Le sujet 2006 - Bac L - Littérature - Question |
Avis du professeur :
Vous devez montrer comment La Bruyère développe une critique des moeurs de la cour qui en fait un lieu dangereux et
nuisible à l'homme. |
(12
points)
Comment La Bruyère invite-t-il à quitter le monde de la Cour et des Grands ?
Vous répondrez en vous appuyant sur les deux chapitres des Caractères
de La Bruyère : "De la Cour" et " Des Grands".
I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET
Sujet |
Contraintes |
1. Comment La Bruyère invite-t-il... |
► Réfléchir sur la démarche de l'écrivain. |
2. ...à quitter le monde de la cour et des Grands ? |
► Prendre en compte la thèse du sujet : la cour est un lieu qu'il est préférable de quitter. |
3. Vous répondrez en vous appuyant sur les deux chapitres des Caractères de La Bruyère: " De la Cour" et "Des Grands". |
► Donner des références dans les deux chapitres. |
Il s'agit de produire un court essai qui cible les aspects
essentiels de la question dans des paragraphes structurés.
Des références aux textes du programme sont obligatoires.
II - LES DIFFERENTS TYPES DE PLANS POSSIBLES
Le sujet invite à réfléchir sur la façon dont La Bruyère s'y prend pour persuader et convaincre le courtisan de quitter la cour.
Plan thématique :
On peut donc imaginer, comme pour le sujet précédent, que l'on vous demande
d'énumérer avec pertinence les moyens essentiels que l'auteur
met en place pour parvenir à ce but. Si l'on choisit ce plan de type thématique,
on prendra bien soin de trouver une progression dans l'exposé de
ces moyens (par exemple : La Bruyère manie la satire tout autant qu'une réflexion profonde et argumentée de moraliste), ou bien alors on montrera que La Bruyère emploie des moyens très variés comme le portrait, la
satire, la pointe, l'argument, la maxime, des métaphores récurrentes, la
construction cyclique des chapitres...
Par un plan analytique :
On peut utiliser ce type de plan qui vise à comprendre pourquoi La Bruyère met en garde contre la cour puis comment il s'y prend
pour détourner le courtisan de Versailles.
1. La Bruyère présente la cour comme un lieu de dangers.
2. Il manipule la satire pour rendre le lieu et les courtisans
ridicules.
3. Il dresse un tableau moral accablant pour la cour et le courtisan.
C'est celui que nous proposons.
III - LES PISTES DE REPONSES
Eléments d'introduction :
La vision de La Bruyère est celle d'un moraliste. Sa critique de la cour, de
son fonctionnement et de ses moeurs vise surtout à rappeler à l'homme
l'exigence de la vie morale. Il
est difficile de ne pas succomber au fonctionnement et aux moeurs de la cour.
L'honnête homme y succombe la plupart du temps : la sagesse veut donc qu'on la
quitte au plus vite.
PREMIeRE PARTIE
Idée directrice : Fuir la cour pour éviter les dangers
qu'elle comporte.
● La cour est un lieu d'illusions, de fantasmes, de fausses espérances, d'attentes
vaines. Elle place l'individu au bord du vide, du néant. Les courtisans, de même que les
Grands, n'y brassent que du vent.
● La cour place l'individu dans une instabilité
permanente : la
fortune, comme une machinerie de théâtre, tantôt élève, tantôt abaisse, sans
qu'on puisse comprendre comment fonctionnent les rouages. Son caractère
irrationnel,
improbable, empêche qu'on puisse s'y fier en quoi que ce soit et envisager une
carrière cohérente. Le courtisan peut déchoir en permanence.
● La cour est un lieu cruel où les êtres sont voués à ce
qu'ironiquement La Bruyère appelle la "règle" de la cour :
l'intérêt personnel qui anime les passions et entraîne les rivalités. Les amitiés s'y déchirent, les
individus y sont abandonnés après avoir été encensés. Il y a, à la cour,
quelque chose comme une "loi de la jungle". Les Grands sont
particulièrement dangereux car ils ne défendent personne et oublient ceux qui
les ont servis.
● L'homme est soumis aux mouvements constants de la mécanique, des rouages des
"pièces" de la cour ; les personnages sont habités par le
vide ou ne sont que mouvement,
course éperdue ; au cynisme des courtisans les
uns envers les autres.
Transition
Pour mettre en garde contre ces dangers, La Bruyère emploie une première arme : la satire.
DEUXIeME PARTIE
Idée directrice : ridiculiser les pratiques de la cour
pour mieux en détourner les hommes.
● Que ce soit dans des portraits
individualisés ou dans les descriptions qui présentent plus globalement les
courtisans, La Bruyère montre
les mouvements mécaniques de ceux-ci. Ils n'obéissent plus à leur
naturel mais sont comme des marionnettes aux mouvements saccadés qu'accentue l'asyndète
(la juxtaposition, en particulier les verbes d'action en série). Les courtisans
sont de piètres acteurs, grimaçants et vaniteux.
● La Bruyère a également le sens de la
formule : ses
chutes sont souvent assassines. C'est comme une pointe qui vient accabler le
courtisan, comme dans le double portrait de Cimon et Clitandre : alors qu'ils
courent sans cesse, les voilà attachés au char de la fortune, comme s'ils
étaient esclaves. On peut aussi apprécier ce à quoi il réduit la différence
entre les Grands et les gens miséreux : les premiers s'enivrent de très bon
vin, les seconds, avec du mauvais.
Transition
La Bruyère est aussi un moraliste qui cherche à donner une leçon. C'est donc également par l'argumentation qu'il va persuader son lecteur.
TROISIeME PARTIE
Idée directrice : la réflexion morale.
● La cour est un lieu de malheur. De même
que les Grands ne se posent pas la question de la misère du royaume, de même les courtisans
semblent oublier par le divertissement que la cour est lieu de tristesse, de solitude, que
les fêtes et les banquets cachent mal. A la façon de Pascal, La Bruyère rappelle combien l'homme
oublie l'essentiel, son âme, lorsqu'il entre à la cour. Il faut fuir la
cour pour retrouver la sagesse et le bonheur et échapper aux frustrations de la
cour.
● La cour est un lieu d'observation des conduites humaines. C'est une
excellente "école" qui offre un anti-modèle à
l'âme humaine et chrétienne.
Les valeurs y sont en effet inversées : on y préfère l'hypocrisie et le
mensonge à la sincérité; la rivalité à l'amitié; l'artifice au naturel. On
comprend qu'on puisse y séjourner pour se faire une idée de ce dont l'homme est
capable; on comprend aussi que La Bruyère invite à quitter ce lieu aliénant.
Conclusion
Dès la première remarque du chapitre "De la Cour", La Bruyère pose comme un compliment de pouvoir dire de quelqu'un qu'il "ne sait pas la cour". Et la dernière remarque du même chapitre affirme qu'un esprit sain puise à la cour "le goût de la solitude et de la retraite". On ne peut pas mieux encadrer le texte qu'avec la nécessité de quitter la cour et d'un fuir les travers.
IV - LES FAUSSES PISTES
Il ne fallait surtout pas :
● Ne pas
prendre en charge la dimension morale de la critique de La Bruyère
● Confondre la critique de la cour,
de ses excès avec la critique du régime.