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Annales gratuites Bac S : L'homme et ses passions

Le sujet  1995 - Bac S - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
LE SUJET

L'homme se reconnaît-il dans ses passions ou dans leur maîtrise ?

LE CORRIGÉ

I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

La difficulté de la question réside dans l'expression "se reconnaître". Il faut se demander : dans quoi l'homme se retrouve-t-il, dans quoi l'homme se connaît-il tel qu'en lui-même ?

Et ce : "en lui-même" signifie-t-il : en tant qu'individu singulier, ou en tant qu'homme en général, conforme à l'idée d'humanité ?

Cette problématique est délicate : elle a trait à la question lancinante de l'identité à soi, et à celle de la détermination d'une "essence" de l'homme.

Qu'est-ce qu'un homme essentiellement : un être de désirs, un être de raison ?

Et plus concrètement : dans quoi puis-je me "trouver" moi-même : dans mes désirs ou dans ma raison ?


II - UNE DEMARCHE POSSIBLE .

A - LE PRIVILEGE DE LA PASSION DANS L'OPINION.

Il faut naturellement commencer par proposer l'analyse précédente. Mais, pour donner consistance au sujet, on peut ensuite noter que la passion est, précisément du point de vue de la quête d'identité, spontanément privilégiée dans l'opinion commune.

La passion, c'est à dire le sentiment ou le désir vécu comme exclusif et entièrement absorbant, est régulièrement évoquée comme le "critère de vérité" d'un choix, par exemple dans la publicité.

De ce point de vue, je suis ce que je fais avec passion. Cette valorisation "opinante" de la passion n'est pas nouvelle, on la trouve déjà dans la bouche des sophistes confrontés à Socrate dans les dialogues de Platon. (Calliclès par exemple).

L'important, de ce point de vue, serait d'avoir le plus possible de désirs, et la possibilité de les réaliser.

Sans simplification abusive, on trouvera aussi chez Nietzsche l'idée que, derrière le vernis des choix rationnels, c'est dans des affects et des choix de la sensibilité que se "reconnaîtrait" la vérité de l'individu.

Un développement était possible également sur le freudisme : La libido comme "noyau" du sujet, comme lieu de la vérité de son histoire.


B - LA MAITRISE DE SOI COMME VRAIE LIBERTE.

On trouve, chez Platon déjà, une réfutation de cet abandon à la passion. La passion, comme son nom l'indique, est "subie", elle m'est, dans son origine et dans ses exigences, opaque et donc étrangère.
Elle est à proprement parler de l'ordre de ce que Kant nomme l'hétéronomie, la soumission du sujet à une loi dont il ne peut répondre. Dans la passion, l'homme ne répond pas de lui-même : il est irresponsable.
C'est donc du côté de la maîtrise de soi qu'il faudrait chercher l'identité à soi. Hors la maîtrise de soi-même et de ses affects (l'autonomie au sens propre) passe par la raison.
On trouve, dans l'épicurisme même, une condamnation des passions au sens de désirs aveugles et non maîtrisables.
Qu'il s'agisse donc d'une raison raisonnable ou rationnelle, la direction du "thumos" par le "logos" (schéma platonicien) semble être le seul moyen pour l'homme de se retrouver ou de s'y retrouver, de n'être pas étranger à lui-même.


C - LE CARACTERE "REVELATEUR" DE LA PASSION.

On trouve chez Hegel une remise en perspective de cette dévalorisation traditionnelle de la passion. Rien de grand ne se fait sans passion, selon Hegel, il faut comprendre correctement cela.
Hegel montre que la conscience de soi -condition d'une maîtrise de soi- n'est pas "toujours-déjà" en possession d'elle-même, comme le supposent les schémas rationalistes (Platon, Descartes, Kant).
La conscience de soi, et la "reconnaissance de soi-même" comme liberté présuppose un passage par l'expérience du désir. Mais c'est dans la confrontation des désirs, dans l'application du désir au désir de l'autre que, par un mouvement dialectique, le désir devient précisément désir de reconnaissance et souci d'autonomie.
L'homme se "reconnaît" donc, non à une position de maîtrise absolue et à une absence de passions, mais à une capacité de s'affronter et de se confronter à ses passions, dans ce que l'on pourrait appeler un "désir de maîtrise" qui fait son essence.


III - LES REFERENCES UTILES.

PLATON, Le Gorgias,
La République.

KANT, Fondements de la métaphysique des moeurs.

HEGEL, La phénoménologie de l'esprit.

ALAIN, Eléments de Philosophie.


IV - LES FAUSSES PISTES.

Analyse bâclée ou absente du concept de "reconnaissance de soi".

Valorisation simpliste et naïve de la passion.

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