Le sujet 2007 - Bac ES - Sciences Economiques et Sociales - Dissertation |
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Avis du professeur :
Le sujet porte sur les explications de l'exclusion sociale
aujourd'hui. |
Il est demandé au candidat :
- de répondre à la question posée explicitement ou implicitement dans le
sujet ;
- de construire une argumentation à partir d'une problématique qu'il devra
élaborer ;
- de mobiliser des connaissances et des informations pertinentes pour le
traiter le sujet, notamment celles figurant dans le dossier ;
- de rédiger en utilisant un vocabulaire économique et social spécifique et
approprié à la question, en organisant le développement sous la forme d'un plan
cohérent qui ménage l'équilibre des parties.
Il sera tenu compte, dans la notation, de la clarté de l'expression et du soin
apporté à la présentation.
Comment peut-on expliquer l'exclusion sociale aujourd'hui ?
Document 1
Les emplois précaires, à durée déterminée, l'intérim, les emplois
à temps partiel imposés, les emplois les plus mal payés se sont multipliés et,
même quand ils permettent d'éviter la misère la plus noire, ils interdisent
toute installation dans la société, tout projet de vie un peu établi puisque
les individus sont à la merci des évènements. C'est dans ces groupes-là que les
accidents de la vie, la maladie, la séparation familiale, peuvent avoir des
conséquences catastrophiques. [...]
On peut légitimement parler d'exclusion et de dualisation quand les problèmes
de chômage, de précarité, de pauvreté se superposent dans les mêmes groupes et
se renforcent mutuellement, créant ainsi de véritables ensembles sociaux. Pour
le dire simplement, on peut cerner toute une série de facteurs dont l'addition
fait passer de l'autre côté, du côté de l'exclusion.
Source : François Dubet, "Inclus/exclus : une
opposition pertinente ?",
In Cahiers français n°314, mai-juin 2003.
Document 2
Source : D'après J. Bremond, A. Geledan, Dictionnaire des Sciences
Economiques et Sociales, éditions Belin, 2002.
Document 3
Au-delà du cercle familial, l'ensemble des relations
sociales est perturbé par le chômage. D'abord, parce que beaucoup de ces
relations s'étaient construites à partir du travail et qu'elles vont s'étioler1
rapidement [...]. Conscients de leur dévalorisation, de la suspicion qui,
plus ou moins ouvertement, les entoure, les chômeurs auront tendance à rompre
volontairement les relations sociales qui risquent d'être marquées par
l'indifférence, la commisération2, le mépris ou la crainte d'une
demande d'aide. La rupture s'observe non seulement dans les rapports
interindividuels mais plus encore dans toutes les formes de participation à la
vie sociale, qu'il s'agisse du militantisme politique ou syndical ou de la
participation à la vie associative.
[...] Nous n'avons pas insisté, tant le fait est évident, sur les difficultés
financières auxquelles se heurtent les chômeurs. L'allongement des durées de
chômage et les restrictions apportées aux régimes d'indemnisation font se
multiplier des situations qui débouchent sur l'extrême pauvreté.
Source : Jacques Freyssinot, Le chômage,
Repères, La Découverte, 10è édition, 2002.
1 s'affaiblir
2 pitié.
Document 4
Indicateurs de la pauvreté et de l'exclusion en France en %
|
En 2002 |
Pauvreté |
|
Taux de pauvreté de la population : part des individus vivant dans un ménage dont le revenu est inférieur à 60% du revenu médian |
12,2 |
Taux de pauvreté de la population en emploi : par des individus en emploi vivant dans un ménage dont le revenu est inférieur à 60% du revenu médian1 |
8,0 |
Minima sociaux |
|
Persistance dans le RMI (présence supérieure à 3 ans) |
48,7 |
Non accès aux droits fondamentaux |
|
Taux de renoncement aux soins pour raisons financières |
11,2 |
Taux de sortants du système scolaire à faible niveau d'études |
13,4 |
Taux de demandeurs d'emploi non indemnisés |
36,5 |
Part des demandes de logement social non satisfaites après un an. |
33,6 |
Source : Observatoire national de la pauvreté et de
l'exclusion sociale, Rapport 2005-2006, Paris,
La Documentation française, 2006.
1 Donnée 2001
Document 5
La participation concrète des individus à la vie collective peut être analysée selon deux axes principaux : celui qui définit leur rapport à l'emploi et à la protection sociale ; celui qui traduit l'ensemble de leurs échanges et de leurs relations sociales dans la famille. [...] Or, on a assisté, au cours des deux dernières décennies, d'une part, à la fin d'une organisation économique qui garantit le plein emploi, et, d'autre part, à la désinstitutionnalisation des relations familiales et, en conséquence, à l'affaiblissement des solidarités entre les membres de la famille. Sans doute l'appui familial permet-il souvent aux individus de traverser une période difficile : les parents continuent à loger leurs enfants adultes qui ne trouvent pas d'emploi, des membres de sa famille aident parfois financièrement le chômeur, le soutiennent par des prestations en nature ou mobilisent leurs relations pour lui retrouver un emploi. Mais il s'agit toujours de décisions personnelles dont beaucoup ne bénéficient pas. Ces évolutions globales de la structure sociale se traduisent, au niveau des individus, par un risque accru de la naissance de processus d'exclusion [...].
Source : Dominique Schnapper, L'exclusion, l'état des
savoirs, sous la direction de Serge Paugam,
Editions La Découverte, 1996.
Document 6
Pauvreté après transferts selon les situations d'emploi et la composition familiale en 2004.
|
|
Taux de pauvreté monétaire (après transferts) |
Personnes seules sans enfant |
Chômage dominant |
40% |
Emploi à temps incomplet |
13% |
|
Emploi annuel à temps complet |
3% |
|
Actifs vivant en couple sans enfant |
Deux chômeurs ou un chômeur et un inactif |
31% |
Deux emplois annuels à temps complet |
2% |
|
Chefs de famille* monoparentale |
Chômage dominant |
37% |
Emploi à temps incomplet |
14% |
|
Emploi annuel à temps complet |
3% |
|
Actifs vivant en couple avec enfant(s) |
Deux chômeurs ou un chômeur et un inactif |
50% |
Deux emplois annuels à temps complet |
2% |
Champ : ensemble des actifs appartenant à des ménages dont le revenu primaire est positif ou nul. Sont exclus les actifs en couple avec un retraité ou hébergés dans un autre ménage.
Source : Insee - DGI, Enquêtes Revenus fiscaux 2001, actualisée 2004.
I - L'ANALYSE ET LES DIFFICULTES DU SUJET
● On vous demande de réfléchir
sur les causes de l'exclusion sociale. Le
thème est abordé dans le programme sous plusieurs aspects:
"Intégration et solidarité" avec
notamment la réflexion sur le lien social, mais aussi "Travail et emploi" où
sont posées les questions du chômage et de la précarité des emplois.
● Vous devez faire apparaître les différents facteurs de l'exclusion
sociale, sans oublier qu'ils sont autant économiques que sociaux.
● Les documents vous rappellent bien ces deux dimensions du sujet en
croisant des statistiques et des analyses qui ne présentent pas de difficultés
particulières. Il vous faudra prendre garde à ne
pas confondre les causes de l'exclusion et ses
conséquences, même si les phénomènes sont évidemment liés.
II – LA PROBLÉMATIQUE
La montée de l'exclusion sociale dans
nos sociétés modernes est le phénomène marquant des années 80. Au delà de l'appauvrissement d'une partie de
la population, les difficultés économiques et sociales se sont traduites par
une véritable mise à l'écart des individus les plus fragiles.
Comprendre ce phénomène suppose d'en analyser les facteurs, autant liés à la
crise de l'emploi
qu'à une détérioration des liens sociaux
traditionnels.
III – LES OUTILS : SAVOIRS ET SAVOIR-FAIRE
a - Les connaissances utiles
● La montée du chômage depuis
les années 80 ;
● La montée de la précarité de l'emploi: les emplois atypiques: CDD,
intérim, temps partiel... ;
● La politique sociale en France ( et dans d'autres pays) ;
● La crise de l'Etat providence ;
● L'évolution de la famille: baisse des mariages, célibat et divorces en
hausse ;
● La mono-parentalité ;
● Les relations familiales intergénérationnelles ;
● Le système d'assurances sociales, les doits sociaux: indemnisation
chômage, RMI, CMU... ;
● L'évolution de la protection sociale ;
● Le seuil de pauvreté ;
● Les inégalités sociales ;
● La crise du lien social.
b - Quelques repÈres pour bien traiter les documents
Document 1 : François Dubet évoque les conséquences pour les individus de la précarisation des emplois. Pour les groupes sociaux déjà fragilisés à l'égard de l'emploi, les conséquences des ruptures familiales ou les problèmes de santé sont encore plus dramatiques. Les facteurs d'exclusion ont tendance à se focaliser sur les mêmes personnes.
Document 2 : Le schéma met clairement en évidence les interactions entre les différentes causes de l'exclusion. La perte des liens sociaux peut trouver son origine dans la perte d'emploi, la maladie ou les ruptures familiales. En outre, le chômage de longue durée, la réduction des prestations sociales (chômeurs en fin de droits par exemple) réduisent les revenus des personnes concernées. La pauvreté, conjuguée à l'isolement, accentue les risques d'exclusion.
Document 3 : Jacques Freyssinet insiste sur les conséquences du chômage. Pour lui le travail intègre l'individu dans un ensemble de relations sociales et lui donne une certaine dignité. La perte d'emploi risque de provoquer des ruptures dans ces relations et d'affaiblir l'implication des personnes dans la vie sociale : vie politique, syndicale, associative...
Document 4 : Les statistiques proposées permettent de mesurer la pauvreté et l'exclusion en France en 2002. Les indicateurs sont variés. Par exemple : 12,2% des personnes sont en dessous du seuil de pauvreté, près de la moitié des allocataires du RMI le sont depuis plus de 3 ans, plus du tiers des chômeurs ne reçoivent pas d'indemnités.
Document 5 : Domnique Schnapper situe l'origine de l'exclusion dans nos sociétés à la fois dans les difficultés de l'emploi et dans la crise des relations familiales. En cas de chômage, la famille constitue pour beaucoup un refuge, un soutien. Les solidarités familiales jouent donc un rôle d'amortisseur des difficultés économiques. Cependant, l'évolution de la famille (divorces, célibat, éclatement géographique...) a fait disparaître, pour beaucoup, ce filet de sécurité. Il s'ensuite des risques accrus d'exclusion sociale.
Document 6 : Les statistiques présentées permettent de comparer les taux de pauvreté après transferts, selon les situations d'emploi et la composition familiale des personnes en 2004. On distingue nettement que l'emploi protège de la pauvreté, d'autant plus quand il est à temps complet. La présence d'enfants semble accentuer les risques de pauvreté, compte tenu de l'insuffisance des aides familiales en regard de la taille de la famille.
IV - LES PISTES DE REPONSES
INTRODUCTION
La question de la fracture sociale est présente
dans le plupart des discours politiques depuis plusieurs années. Déjà en 1995,
le candidat Jacques Chirac en avait fait un thème majeur de sa campagne. La
campagne présidentielle récente a été l'occasion de raviver les débats autour
de la lutte contre l'exclusion sociale (la politique du logement par exemple)
Celle ci est devenue un problème majeur dans nos sociétés et nous devons nous
interroger sur ses causes. Il va de soi que la dégradation
de l'emploi est un facteur essentiel de l'exclusion sociale mais que celle-ci
trouve aussi son origine dans l'affaiblissement des liens sociaux qui
favorisaient la cohésion sociale.
PARTIE I : La dégradation du système d'emploi depuis les années 80 a nourri les processus d'exclusion sociale
A. Les mutations de l'emploi se traduisent par la montée du chômage et de la précarité pour une part importante de la population.
B. Le chômage et la précarité provoque l'appauvrissement mais aussi une mise à l'écart de la vie sociale.
PARTIE II : Les risques d'exclusion sociale s'accroissent du fait de l'affaiblissement des liens sociaux.
A. L'exclusion de la famille conduit davantage à l'isolement et une moindre solidarité.
B. Outre la famille, les liens sociaux traditionnels se distendent et accentuent l'exclusion sociale.
CONCLUSION
Réfléchir sur les causes de l'exclusion sociale
est une étape essentielle si l'on souhaite lutter contre ce phénomène. On a pu
établir que les facteurs économiques et sociaux s'imbriquent pour rendre
délicate la mise en oeuvre de politiques appropriées. L'actualité récente, les
mouvements des "sans": sans papiers, sans logement, sans emploi, nous
rappellent toutefois l'urgence de cette question. De nombreuses voix s'élèvent
pour dénoncer l'exclusion (L'Abbé Pierre en restera une figure emblématique),
d'autant plus intolérable dans les sociétés les plus riches du monde.
V - LES "PLUS"
● L'exclusion sociale dans
d'autres pays: Etats-Unis, Grande-Bretagne.
● La protection sociale plus forte dans les pays du Nord.
● Les thèses de Robert Castel sur la désaffiliation sociale.
● L'influence du libéralisme dans les politiques sociales.
● L'évolution de la protection sociale et la volonté d'en réduire les
coûts (chômage et santé notamment)
● Durkheim et le lien social, les formes de solidarité.
● Le projet de mise en place d'un droit opposable au logement.