Le sujet 2007 - Bac Hôtellerie - Philosophie - Dissertation |
Avis du professeur :
C'est un sujet sur les échanges et leurs effets supposés sur
les relations entre les hommes. |
Les échanges favorisent-ils la paix ?
I – PRESENTATION DE LA QUESTION ET DE SES DIFFICULTES
Ce sujet porte sur la question des échanges. La question est
claire mais elle exige que l'on évite toute réponse précipitée, qu'elle soit
d'ailleurs positive ou négative.
Il ne s'agit donc pas tant de répondre à la question que d'examiner ce qui dans
les échanges peut être facteur de paix ou au contraire de conflits.
Si la réflexion peut être nourrie par de nombreux exemples, il est important de
définir ce qu'est un échange et de préciser de quelle façon on peut entendre la notion de paix.
Echanger, c'est maintenir, entretenir des liens avec
autrui. Les échanges ne peuvent donc pas se limiter à la seule sphère
des biens économiques. On échange aussi des idées en dialoguant avec autrui
mais nous entrons également en relation avec autrui par nos attitudes, nos
gestes, une communication non verbale mais parfois plus efficace que les mots.
La paix désigne l'état de concorde,
d'accord ou d'harmonie
qui règne entre des individus, des groupes (communautés, sociétés ou Etats).
On définit souvent la paix comme l'absence de conflit
comme si le conflit était premier, comme si la paix n'advenait que comme
dépassement de rivalités, de conflits ou de désaccords.
Mais on peut aussi définir la paix de façon positive comme l'accord, l'harmonie ou
encore la concorde. De ce point de vue, la paix
semble liée à un type de relation qui assure la réciprocité et l'égalité des
sujets.
II - LA PROBLEMATIQUE
Si l'échange est ce qui permet aux hommes d'établir un lien fondé sur l'intérêt, à quelles conditions peut-il favoriser la paix c'est-à-dire produire l'accord entre des intérêts qui peuvent être divergents ?
III - LES PISTES DE REFLEXION
● De prime abord, il
semble bien que l'échange s'oppose à la violence et au conflit.
En effet échanger, c'est acquérir un bien contre un autre, c'est se rendre
mutuellement service ou encore communiquer ses idées dans le cadre d'un
dialogue.
Il n'y a d'échange, au sens propre, que réfléchi et
concerté : ceux qui entrent dans une
relation d'échange, que celle-ci concerne des idées ou des biens, le font
toujours volontairement.
Ainsi les échanges semblent favoriser la paix parce
qu'ils instaurent entre les acteurs de l'échange une forme de réciprocité. Echanger suppose de reconnaître l'autre
comme mon égal parce que l'échange suppose une équivalence
des biens échangés ou l'examen de son point de vue dans la visée d'un
partage.
Mais si nous entrons dans des relations d'échange, ce n'est pas par pur
altruisme ou de façon gratuite. Il entre toujours en jeu pour chacun des
acteurs de l'échange un intérêt.
On peut alors se demander si l'échange est par nature en mesure de satisfaire
les intérêts de chacun ou s'il n'est pas aussi l'occasion
de faire surgir des divergences, des désaccords et des conflits d'intérêts
qui seraient demeurés invisibles si la relation d'échange ne les avaient pas révélés
ou même produits.
● Si donc l'échange ne favorise pas nécessairement
la paix, il importe d'examiner à quelles conditions un échange permet de dépasser, de résoudre les conflits qu'il
fait parfois apparaître.
IV - LES PISTES DE DEVELOPPEMENT
● On pouvait d'abord analyser en quoi les échanges apparaissent comme des facteurs de paix.
- Aristote montre ainsi dans l'Ethique à Nicomaque que c'est le besoin
qui conduit les hommes à entrer dans des relations d'échange. L'échange suppose
en outre l'équivalence des biens, des services ou des idées. L'échange permet
donc d'assurer une forme de réciprocité.
- L'échange crée ainsi des liens de dépendance réciproque qui doivent, en
principe, établir une forme d'égalité entre les acteurs de l'échange.
Quand j'échange un bien contre un autre, ils ont la même valeur. Quand je
dialogue avec autrui, je mets ses idées à l'épreuve de la critique, et
j'attends en principe qu'il en fasse de même afin que de la discussion puisse
surgir un accord réciproque fondé sur la raison.
● Il reste que les échanges sont aussi
facteur de discordes et de conflits.
- Si c'est notre intérêt qui nous conduit à échanger comme le montre Adam Smith
(Recherches sur les causes de la richesse des nations), l'échange repose sur la convergence de nos intérêts particuliers. Mais il peut aussi être la cause ou l'occasion de conflits d'intérêts dès que
c'est par exemple la visée du profit qui l'emporte dans l'échange. Marx a ainsi
montré comment le travail produit a plus de valeur que ce qu'en retire en
échange le travailleur (Le Capital, Livre I).
On pouvait aussi montrer comment dans l'échange des idées, c'est la volonté
d'avoir le dernier mot qui l'emporte sur celle d'avoir raison. Le dialogue
argumenté et raisonné fait alors place, comme le montre Platon dans le Gorgias,
à la sophistique : l'échange d'arguments rationnels laisse la place à
un combat d'opinions et à des techniques de persuasion qui ne visent plus
l'accord rationnel mais jouent sur le ressort des passions.
● Il faut donc penser les conditions d'un
échange qui assurent et visent tout à la fois l'accord et l'harmonie entre les
individus.
Aristote fait ainsi la distinction entre un échange qui vise l'intérêt commun
de celui qui vise l'intérêt particulier qu'il appelle "chrématistique".
L'échange n'est réciproque et facteur de concorde que s'il satisfait l'intérêt
de chacun des protagonistes.
● Dans la perspective du "commerce des idées", on pouvait se
référer à la manière dont Kant montre dans l'opuscule "Qu'est-ce que
s'orienter dans la pensée ?" que penser par soi-même suppose aussi de
communiquer en public ses pensées, autrement dit de penser aussi avec les
autres.