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Annales gratuites Bac Hôtellerie : Texte de Rousseau

Le sujet  2000 - Bac Hôtellerie - Philosophie - Commentaire d'un texte philosophique Imprimer le sujet
LE SUJET

Renoncer à sa liberté c'est renoncer à sa qualité d'homme, aux droits de l'humanité, même à ses devoirs. Il n'y a nul dédommagement possible pour quiconque renonce à tout. Une telle renonciation est incompatible avec la nature de l'homme, et c'est ôter toute moralité à ses actions que d'ôter toute liberté à sa volonté. Enfin c'est une convention vaine et contradictoire de stipuler (*) d'une part une autorité absolue et de l'autre une obéissance sans bornes. N'est-il pas clair qu'on n'est engagé à rien envers celui dont on a droit de tout exiger, et cette seule condition, sans équivalent, sans échange n'entraîne-t-elle pas la nullité de l'acte ? Car quel droit mon esclave aurait-il contre moi, puisque tout ce qu'il a m'appartient, et que son droit étant le mien, ce droit de moi contre moi-même est un mot qui n'a aucun sens ?

ROUSSEAU

(*) stipuler : affirmer

QUESTIONS :

1) Dégagez l'idée générale du texte et la structure de son argumentation.

2) Expliquez :
"N'est-il pas clair qu'on n'est engagé en rien envers celui dont on a droit de tout exiger ?"

3) En quoi toute forme d'esclavage est-elle contraire au droit ?

LE CORRIGÉ

I - LA THESE DU TEXTE

La liberté est inaliénable : renoncer à sa liberté, c'est renoncer à tout : ses droits, ses devoirs et sa qualité d'homme.

Rien ne peut compenser cette perte, et on perd beaucoup plus que sa liberté en renonçant à la liberté. Car ce qui est engagé, c'est aussi la volonté, qui est condition de la moralité de nos actions, et la possibilité même du droit, c'est-à-dire de contrats entre deux personnes libres.

II - LES ETAPES DE L'ARGUMENTATION

Rousseau énonce sa thèse dans la première ligne, il va ensuite en développer toutes les implications dans le reste du texte.

Renoncer à sa liberté, c'est renoncer à tout. Ce qui fait notre humanité, pour Rousseau, c'est notre liberté bien plus que notre intelligence.

Renoncer à sa liberté, c'est donc se ravaler au rang de l'animal. C'est également renoncer aux "droits de l'humanité et même à ses devoirs", ce qu'il va développer dans la suite du texte.

Il insiste d'abord sur la première idée : la liberté est inaliénable, quel que soit l'aspect d'où l'on examine la question : en effet, et c'est le premier argument, parce que rien ne peut compenser sa perte.

Aucune somme d'argent, aucune promesse de sécurité n'équivaut à la liberté, ne peut être "échangée" contre la liberté.

Il y a une incommensurabilité de la liberté, qui est irréductible à toute autre valeur.

Ensuite, parce qu'un tel renoncement serait contradictoire avec la nature de l'homme. En particulier, l'homme est le seul animal dont les actions aient une valeur morale : un animal ne peut être jugé, encore moins condamné.

En effet, ses actions ne relèvent pas d'un choix libre de la volonté, mais des nécessités de l'espèce. Liberté et moralité sont donc liées de manière nécessaire. Si nous retirons la dimension libre de la volonté humaine, nous renonçons donc aussi à la valeur morale des actes, à la possibilité de les juger.

Nos actes deviennent semblables à ceux de l'animal : sans valeur. Nous renonçons du même coup à nos "devoirs" envers la communauté.

Mais nous renonçons aussi aux droits, à la possibilité même du droit.

Car ce qui fonde le droit, c'est le contrat entre des personnes libres. Il serait contradictoire, affirme Rousseau, de postuler un lien de droit entre deux personnes dont l'une au moins ne serait pas libre.

Dans ce texte, Rousseau a donc argumenté la thèse énoncée initialement, insistant successivement sur trois points : l'incommensurabilité de la liberté qui en fait une qualité irréductible ; la dimension morale de nos actions qui suppose cette même liberté comme condition ; enfin, la liberté comme condition du droit.

III - EXPLICATION

Ici Rousseau examine une notion difficile, qui est au cœur de la notion de droit. Il y a nullité de l'acte lorsque les deux contractants n'ont pas les mêmes droits, et surtout, lorsqu'ils n'ont pas la même liberté.

Le droit suppose une réciprocité et une égalité des deux parties. En effet, je ne peux être "engagé", pour reprendre le terme de Rousseau, qu'envers un homme qui dispose des mêmes libertés que moi.

Il n'y a aucun "engagement" envers une chose, on n'est jamais engagé que face à, ou plutôt avec quelqu'un.

Si cet "autre" qu'est le contractant n'a aucun droit, me doit une "obéissance sans bornes", et ne possède que "ce qui m'appartient", comment alors penser un contrat ou une relation de droit ?

Il n'y a droit que si les deux personnes engagées sont libres d'elles-mêmes, de leurs actes. Ici, il faut bien comprendre ce terme de "droit". On pourrait dire : "je suis le maître, j'ai des droits sur lui". Or, ce serait une contradiction dans les termes, car "droits" signifierait "pouvoir" dans ce cas.

Le droit dont parle Rousseau, c'est bien cette possibilité, au contraire, de contrat entre deux personnes également libres. C'est pourquoi on ne peut prétendre établir une valeur de droit entre une personne libre et une autre qui ne l'est pas, c'est-à-dire entre le maître et l'esclave, car alors il manquerait une des deux parties contractantes : on ne peut passer contrat avec… personne.

IV - ESSAI

L'esclavage est donc contraire au droit. L'esclavage se caractérise précisément par l'absence de liberté.

Si je suis privé de liberté, je ne peux entrer dans une relation de droit qui suppose, au contraire, l'égalité des parties.

Il n'y a pas de forme d'esclavage plus acceptable qu'une autre, une forme que l'on pourrait insérer dans le droit… Ici, on pouvait examiner les formes "modernes" d'esclavage et les soumettre à l'analyse de Rousseau.

Ce qui est donc en jeu dans cette question, c'est la nature même du droit et des relations qu'elle suppose entre les hommes, en même temps que l'impossibilité de tolérer n'importe quelle forme d'esclavage. L'esclavage est par nature contraire au droit, qui ne peut se penser qu'entre hommes libres.

V - DES REFERENCES UTILES

Rousseau : Le Contrat social

VI - LES FAUSSES PISTES

… Les contresens, bien sûr, et confondre la question de droit avec la question de fait.

Ici, des exemples concrets pouvaient aider à comprendre le sens du texte mais ne pouvaient se substituer à la compréhension du raisonnement élaboré par Rousseau.

VII - LE POINT DE VUE DU CORRECTEUR

Un thème classique qui aborde les notions de droit et de liberté, toutes deux au programme, mais au travers d'un texte difficile à analyser.

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