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Annales gratuites Bac ES : Durkheim et les faits sociaux

Le sujet  2008 - Bac ES - Sciences Economiques et Sociales - Questions Imprimer le sujet
Avis du professeur :

Le sujet porte sur un des auteurs et un des concepts fondamentaux de la sociologie en illustrant "le fait social" de Durkheim par un exemple assez simple à saisir (le tatouage, le piercing).
Il s'agit d'un sujet facile et très classique que vous pouvez traiter sur la base de connaissances de base tirées du cours.

LE SUJET

THÈME DU PROGRAMME : Lien social et intégration

Document 1

Quand je m'acquitte de ma tâche de frère, d'époux ou de citoyen, quand j'exécute les engagements que j'ai contractés, je remplis des devoirs qui sont définis, en dehors de moi et de mes actes, dans le droit et dans les mœurs. Alors même qu'ils sont d'accord avec mes sentiments propres et que j'en sens intérieurement la réalité, celle-ci ne laisse pas d'être objective ; car ce n'est pas moi qui les ai faits, mais je les ai reçus par l'éducation. De même, les croyances et les pratiques de sa vie religieuse, le fidèle les a trouvées toutes faites en naissant ; si elles existaient avant lui, c'est qu'elles existent en dehors de lui. Voilà donc des manières d'agir, de penser et de sentir qui présentent cette remarquable propriété qu'elles existent en dehors des consciences individuelles.
Non seulement ces types de conduite ou de pensée sont extérieurs à l'individu, mais ils sont doués d'une puissance impérative et coercitive en vertu de laquelle ils s'imposent à lui, qu'il le veuille ou non. [...]
Voilà donc un ordre de faits qui constituent une espèce nouvelle et c'est à eux que doit être donnée et réservée la qualification de sociaux. Elle leur convient ; car il est clair que, n'ayant pas l'individu pour substrat, ils ne peuvent en avoir d'autre que la société.

Emile DURKHEIM, Les règles de la méthode sociologique, Flammarion,
coll. "Champs", [1895], 1988.

Document 2

Dans de nombreuses sociétés traditionnelles, le tatouage a une valeur identitaire, il dit au coeur même de la chair l'appartenance du sujet au groupe. Au sein de ces sociétés, la lecture du tatouage indique un statut et proclame son affiliation à une totalité symbolique. Impossible de se fondre dans le groupe sans ce travail d'intégration que les signes cutanés impriment dans la chair. [...]
Dans nos sociétés, c'est la dimension esthétique qui compte d'abord. La marque est une décision personnelle n'influant en rien sur le statut social. Elle est une affirmation de l'irréductible individualité. Elle dit sa dissidence d'individu, là où le membre d'une société traditionnelle proclame son affiliation au sein d'une totalité à laquelle il ne saurait se soustraire sans perdre son identité. [...]

David LE BRETON, "Tatouages et piercings... un bricolage identitaire ?"
Sciences Humaines, 132, novembre 2002.

QUESTIONS

1. Quelles sont les caractéristiques du fait social selon Durkheim ? (Document 1) (8 points)

2. Donnez en les justifiant deux exemples de faits sociaux, différents de ceux du texte. (Document 1) (6 points)

3. Peut-on considérer le tatouage comme un fait social ? (Document 2) (6 points)

LE CORRIGÉ


I – ELEMENTS DE REPONSE AUX QUESTIONS

Question 1

Emile Durkheim définit le fait social comme l’objet d’étude de la sociologie. Il est d’abord caractérisé par son origine, il provient de la société et n’est donc pas lié au choix ou à la conscience des individus. Les faits sociaux constituent des réalités existant hors de l’individu, ils lui dictent ses comportements et même ses pensées sans qu’il en ait nécessairement conscience. Les faits sociaux expliquent la façon dont les individus réfléchissent et agissent puisque ceux-ci sont conditionnés par l’environnement dans lequel ils sont nés, ont grandi, ont été éduqués puis vivent.
Ce concept est au cœur de la sociologie holiste de Durkheim selon laquelle on doit d'abord étudier la société pour comprendre les agissements des individus.

Question 2

Le premier exemple que nous prendrons concerne l’habillement. Les vêtements que porte tel ou tel individu peuvent apparaître comme essentiellement liés à ses goûts et donc à ses choix personnels. En réalité, la façon dont chacun s’habille dépend de contraintes sociales : on s’habille en fonction de son âge, de son sexe, de son métier et de la situation dans laquelle on se trouve (une sortie entre amis, un entretien d’embauche, un mariage…). Les goûts vestimentaires sont très fortement influencés par l’éducation (familiale et scolaire), par les codes sociaux (son groupe d’appartenance, sa génération) et par la mode.

Le second exemple est le suicide dont Durkheim a présenté une célèbre étude illustrant sa méthode d’étude des faits sociaux. S’il s’agit évidemment d’un acte individuel qui renvoie notamment à l’état psychique, Durkheim a montré en s’appuyant sur une vaste étude statistique que le cadre social et la position dans la société permettaient d’une part d’expliquer la plus ou moins grande tendance à se suicider et d’autre part de distinguer différents types de suicides.
On aurait pu prendre, parmi d’autres, les exemples du mariage (et la force de l’homogamie sociale), des goûts musicaux ou du choix du métier.

Question 3

On peut en effet considérer le tatouage comme un fait social. Comme le dit l’auteur de l’article, on constate que la signification du tatouage et les raisons poussant des individus à se tatouer sont très différentes d’une société à une autre. Dans les sociétés traditionnelles, le tatouage apparaît comme une obligation pour marquer son appartenance au groupe. Dans les sociétés modernes, comme la société française actuelle, se tatouer sert au contraire à marquer une identité dissidente et à montrer qu’on n’est pas comme les autres.
Dans les deux cas, les moteurs sont sociaux et indépendants des consciences individuelles. Dans le second cas, la part de choix individuel paraît pourtant plus décisive. En réalité, cela s’explique par un autre fait social, à savoir la place plus importante accordée à l’individualisme comme une valeur montante. Dans les sociétés modernes, le fait de se distinguer est une façon admise de s’intégrer.

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