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Annales gratuites Bac L : L'unité des quêtes de Lancelot

Le sujet  1997 - Bac L - Littérature - Question Imprimer le sujet
LE SUJET

CHRETIEN DE TROYES, Le Chevalier de la Charrette


Qu'est-ce qui fait, selon vous, l'unité des quêtes de LANCELOT ?

LE CORRIGÉ

I - FICHE SIGNALETIQUE

Le sujet demande une bonne connaissance de l'oeuvre de Chrétien de Troyes, ce qui est normal, mais il n'est pas difficile, car il porte sur le destin du personnage principal.

En revanche, il faut bien en analyser le libellé : la question posée n'est pas "quelles sont les quêtes de Lancelot ?", mais "qu'est-ce qui fait l'unité des quêtes de Lancelot ?

Il faut donc chercher ce qui fait l'unité du roman à travers la diversité des aventures de Lancelot.


II - REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

C'est un excellent sujet, car il permet au candidat de montrer à la fois qu'il connaît bien l'oeuvre étudiée et qu'il est capable de mener une réflexion littéraire générale sans se borner à raconter l'histoire.


III - TRAITEMENT POSSIBLE DU SUJET

La structure d'un roman comme celui de Chrétien de Troyes, Le Chevalier de la Charrette , destiné à être lu à haute voix devant un public courtois, ne se conçoit pas comme celle d'un roman moderne, où le lecteur est suspendu à la réalisation des ambitions du héros.

L'oeuvre médiévale offre, sous une forme distrayante, la peinture idéalisée des vertus courtoises de l'éthique chevaleresque, au premier rang desquelles la "fin'amor", l'amour parfait.

Le parcours du héros, loin d'être linéaire, est donc subordonné à la réalisation d'exploits variés et au franchissement d'étapes apparemment disparates, qui semblent des passages "obligés" dans la littérature médiévale. D'où une certaine élasticité de l'espace et du temps, que le lecteur moderne n'accepte pas sans frustration.

Cette complexité s'accroît, dans Le Chevalier de la Charrette , du fait que l'auteur dispose d'une liberté narrative limitée, car il puise les thèmes de son oeuvre dans un ensemble littéraire préexistant, la "matière de Bretagne" et la légende arthurienne, déjà mises en scène près d'un demi-siècle avant lui par Geoffrey de Monmouth, dans l'"Historia Regum Britanniae", puis par Wace dans "Le Roman de Brut".


A - LA QUETE DE L'IDENTITE

Bien qu'il donne son titre au roman, le personnage de Lancelot est absent de l'incipit, qui se déroule à la cour d'Arthur, défié par Méléagant.


Cependant, il apparaît très rapidement, dès la première journée du récit, mais comme un chevalier anonyme, "en quête" d'un but qui n'est pas révélé au lecteur. Beaucoup plus tard, le septième jour, le lecteur apprendra que ce chevalier sans nom est Lancelot du Lac, à la recherche de la reine Guenièvre : rétrospectivement, il semble donc que Lancelot entre dans le récit en quête de sa propre identité, qui ne sera confirmée et, en quelque sorte "validée", que par la reine à laquelle il est dévoué.


B - LA QUETE DE L'HONNEUR

Survient la première épreuve décisive, qui donne son nom à la deuxième partie du titre de l'oeuvre : sommé de grimper dans une charrette - acte déshonorant s'il en est - pour pouvoir poursuivre sa quête, le héros obtempère après un instant d'hésitation qui lui sera reproché plus tard par Guenièvre. Dans cette quête de lui-même et de l'estime de la reine, Lancelot doit tout d'abord sacrifier l'honneur, mot-clé de l'éthique chevaleresque.

Mais c'est précisément parce qu'il aura consenti plusieurs fois à en faire l'offrande à sa bien-aimée que Lancelot méritera, à la fin du roman, l'amour et l'honneur véritables.

En effet, dans la dernière partie du récit, lors du tournoi de Noauz, organisé par les demoiselles de la cour d'Arthur, Lancelot devra à nouveau sacrifier son honneur : dans un passage qui n'est pas sans rappeler l'épisode initial de la charrette, car le héros est redevenu anonyme en la circonstance, Lancelot est sur le point de remporter le tournoi, mais accepte, à la demande de Guenièvre, de se battre "au plus mal", c'est-à-dire de se laisser vaincre.

La quête ascétique de l'honneur, qui passe par l'abandon volontaire de cette vertu chèrement conquise, est donc l'un des thèmes qui font l'unité des errances de Lancelot.


C - LA QUETE D'AUTRUI

Mais l'honneur, ce n'est pas seulement l'estime de soi, c'est aussi, et bien plus, l'estime d'autrui, celle de ses pairs et celle de la femme aimée.

Lancelot conquiert l'estime d'autrui à travers la réalisation de plusieurs exploits, où il montre sa prouesse :
tout d'abord, après l'épreuve mineure du lit périlleux, il part en quête du royaume de Gorre, où il accède par l'épreuve majeure du Pont de l'Epée. Il s'acquiert ainsi l'estime des captifs qu'il délivre et, surtout, celle du roi Baudemagu, parangon de la courtoisie.

Ensuite, dans sa quête de Gauvain, à la fin du roman , Lancelot ajoute à la valeur et à la prouesse la vertu de la générosité.


D - LA QUETE DE L'AMOUR

Toutes les chevauchées de Lancelot, tous ses exploits, accomplis dans des espaces indécis ou merveilleux, en compagnie de personnages souvent inconnus ou mystérieux, sont unis par l'image presque obsédante de la reine Guenièvre : le héros ne manque-t-il pas de tomber à l'eau quand son cheval, plus matérialiste que lui, demande à boire, tant il est absorbé dans ses pensées d'amour ?

Chez Chrétien de Troyes, la prouesse et l'honneur ne s'opposent pas à l'amour ; bien au contraire, seul l'amour donne au héros la force d'affronter des épreuves surhumaines et d'accéder simultanément à un bonheur fugitif et à une durable connaissance de soi et du monde.

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