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Annales gratuites Bac Hôtellerie : Oeuvre d'art et intelligence

Le sujet  2008 - Bac Hôtellerie - Philosophie - Dissertation Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Un sujet sur l'art facile à comprendre mais qui demande de la subtilité et des connaissances artistiques pour illustrer son propos.
Un sujet facile pour des élèves cultivés.

LE SUJET


Peut-on aimer une œuvre d'art sans la comprendre ?

LE CORRIGÉ


I - la PRESENTATION DU SUJET

Le sujet ne présente pas de difficultés de compréhension. Il renvoie même à un problème que soulève souvent la rencontre avec les oeuvres d'art. Il est donc intéressant de faire référence à ses expériences à condition d'en faire une analyse précise et de ne pas se contenter de propos généraux.

II - l'Analyse du sujet

Il est donc question de l'expérience esthétique c'est à dire de la relation qu'a le spectateur avec les oeuvres d'art. Aimer une oeuvre d'art, c'est l'apprécier, éprouver un sentiment positif eu égard à la satisfaction, au plaisir qu'elle suscite. Il est important de préciser que l'on n'aime pas une oeuvre d'art comme on aime une personne ou un objet. L'analyse de cette distinction pourra constituer une étape utile pour avancer dans la réflexion. Comprendre c'est selon l'étymologie "compréhendere", saisir ensemble. Comprendre, c'est trouver un sens, une signification ou interpréter. On distingue la compréhension de l'explication (cf. la liste des repères).
Comprendre, c'est dégager un sens qui peut être conforme ou non à l'intention de l'artiste.
Expliquer est au sens large synonyme de comprendre. Mais dans un sens strict, l'explication suppose de déterminer la cause ou la raison d'un phénomène ou les lois qui permettent d'en rendre compte. L'explication concerne donc dans ce cas les phénomènes physiques, quand il s'agit de productions humaines (événements historiques, oeuvres d'arts) on parle plutôt de compréhension.

Il s'agit donc d'examiner si on peut apprécier une oeuvre d'art sans en avoir saisi le sens.
Pourquoi cette question se pose-t-elle ?
On pense souvent qu'on ne peut aimer que ce qu'on comprend, ce dont on saisit le sens. Tout se passe comme si dans le cas d'une oeuvre d'art, il fallait pour que nous puissions l'apprécier, que nous ayons le sentiment, réel ou illusoire, peu importe, qu'elle ait un sens. A l'inverse, lorsqu'une oeuvre demeure obscure, nous éprouvons des difficultés à ressentir un authentique plaisir esthétique. Nous sommes souvent rebutés par des oeuvres dont le sens nous échappe.
L'expérience que nous offre l'art contemporain est particulièrement signifiante : il ne suscite bien souvent que du rejet parce qu'il va contre les attentes et les habitudes du public non initié. Il semble en effet difficile d'apprécier ou même de s'intéresser à ce que l'on ne comprend pas. Il faudrait alors penser que la compréhension des oeuvres pourrait inverser cette relation négative et permettre au spectateur de passer du rejet à un sentiment plus positif, voire même à une forme de plaisir esthétique.

Mais on pourrait aussi bien dire que ce qui fait précisément l'intérêt des oeuvres d'art, c'est qu'elles résistent toujours à une compréhension totale. Ainsi, n'a-t-on jamais épuisé le sens d'un poème ou d'une cantate : chaque nouvelle lecture, chaque nouvelle écoute est l'occasion de découvrir une dimension de l'oeuvre jusqu'ici encore inaperçue. Si l'on comprenait un tableau dès la première rencontre, quel sens y aurait-il à y revenir ? Une oeuvre d'art n'est pas semblable à un énoncé scientifique, parfaitement transparent et univoque et c'est peut-être là que résident sa spécificité et son intérêt.

III - La problématique du sujet

Il faut donc commencer par examiner la thèse qui est interrogée : aimer une oeuvre suppose qu'on la comprenne. La compréhension apparaît alors comme une condition nécessaire de l'appréciation esthétique.
Mais elle n'est peut-être pas une condition suffisante, au sens où je peux comprendre une oeuvre d'art et ne pas l'apprécier. Si la compréhension est requise pour qu'il y ait un sentiment positif, un plaisir esthétique, il faut examiner en quoi consiste cette compréhension.
Qu'est-ce que comprendre une œuvre d'art ? Et à quoi cette compréhension rend-elle possible ou facilite-t-elle le sentiment esthétique ?
Ne pourrait-on pas aussi dire, a contrario, que ce qu'on comprend met fin à l'intérêt que l'on manifeste pour quelque chose. On observe en effet souvent que ce qui excite la curiosité, c'est l'inconnu, ce qui suscite un questionnement.
Dans cette perspective, il faudrait plutôt affirmer que c'est parce qu'elle oppose une résistance à une compréhension globale et achevée que l'œuvre d'art peut susciter notre intérêt et nous donner l'expérience d'un plaisir à la fois sensible et intellectuel.

IV - quelques pistes de reflexion

1.
On pourrait partir de l'idée que les œuvres d'art ont souvent suscité au moment de leur apparition le rejet : parce qu'elles défiaient les canons en vigueur ou transgressaient les règles du beau. Déconcertantes ou provocantes, les œuvres d'art ne suscitent que la réprobation ou le rejet. L'Olympia de Manet a choqué autant par son sujet que par son style quand elle a été présentée au public. Elle est maintenant reconnue comme un chef d'œuvre et comme un tournant dans l'histoire de l'art. Est-ce à dire que la réception des œuvres d'art et leur compréhension évolue ? N'y a-t-il pas là l'indice d'une radicale relativité du goût, de l'appréciation esthétique ?

2.
Plus que la compréhension (du sens) d'une œuvre d'art, c'est sa conformité aux règles et aux habitudes artistiques d'une époque qui semble être déterminante. Comment peut-on prétendre avoir compris une œuvre d'art ? Et s'agit-il d'abord de la comprendre ?
Ce qui définit l'art, c'est qu'il est, comme le montre Hegel dans l'Esthétique, la manifestation sensible de l'Idée. Il est donc, à raison même de cette dimension sensible, équivoque ou plurivoque, jamais réductible à une signification. Il y a bien du sens dans l'œuvre d'art mais il ne se donne jamais de façon instantanée et définitive.

3.
On pourrait même aller jusqu'à dire avec Platon (République, X) que l'œuvre d'art est ce qui ne nous offre qu'une représentation illusoire de la réalité et qu'elle est par essence trompeuse. Dans cette perspective, toute tentative de compréhension de l'œuvre d'art est vouée à l'échec.

4.
Faut-il alors renoncer à comprendre l'œuvre d'art, se laisser prendre par le jeu des formes et des couleurs ou l'arrangement des sons ? Une telle perspective s'expose à réduire le plaisir esthétique à un plaisir strictement sensible. Il y a, outre cette présence sensible de l'œuvre d'art, une dimension signifiante, un sens flottant qu'il revient au spectateur de construire ou de découvrir.
On fait alors l'expérience de ce que plus on comprend l'œuvre d'art, plus on l'apprécie. Mais il aura fallu accepter d'abord qu'elle se refuse à une communication immédiate et transparente.

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