nouvelle guerre est, plus encore que la guerre de 1914, une guerre mondiale. L’Italie et le Japon combattent avec les Allemands. Les Russes puis les Américains deviennent les alliés de la France et de l’Angleterre.

L’armée française, mal préparée à la guerre, est rapidement vaincue par les Allemands en mai-juin 1940. La défaite entraîne la fin de la Troisième République. Les ennemis occupent notre pays.



  1. La Résistance et la Victoire.

Un certain nombre de Français ont pu, à ce moment, quitter la France. Ils créent à Londres, en Angleterre, un gouvernement dirigé par le général de Gaulle (fig.2). Ils organisent, en France même, la résistance contre les Allemands.

Des troupes françaises nouvelles combattent, avec les Anglais et les Américains, les armées allemandes en Afrique du Nord et en Italie. Le 6 juin 1944, une puissante armée anglo-franco-américaine débarque en Normandie (fig.1). Paris est libéré le 24 août 1944 par les résistants insurgés, soutenus par les blindés du général Leclerc (fig. 3 et 4). Puis l’Allemagne est envahie à son tour et vaincue par les armées alliées. Elle capitule le 8 mai 1945.



  1. La Quatrième et la Cinquième République.

Un nouveau gouvernement, celui de la Quatrième République, est établi en France après la Libération et la défaite allemande. Au début de 1959, une autre constitution crée le gouvernement de la Cinquième République. Le général de Gaulle est élu Président de la République.



RESUME.

1. La France est vaincue par les Allemands en 1940.

2. Le général de Gaulle organise la Résistance. La France est libérée en 1944.

3. La Quatrième République commence en 1946. Elle est remplacée en 1959 par la Cinquième République.



Source : A.Bonifacio, P.Maréchal, Histoire de France – Cours moyen 1ère année. Hachette, Paris, 1964, p.119.



Document 2 : Extraits d’un manuel de 3e cycle d’école primaire, Nathan, 1997

L’Occupation :

Les Français vivent, durant ces quatre années, sous l’occupation allemande. Ils connaissent alors une période très dure : privations pour tous, arrestation, déportation et souvent la mort pour ceux qui résistent. Les Juifs déportés dans les camps de concentration sont exterminés (> doc.2).

Durant ces épreuves, la plus grande partie de la population cherche avant tout à survivre. Il faut se procurer de la nourriture, des vêtements, du charbon pour se chauffer, toutes choses qui sont devenues très rares du fait de la guerre.

Pendant que certains, comme le maréchal Pétain, collaborent avec l’occupant nazi et se mettent à son service (> doc.1) – et même combattent sous l’uniforme allemand, d’autres résistent.









Document 3 : Timbre-poste français émis en 1965



Document 4 : Affiche du Parti communiste français, octobre 1945





Texte de l’affiche :

Ils sont morts pour que vive la France – C’est par dizaines de milliers que les communistes sont tombés en héros « pour préparer des lendemains qui chantent » - Le Parti communiste français qui a le plus fait d’efforts et le plus versé de sang pour délivrer la Patrie a été appelé par un écrivain de la Résistance le parti des fusillés – Ce parti veut être et sera le grand parti de la renaissance française – Adhérez au Parti communiste français 44, rue Le Peletier, Paris, 9ème.



Source : Centre International de Recherche sur l’Imagerie Politique (CIRIP)/ A.Gesgon



Document 5 : Discours du président de la République française, Jacques Chirac, le 16 juillet 1995



Il est, dans la vie d’une nation, des moments qui blessent la mémoire et l’idée que l’on se fait de son pays. Ces moments, il est difficile de les évoquer, (…) parce que ces heures noires souillent à jamais notre histoire, et sont une injure à notre passé et à nos traditions. Oui, la folie criminelle de l’occupant a été secondée par des Français, par l’Etat français.

Il y a cinquante-trois ans, le 16 juillet 1942, 450 policiers et gendarmes français, sous l’autorité de leurs chefs, répondaient aux exigences des nazis.

Ce jour-là, dans la capitale et en région parisienne, près de 10 000 hommes, femmes et enfants juifs furent arrêtés à leur domicile, au petit matin, et rassemblés dans les commissariats de police. (…)

La France, patrie des Lumières et des Droits de l’Homme, terre d’accueil et d’asile, la France, ce jour-là, accomplissait l’irréparable. Manquant à sa parole, elle livrait ses protégés à leurs bourreaux.

Conduites au Vélodrome d’Hiver, les victimes devaient attendre plusieurs jours, dans les conditions terribles que l’on sait, d’être dirigées sur l’un des camps de transit – Pithiviers ou Beaune-la-Rolande – ouverts par les autorités de Vichy.

L’horreur, pourtant, ne faisait que commencer.

Suivront d’autres rafles, d’autres arrestations. A Paris et en province. Soixante-quatorze trains partiront vers Auschwitz. 76 000 déportés juifs de France n’en reviendront pas.

Nous conservons à leur égard une dette imprescriptible. (…)

Transmettre la mémoire du peuple juif, des souffrances et des camps. Témoigner encore et encore. Reconnaître les fautes du passé, et les fautes commises par l’Etat. Ne rien occulter des heures sombres de notre histoire, c’est tout simplement défendre une idée de l’Homme, de sa liberté et de sa dignité.



Source : www.elysee.fr



LE CORRIGÉ

L’analyse et les difficultés du sujet

Le sujet porte sur une partie du programme parfois difficilement accessible pour les élèves : les mémoires de la 2e Guerre mondiale, ce conflit étant étudié pour lui-même en fin de classe de 1ère (au mieux !).

Mais le sujet a le mérite d’être clair et de faire un rapide tour de la question, autour de 3 mémoires principales : mémoire du régime de Vichy (donc de la collaboration), mémoire de la Résistance, mémoire de la déportation des Juifs. Ces mémoires ont évolué au fils du temps, comme le montre avec simplicité le dossier documentaire.

Ainsi, la perception de ces notions historiques par les Français a changé, sous l’influence de l’école, des hommes et des partis politiques.



La problématique

Le dossier montre que, sous l’effet de mémoires concurrentes (notamment la mémoire gaulliste et la mémoire communiste), les représentations des Français ont changé à propos de 3  sujets essentiels de la 2ème Guerre mondiale : la collaboration, la Résistance et le sort réservé aux Juifs. Le souvenir de la guerre se présente sous la forme d’une mémoire éclatée.

Globalement, on se dirige néanmoins vers une perception de plus en plus fidèle à la réalité historique, dont témoigne le document 5 (discours de Jacques Chirac).



Réponses aux questions

  1. Le document 1 est issu d’un manuel scolaire de CM1 de 1964. A cette même date est décidé par le pouvoir gaulliste le transfert des cendres de Jean Moulin, héros de la Résistance et délégué du général de Gaulle, au Panthéon. Nous sommes dans les débuts de la Ve République, de Gaulle est chef de l’Etat et c’est l’apogée du mythe résistancialiste. Le régime de Vichy est perçu comme une simple parenthèse qui n’est pas même digne d’être mentionnée car la France « véritable » est celle composée par les résistants. On mentionne de façon lapidaire l’occupation de « notre pays » par les « ennemis », sans mentionner une quelconque complicité des autorités françaises.

Dans le document 2, extrait d’un manuel de 3e de 1997, l’Occupation est davantage développée, pas seulement parce que ce livre s’adresse à des élèves plus âgés. Le pouvoir politique cherche moins à contrôler l’éducation et la collaboration de Vichy avec l’occupant est reconnue, et même illustrée par la désormais célèbre photo de la poignée de mains de Montoire entre Hitler et Pétain en 1940.

  1. Dans le document 1, la Résistance est la seule attitude des Français qui est mentionnée. Il est dit qu’ « un certain nombre » a pu rejoindre de Gaulle en Angleterre pour poursuivre le combat, malgré la défaite, notamment en Afrique du Nord (dans les colonies) et en Italie (débarquement de 1943). On insiste aussi sur Paris, libérée en août 1944 par les « résistants insurgés », mais surtout sur le rôle de de Gaulle comme chef et organisateur de la Résistance française. Ce document illustre la mémoire gaulliste, qui perpétue le souvenir de la France libre.

Dans le document 4, en revanche, on voit la mémoire communiste s’exprimer : le PCF met en exergue son rôle dans la résistance intérieure, sur les sacrifices de ses militants et se présente comme « le parti des (75 000) fusillés », afin d’inciter à l’adhésion.

  1. Dans le document 1, la victoire finale semble due à l’action conjointe des résistants français, et des alliés anglo-américains. Le débarquement en Normandie du 6 juin 1944 est présenté comme celui d’une « armée anglo-franco-américaine », alors que de Gaulle a été tenu à l’écart de ce projet et que les Français libres n’y participent quasiment pas.

Le timbre-poste (document 3) émis en 1965 prend soin d’intégrer également le drapeau de l’URSS, qui pourfend lui aussi le nazisme et sa croix gammée.

Quant à l’affiche du PCF (document 4), elle insiste sur le rôle de la résistance intérieure, et non celle venue de Londres, tout en la réduisant à la résistance communiste, ce qui est inexact historiquement, même si l’action du PCF a été décisive.

  1. Dans le document 1, la déportation des Juifs est niée puisqu’elle n’est même pas évoquée.

Dans le document 2, elle est mentionnée, de même que l’extermination qui s’en est suivie. Une photo illustre aussi la discrimination avec le port obligatoire de l’étoile jaune. Cela étant, la responsabilité de l’Etat français et du régime de Vichy n’est pas directement reconnue. On pourrait croire que c’est une simple conséquence de l’Occupation allemande et de la politique menée par les nazis.

En revanche, le discours de Jacques Chirac de 1995, prononcé le jour de la commémoration de la rafle du Vel d’Hiv, reconnaît clairement la responsabilité des autorités françaises (hommes politiques, police, gendarmerie) dans la déportation de 76 000 Juifs de France, ce que n’avaient pas fait ses prédécesseurs, de de Gaulle à Mitterrand. Selon eux, la République n’avait pas à répondre des crimes de la dictature de Vichy.



La réponse organisée

Comment ont évolué les mémoires de la 2e Guerre mondiale en France depuis 1945?

Attention, ceci est une mini-composition et elle implique non seulement un plan, mais aussi des connaissances personnelles qui aillent au-delà des documents proposés. Cette réponse organisée ne doit pas être une simple redite de la 1ère partie (erreurs incluses !). Les documents fournissent des pistes mais ne sont pas exhaustifs.

Un plan thématique peut reprendre les trois grandes mémoires évoquées dans le dossier mais le plan chronologique est davantage conseillé et sera plus payant car il mettra en valeur votre savoir et votre apprentissage du cours.

Exemple :

  1. Les refoulements de la mémoire collective (1945-1970)

    1. Le régime de Vichy et la collaboration : une simple parenthèse à oublier

    2. Le mythe d’une France unanimement résistante : l’influence des mémoires gaulliste et communiste

  2. Le réveil de la mémoire depuis les années 1970

    1. Un regard critique sur le régime de Vichy et une nouvelle vision de l’Occupation

    2. L’émergence d’une mémoire de la Shoah

Concluez sur le fait que ces remises en question successives ont abouti à la reconnaissance officielle des crimes de l’Etat français. Montrez qu’on est passé d’une légende rose (« tous résistants ») à une légende noire (« tous collabos ») des années d’Occupation, mais qu’on se dirige vers une véritable mémoire collective en adéquation avec la réalité historique : la responsabilité de Vichy, et des Français majoritairement « attentistes », collaborateurs et résistants actifs ne représentant qu’une minorité de la population, sans oublier les trajectoires individuelles, souvent complexes.



Les outils : savoirs et savoir-faire

Mots clés

Principaux acteurs

Dates

Collaboration, Résistance, France Libre, résistance intérieure, Occupation, Libération

Pétain, de Gaulle, Jean Moulin, PCF

Défaite de la France en 1940, appel du 18 juin 1940, débarquement en Normandie du 6 juin 1944, Paris libérée en août 1944, armistices de 1940 et 1945

Histoire, mémoires, mémoire collective

Historiens, partis politiques, hommes politiques (notamment présidents successifs), associations, médias, école

Panthéonisation de Jean Moulin en 1964, parution de La France de Vichy en 1973, sortie du film Le chagrin et la pitié en 1972, discours de Jacques Chirac en 1995,

Déportation et extermination, Shoah, crimes contre l’humanité, négationnisme


Lois antisémites de 1940, rafle du Vel d’Hiv les 16-17 juillet 1942, procès Eichmann en 1961, procès Barbie en 1987



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