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Annales gratuites Bac Hôtellerie : Texte de Kant

Le sujet  1998 - Bac Hôtellerie - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique Imprimer le sujet
LE SUJET

"On pose la question de savoir si l'homme est par nature moralement bon ou mauvais. Il n'est ni l'un ni l'autre, car l'homme par nature n'est pas du tout un être moral ; il ne devient un être moral que lorsque sa raison s'élève jusqu'aux concepts du devoir et de la loi.

On peut cependant dire qu'il contient en lui-même à l'origine des impulsions menant à tous les vices, car il possède des penchants et des instincts qui le poussent d'un côté, bien que la raison le pousse du côté opposé.

Il ne peut donc devenir moralement bon que par la vertu, c'est-à-dire en exerçant une contrainte sur lui-même, bien qu'il puisse être innocent s'il est sans passion.

La plupart des vices naissent de ce que l'état de culture fait violence à la nature et cependant notre destination en tant qu'homme est de sortir du pur état de nature où nous ne sommes que des animaux."

KANT


QUESTIONS

1. Dégager l'idée principale du texte et les étapes de son argumentation.

2. Expliquer ce que signifie :

a. "L'homme par nature n'est pas du tout un être moral."

b. "Il possède des penchants et des instincts qui le poussent d'un côté bien que la raison le pousse du côté opposé."

c. "L'état de culture fait violence à la nature."

d. "Innocent" dans le contexte.

3. Etre moral, est-ce contrarier ou suivre sa nature ?

LE CORRIGÉ

I - DEGAGEZ L'IDEE PRINCIPALE DU TEXTE ET LES ETAPES DE SON ARGUMENTATION

Le problème posé par le texte est celui du statut de la moralité en l'homme : est-ce une donnée naturelle, ou une acquisition de la culture ?

La réponse de KANT est à la fois simple et difficile : la moralité apparaît seulement avec le développement culturel de l'humanité, mais la qualité morale proprement dite ne se ramène pas à une propriété d'essence culturelle.

La vertu fait appel à des ressources spécifiques en l'homme : la raison pratique, c'est-à-dire la raison dans son rôle de formulation des concepts moraux, que sont "le devoir et la loi".


Le texte se décompose en trois moments :

1 - jusqu'à "de la loi" :
KANT énonce sa thèse principale en réponse à une question classique.

2 - Pourquoi l'homme peut-il être dit mauvais par nature ?
De "on peut" à "sans passion".

3 - La destination de l'homme est de passer du vice à la vertu.


1 - La question est traditionnelle : l'homme est-il naturellement bon ou mauvais au sens de la qualité "morale", c'est-à-dire de l'aptitude à juger et à faire le bien et le mal ?

La réponse de KANT peut sembler une fuite devant la question : "ni l'un ni l'autre", répond-il.
En réalité, la position de KANT est forte et claire : il s'agit de transplanter le statut moral de l'homme sur un tout autre plan, dans celui de la liberté qui est à l'initiative de l'action vertueuse et dans celui de la raison qui produit les catégories fondamentales dont se sert la moralité.

2 - Une nuance est apportée : si l'on peut "dire" - le terme est important, car il indique qu'il ne s'agit pas pour KANT d'une affirmation ontologique sur la nature de l'homme - que l'homme est mauvais, qu'il a en lui des "impulsions menant à tous les vices", c'est que l'homme en effet subit la présence en lui de "penchants et d'instincts" qui empêchent sa raison morale de s'exprimer pleinement, l'obligeant à mener un véritable combat - vertueux - contre les tendances au mal, et aux actions vicieuses.

3 - KANT ajoute une remarque sur l'origine des vices : si le vice prend racine dans la constitution anthropologique de l'espèce humaine, c'est néanmoins la sortie de l'état de nature qui produit le développement des vices en l'homme.

KANT retrouve ici très fortement une analyse déjà élaborée par ROUSSEAU dans le Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité entre les hommes.


II - A

"L'homme par nature n'est pas du tout un être moral".

La moralité est un caractère de la raison qui n'est pas de l'ordre de la nature, c'est-à-dire du déterminisme et de la sensibilité, mais qui n'est pas non plus, comme le précise la suite du texte, de l'ordre de la culture, qui est elle-même soumise à des déterminismes propres, notamment économiques.

II - B

"Il possède des penchants et des instincts qui le poussent d'un côté bien que la raison le pousse du côté opposé."

Cette phrase décrit la lutte qui se mène en l'homme entre sa raison, qui formule la loi fondamentale et universelle de l'action morale, et les intérêts particuliers, d'origine sensible, voire sensuelle, qui poussent l'homme à rechercher à tout prix, et même au prix du respect moral d'autrui, la satisfaction de désirs ou de buts individuels.

II - C

"L'état de culture fait violence à la nature".

Inspiré ici par ROUSSEAU, KANT désigne par cette formule le déséquilibre introduit en l'homme par l'abandon de ses critères et repères naturels, remplacés par ceux plus complexes de la société et des relations humaines multiples qu'elle induit.

Le progrès pour l'homme sera, non de retourner à l'état de nature, mais d'instaurer le règne de la raison.

II - D

"innocent", dans le contexte, ne signifie pas : non coupable d'une faute qui a été commise, mais : non susceptible d'être jugé vertueux ou vicieux, parce que n'ayant pas mis en oeuvre les ressources propres de sa raison pratique.


III - ETRE MORAL, EST-CE CONTRARIER OU SUIVRE SA NATURE ?

Une première impression, qu'il faudra peut-être dépasser, donne une image répressive de la pensée morale kantienne.

Etre moral, ce serait de s'opposer à tout ce qui en nous relève de la nature, c'est-à-dire des désirs sensibles.
La satisfaction des désirs serait une faute.

La position de KANT est en réalité une autre : ce ne sont pas les désirs naturels qui sont mauvais, mais leur interférence aveugle et arbitraire avec des fins et des projets humains qui devraient, pour être menés à bien, être posés et poursuivis pour eux-mêmes.

On peut percevoir encore, dans cette position mesurée, quelques relents de répression des corps désirants.

On peut soutenir, alors, que la moralité consiste surtout, et au contraire, à laisser s'exprimer sa nature individuelle.
Cela n'est pas faux mais il faut alors ajouter deux conditions :

1 - L'individu doit alors connaître et d'abord découvrir quelle est sa propre nature individuelle, ce qui peut amener à une longue et difficile quête de soi, visant l'authenticité comme but.

2 - Le simple fait d'exprimer authentiquement sa propre nature est sans doute une condition nécessaire, mais non suffisante de l'action morale complète : encore faut-il que cette expression soit en accord avec les contraintes formelles énoncées par KANT, à savoir le respect de l'humanité en moi-même et en autrui.

On voit alors que l'authenticité n'a de sens qu'à travers une démarche - qui peut paraître contradictoire - de formation et de transformation de soi ; démarche qu'on peut appeler éducation.

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