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Annales gratuites Bac S : Le langage permet-il seulement de communiquer ?

Le sujet  1996 - Bac S - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
LE SUJET

Le langage permet-il seulement de communiquer ?

LE CORRIGÉ

I - LES TERMES DU SUJET

La notion de communication renvoie étymologiquement au fait "d'être en relation avec...", de "mettre en commun".

Le terme "langage" évoque spontanément le langage verbal, c'est-à-dire un système de signes codifiés à travers des langues particulières susceptibles d'être parlées ou écrites.

Mais, dans un sens plus large, il peut recouvrir tous les ensembles de signes qui permettent l'expression ou la communication. Ils peuvent être étroitement codifiés comme le langage informatique, ou peu comme les signaux corporels qui traduisent les émotions.


II - ANALYSE DU PROBLEME

On pourra se demander quel type de communication est possible à travers des formes différentes de langage puis si le langage verbal, qui fonde la possibilité d'un monde commun, n'est pas souvent :

- dévoyé pour devenir un instrument de pouvoir et de contrôle,

- appauvri au point de ne "mettre en commun" que des contenus dont la banalité et l'impersonnalité interdisent une véritable "mise en relation" avec autrui.


III - LES GRANDES LIGNES DE REFLEXION

On pourra procéder tour à tour en :

- Clarifiant certains aspects relatifs au champ spécifique du langage, et notamment la nature particulière et privilégiée du langage verbal.

- Mettant en relief le caractère équivoque de la notion de communication.

- Analysant de façon différenciée la communication verbale et non verbale.

- Enfin en mettant en évidence les fonctions du langage qui débordent ou dévoient sa fonction propre de communication.


IV - UNE DEMARCHE POSSIBLE

A - Si l'homme est souvent aujourd'hui défini comme "un être de langage", ce n'est pas parce que, à l'instar des animaux, il dispose de moyens pour communiquer avec ses congénères.

L'animal communique grâce à des moyens qui sont pour l'essentiel innés et déterminés dans leurs objectifs (en relation aux instincts).

L'homme apprend non seulement à parler une langue qui porte en elle un héritage culturel (une façon de structurer le monde de son expérience et de l'imprégner de significations), mais il baigne dès la naissance dans un univers de signes affectifs et sociaux (gestes de tendresse, rites d'appartenance à un groupe...).

Il est d'emblée pris dans des relations à autrui qui sont la condition de sa survie biologique mais aussi et surtout de son accès à une vie humaine.

Il doit devenir capable d'échanges avec autrui tant sur le plan affectif que social et culturel.


B - Le devenir humain de chaque homme, la communication avec autrui commencent bien avant l'apprentissage verbal (sourires, portage, jeu...).

Si l'on en croit ROUSSEAU le langage humain a d'abord été communication affective et spontanée.

Mais un tel langage, s'il met en relation deux êtres vivants, plusieurs sensibilités, ne leur permet ni une conscience différenciée d'eux-mêmes, ni l'accès à un monde de relations sociales déterminées, ni le développement d'une pensée structurée capable d'échanges avec autrui, d'héritages, de progrès.

L'homme s'inscrit donc dans un univers de signes et de relations beaucoup plus large que ce qu'engage le seul langage verbal.

Cet univers lui permet d'accéder au monde humain, d'accéder à l'exercice de la pensée, d'accéder à lui-même.

Le langage appris par l'enfant ne permet la communication que parce qu'il la présuppose, tant comme relation essentielle avec autrui que comme existence d'un monde commun déjà là (comme monde de la culture, des valeurs...).

La communication ne cessera jamais, au delà des mots de puiser dans les ressources du langage non verbal (regards, mimiques, gestuelle...).

Le sujet parlant ne cessera pas de décoder ou d'interpréter ces champs de signification que constituent les objets matériels légués par le passé, l'espace urbain ou la façon qu'a chacun d'organiser l'espace privé de son appartement...


C - Par la place privilégiée qu'il occupe, le langage verbal produit cependant des effets particuliers de communication qu'il importe de repérer parce qu'ils tendent à modeler nos relations à autrui :

- en les appauvrissant lorsque le caractère abstrait du mot doit exprimer des singularités (dans le registre des sciences, de l'affectivité...). Plus encore lorsque nous nous contentons de mobiliser leur signification la plus éculée et la plus impersonnelle.
On "communique" peut-être mais plus rien n'est alors véritablement "à communiquer". C'est le triomphe du code sur le message vivant.

- en les dévoyant de façon très habituelle lorsque la mise en relation par le langage est moins mise en commun qu'imposition d'une domination qui peut passer par l'ordre, par la manipulation séductrice, par la pression propagandiste des idéologies politiques.

- voire même en les rendant ambiguës, lorsque, notamment la communication repose sur l'ambivalence d'une parole qui, loin de traduire la pensée véritable d'un interlocuteur, la trahit au contraire.


V - QUELQUES REFERENCES POSSIBLES

PLATON, Le Gorgias où Socrate oppose à l'habileté inquiétante des sophistes les exigences d'un véritable dialogue.

ROUSSEAU, Essai sur l'origine des langues qui met l'émotion à l'origine du langage humain.

MERLEAU-PONTY, Phénoménologie de la perception et l'article sur "le langage indirect" dans sens et non-sens
où il distingue la parole morte et la parole vive.

E. BENVENISTE, Problèmes de linguistique générale dont les articles explorent les différentes dimensions de la signification à la lumière de la linguistique scientifique contemporaine.

J. HABERMAS, Théorie de l'agir communicationnel pour sa tentative de repenser l'éthique et les valeurs sociales sur la base d'une communication authentique.


VI - LES FAUSSES PISTES

- S'attarder sur un bavardage inconsistant à propos des média de masse.

- Se contenter de variations faibles sur le thème de l'incommunicabilité.


VII - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR

Ce sujet est classique par les distinctions qu'il impose quant aux fonctions du langage.

Mais il est aussi actuel dans une époque où l'impératif de communiquer tend à recouvrir l'interrogation sur ce qu'on communique et sur les relations humaines ainsi induites.

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