Le sujet 2008 - Bac Hôtellerie - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique |
Avis du professeur :
Un texte de Kant sur la valeur du jugement d’autrui. |
Lorsque, dans les matières qui se fondent sur l'expérience et le témoignage,
nous bâtissons notre connaissance sur l'autorité d'autrui, nous ne nous rendons
ainsi coupables d'aucun préjugé ; car, dans ce genre de choses, puisque
nous ne pouvons faire nous-mêmes l'expérience de tout ni le comprendre par
notre propre intelligence, il faut bien que l'autorité de la personne soit le
fondement de nos jugements. - Mais lorsque nous faisons de l'autorité
d'autrui le fondement de notre assentiment (*) à I'égard de connaissances
rationnelles, alors nous admettons ces connaissances comme simple préjugé. Car
c'est de façon anonyme que valent les vérités rationnelles ; il ne s'agit
pas alors de demander : qui a dit cela ? mais bien qu'a-t-il
dit ? Peu importe si une connaissance a une noble origine ; le
penchant à suivre l'autorité des grands hommes n'en est pas moins très répandu
tant à cause de la faiblesse des lumières personnelles que par désir d'imiter
ce qui nous est présenté comme grand.
Kant
(*) donner son assentiment : approuver et tenir pour vrai.
Pour expliquer ce texte, vous répondrez aux questions suivantes, qui sont destinées principalement à guider votre rédaction. Elles ne sont pas indépendantes les unes des autres et demandent que le texte soit d'abord étudié dans son ensemble.
1.
a) Le texte est construit à partir d'une distinction. A quelle thèse
conduit-elle ?
b) Analysez les étapes de l'argumentation.
2. Expliquez :
a) " nous ne nous rendons ainsi coupables d'aucun préjugé "
et " alors nous admettons ces connaissances comme simple
préjugé "
b) " c'est de façon anonyme que valent les vérités rationnelles "
3. Quand on cherche la vérité, faut-il rejeter l'autorité d'autrui ?
I – PRESENTATION DU TEXTE ET DE SES DIFFICULTES
La difficulté du texte de Kant, c'est qu'il porte sans le dire explicitement sur la question de la "vérité". Des mots comme "autorité", "expérience", "assentiment" renvoient en effet à l'idée du vrai. C'est donc un texte difficile à expliquer parce qu'il faut dire ce qu'il ne dit pas explicitement.
II - L'IDEE GENERALE ET L'ARGUMENTATION DU TEXTE
Kant fait une différence entre les connaissances qui viennent de l'expérience (l. 1 à 5) et les connaissances qui viennent de la raison (l. 6 à 12). Vis-à-vis des premières, nous pouvons nous fier à autrui, croire ce qu'autrui nous dit, parce que "nous ne pouvons faire nous-mêmes l'expérience de tout". En revanche, vis-à-vis des connaissances qui viennent de la raison, nous ne pouvons pas nous fier aux autres, nous devons faire l'effort de penser par nous-mêmes. Ainsi, face à une vérité de type mathématique, je dois faire l'effort de la démontrer par moi-même parce que j'en ai la capacité et c'est quand je l'aurai démontrée que je la comprendrai le mieux.
III - LES EXPLICATIONS
a.
● "nous ne nous rendons ainsi coupables
d'aucun préjugé"
Kant veut dire par-là qu'il n'y a pas de mal à croire autrui sur un point d'expérience sur lequel nous sommes ignorants.
Ainsi, quelqu'un qui rentrerait du pôle ou de l'équateur et qui me parlerait du
climat de ces régions, j'ai tout à fait le droit de le croire, son témoignage
est préférable à mon ignorance. Il n'y a là aucun "préjugé" car le
récit qu'il me fait est basé sur une expérience et la croyance que j'accorde à
son récit s'appuie sur la confiance que j'ai en la personne qui m'instruit.
● "alors nous admettons ces connaissances comme
simple préjugé"
Kant veut dire que dans le cas des vérités de
raison, croire autrui sur simple parole est une
erreur parce que nous ne sollicitons pas notre raison. Nous ne faisons
qu'approuver quelqu'un là où nous pourrions, où nous devrions penser par
nous-mêmes. Dans ces conditions, même des connaissances rationnelles deviennent
des "préjugés", c'est-à-dire des jugements émis avant tout jugement,
avant tout acte de pensée.
b. "c'est de façon
anonyme que valent les vérités rationnelles"
Les vérités de la raison n'appartiennent à personne, ou plutôt elles
appartiennent à tous parce que chacun d'entre nous possédant au même titre la
raison est capable de les formuler. Ainsi, la proposition 2+2=4 est
"anonyme" parce qu'elle est nécessairement vraie en fonction des lois
de l'arithmétique et cela quelle que soit la personne qui l'énonce ou quelle
que soit la personne qui opère à partir des lois de l'arithmétique.
IV - LE DEVELOPPEMENT DE LA QUESTION PHILOSOPHIQUE
Quand on recherche la vérité, faut-il réfuter l'autorité
d'autrui ?
La difficulté dans cette question tient surtout dans le mot "autorité".
En latin autoritas vient de auctor, l'auteur. L'autorité, c'est la reconnaissance
spontanée de la valeur de ce que quelqu'un me dit, j' y crois parce que c'est
écrit dans un livre, que c'est sous la plume d'un auteur. L'auteur me garantit
la vérité d'un propos qu'il énonce.
Quand je cherche la vérité, l'autorité d'autrui peut être un handicap. C'est la
raison pour laquelle Descartes, dans sa recherche de la vérité, a fait table
rase des auteurs à travers lesquels il s'était formé pour faire usage de sa
propre raison.
Mais il serait naïf de croire qu'on pense seul. Le savoir est partagé et il se
construit sur l'échange. La solitude n'est pas
un gage de vérité et quelquefois à vouloir penser par soi-même on pense peu et
mal parce qu'il n'y a personne pour nous corriger.
Il faut donc savoir utiliser l'autorité, par exemple l'autorité de ses maîtres
pour parfaire son savoir et avancer sur le chemin de la vérité.
Mais il faut aussi savoir appliquer son esprit critique, ne pas tout prendre
pour "argent comptant", construire des contre argumentations, prendre
le temps des vérifications nécessaires.
En conclusion, on a besoin de maîtres et d'autorité pour mieux pouvoir les
contester avec la raison qu'ils nous ont permis d'exercer.