Le sujet 2004 - Bac S - Philosophie - Dissertation |
Les hommes ont-ils besoin d'être gouvernés ?
I - LES TERMES DU SUJET
A - HOMME
La philosophie distingue traditionnellement l'homme de l'animal. Le comportement animal est réglé par l'instinct, alors que l'homme a une liberté de choix (un libre arbitre) qui l'individualise : chaque individu peut opérer des choix différents, il n'y a pas d'instinct propre à l'espèce humaine. Liberté et différence caractérisent donc l'homme.
B - GOUVERNER
Le latin gubernator signifie pilote. Il est donc question ici d'un maître : l'homme aurait besoin d'être dirigé. Mais par qui ? On dit d'un capitaine de vaisseau qu'il est le seul maître après Dieu : le maître des hommes peut-il être un autre homme ou doit-il être un Dieu ou une Idée ?
La notion contemporaine de gouvernement concerne la politique et l'Etat, donc la dimension du collectif soulignée par le pluriel "les hommes" : l'homme a-t-il besoin d'un gouvernement collectif ou peut-il s'orienter lui-même dans l'existence ?
II - L'ANALYSE DU PROBLEME
De fait, tous les hommes sont pris dans des hiérarchies contraignantes. Mais le sujet invite à mettre en question la nécessité d'un gouvernement. Mise en question ne signifie pas nécessairement remise en cause : il faut être attentif au terme "besoin". De quel besoin s'agit-il ? Du besoin de qui ? Un besoin s'éprouve, il est vécu par un sujet. Quelle expérience subjective atteste la réalité de ce besoin ? Ou bien le gouvernement des hommes n'est-il qu'une triste nécessité (pour assurer l'ordre) ? Ou bien encore, peut-on imaginer une société sans gouvernement ?
III - UNE DEMARCHE POSSIBLE
A - NI DIEU NI MAITRE
L'idéal anarchiste était de supprimer tout gouvernement. En effet, le pouvoir écrase l'individu qui perd sa liberté (sa capacité d'agir étant prise en charge par l'Etat) et sa singularité (chacun n'étant plus qu'un numéro dans l'ordre social). Enfin, le gouvernement mène à la division de l'humanité en deux classes : les gouvernants et les gouvernés (chair à canon lors de la dernière guerre mondiale ou consommateur chargé de faire augmenter la croissance et de maintenir la croyance aux Lois du Marché).
L'homme s'oppose donc à l'animal parce qu'il ne reçoit pas de règle de l'extérieur, d'une nature. Il est libre et ne peut donc tolérer un quelconque gouvernement. Cependant, même les anarchistes insistent sur l'importance de l'éducation : il faut cultiver, orienter sa liberté et sa faculté de raisonner. Souvent libraires ou imprimeurs autodidactes, les anarchistes allaient chercher la culture et le savoir... chez des maîtres faisant autorité.
La méfiance envers le pouvoir ne mène donc pas à la négation de toute direction de l'esprit. La liberté n'est qu'un possible indéfini qui s'actualise par la médiation d'un tiers, d'une autorité. La notion "d'autodidacte" semble donc contradictoire dans les termes : sans gouvernail, la liberté humaine se disperserait dans l'insignifiance.
B - L'HOMME EST UN ANIMAL QUI A BESOIN D'UN MAITRE
Cette formule de Kant indique que l'homme ressent un besoin d'être orienté. Même refusant l'emprise d'autrui, chaque individu, justement parce qu'il est libre, parce qu'il n'obéit pas naturellement à des règles instinctives, va chercher hors de lui le savoir et les règles de sa conduite (morale). Il faut donc ici distinguer deux sens du mot maître : celui qui dirige et celui qui oriente. La liberté nous fait sortir de tout ordre naturel, nous sommes selon la formule de Sartre, un "néant d'être". Nous ne savons pas qui nous sommes et nous nous cherchons en permanence. Cette recherche ne peut aboutir sans la médiation d'autrui.
Mais la formule de Kant signifie plus encore : par leur choix, les hommes suivent des chemins différents, voire opposés. La coexistence des hommes entre eux suppose donc une forme de gouvernement. La puissance publique conjure la dispersion des individus. Les hommes, non réglés par la nature, doivent se régler eux-mêmes, politiquement, ce qui suppose un gouvernement. Les hommes ont donc besoin d'un gouvernement pour vivre en communauté.
C - ALIENATION ET SATISFACTION DES BESOINS
Hobbes, comme Rousseau, insiste sur cette nécessité de l'aliénation. Les hommes à l'état de nature (hors Etat) ne sont pas protégés par la loi. Ils sont libres en un sens mais vivent dans la crainte permanente : c'est la loi du plus fort. En revanche, en aliénant leurs droits à l'Etat (tous en même temps), ils vivent dans un état de droit, qui leur permet d'accéder à la liberté civile. Liberté et Raison sont liées nécessairement chez l'homme. La liberté véritable suppose donc des règles, non reçues de la nature, mais qu'un peuple, collectivement, s'impose à lui-même. Rousseau insiste : en démocratie, le peuple est à la fois celui qui promulgue les lois et celui qui obéit aux lois. Ainsi, l'humanité n'est-elle pas divisée en classe tout en ayant besoin de la médiation de la loi. C'est ainsi seulement, en s'orientant collectivement vers un bien commun, que les besoins de chaque individu pourront être satisfaits.
IV - DES REFERENCES UTILES
V - LES FAUSSES PISTES
Attention à bien ancrer le développement dans une analyse du mot homme. Cela évite les réponses caricaturales : vive la liberté, ou vive un pouvoir fort !
VI - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR
Un sujet qui permet de réfléchir sur l'idéal anarchiste (discutable mais non réductible à l'apologie de l'anarchie) et sur la notion de liberté (qui n'est pas la jouissance tous azimuts).
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