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Annales gratuites Bac L : Diderot : Le bon sauvage

Le sujet  2003 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET

Quels débats engendrent les diverses voix qui, dans le Supplément au voyage de Bougainville parlent du "bon sauvage" ?

LE CORRIGÉ

I - L'ANALYSE DU SUJET

On peut procéder en trois temps : analyser la notion de "voix", en restant dans le cadre du texte, préciser ensuite les problèmes qu'elles abordent, les réponses qu'elles proposent.
Pour finir, on peut s'interroger sur la position de Diderot et situer le débat dans le contexte d'un échange plus général (Rousseau, Voltaire) sur les notions de nature et culture au XVIIIème siècle.

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Le sujet semble facile car le thème du bon sauvage apparaît comme central dans le Supplément au Voyage de Bougainville.
La difficulté réside dans la nécessité d'identifier les diverses voix du texte, de définir les débats qu'elles engagent et d'en cerner les enjeux en les reliant à la problématique du mythe du bon sauvage dans la philosophie des Lumières.

III - LE TRAITEMENT DU SUJET

Commentaire et prolongement du récit de Bougainville, Le Supplément de Diderot se présente comme un débat à plusieurs voix sur le thème du bon sauvage, au cœur de la philosophie des Lumières. Quelles sont ces voix ? Quels débats proposent-elles ? Quels en sont les enjeux ?

Par l'emploi des expressions "diverses voix" et "débats", la question invite à s'interroger sur la pluralité des différents débatteurs mis en scène par Diderot, leur concordance, l'éventuelle originalité de chacun.
Il y a d'abord le vieillard tahitien, au chapitre 2, qui s'en prend véhémentement à Bougainville et à ses hommes, et par là même, définit le bonheur qu'ils menacent, celui des "bons sauvages" tahitiens.
Orou prend alors le relais, aux chapitres 3 et 4, dans son entretien avec l'aumônier. Il présente l'image de sa famille, vivant à l'état naturel, dans l'harmonie et le bonheur, et expose les lois et les coutumes de Tahiti, les opposant aux règles artificielles des sociétés européennes.
On peut encore considérer certaines interventions de B, qui en fait présente le récit de Bougainville et son prétendu supplément à A, comme un éloge de la vie du "bon sauvage".
Et s'ajoute à ces voix, bien sûr, la conclusion de l'aumônier, au début du chapitre 5, reformulée par B : '"Ici le bon aumônier se plaint de la brièveté de son séjour dans Otaïti et de la difficulté de mieux connaître les usages d'un peuple assez sage pour s'être arrêté de lui même à la médiocrité". [au sens de situation moyenne, entre les extrêmes].

Se présentant comme une série de dialogues et de discours, le texte de Diderot pose toutes les questions au cœur de la philosophie des Lumières.
La première est celle du bonheur. Force est de constater que le bon sauvage est heureux, bien plus que les européens. Le vieillard tahitien décrit le bonheur des habitants de l'île avant l'arrivée de Bougainville, l'équilibre entre le travail et les loisirs, l'absence de besoins inutiles, les plaisirs simples apportés par la satisfaction des besoins élémentaires.
L'aumônier finit par reconnaître que les religieux sont frustrés ou coupables, que les religieuses "sèchent de douleur, périssent d'ennui". B présente ensuite la vie tragique de Miss Polly Baker.

Le débat sur la morale est à son tour une question essentielle du texte. L'homme de Tahiti, qui vit à l'état sauvage, est naturellement bon, il ignore la jalousie et la violence. Il ne vole pas puisque tout est à tous. Le vieillard tahitien oppose à cette innocence la violence, la cruauté et l'injustice des hommes de Bougainville.
L'enjeu essentiel du texte apparaît comme celui des rapports entre la nature et la culture, des relations entre les trois codes définis par Orou, le code de la nature, le code civil et le code religieux. Si les codes civil et religieux ne se soumettent à celui de la nature, une société ne sera ni heureuse ni bonne.

On peut alors s'interroger sur la position de Diderot par rapport à ces voix et aux débats qu'elles engagent. Aucune des instances du dialogue faisant l'apologie du bon sauvage ne le représente totalement. Mais chacune correspond à une hypothèse, une suggestion, un aspect de sa pensée. C'est ce qui fait la richesse du texte. Diderot est essentiellement l'organisateur d'un débat aux multiples voix et c'est, dans chaque dialogue, le partisan de la nature qui convainc son interlocuteur.
Cette incitation à la réflexion prend sa place dans un débat plus large, engagé par Rousseau, poursuivi par Voltaire. Avec le Discours sur l'Origine de l'Inégalité, en 1755, le premier assimile lui aussi la nature, la liberté et le bonheur. Le second, avec l'Ingénu, en 1767, critique à son tour l'artifice de la religion et des lois qu'elle engendre.

Le Supplément au Voyage de Bougainville apparaît donc comme étroitement lié aux débats du siècle des Lumières. Se refusant à proposer un point de vue unique, il incite le lecteur du XVIIIème siècle comme celui d'aujourd'hui à réfléchir aux problèmes cruciaux de toute société.

IV - LES ERREURS A EVITER

  • Confondre les voix et les débats sans les identifier précisément.
  • Penser que Diderot fait ici une apologie sans nuances de la vie sauvage et d'une liberté sans entraves.
  • Ne pas avoir vu le lien avec la philosophie des Lumières.
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