Bac Techno Blanc Français 2003 : Préface d'anthologie

Le corpus est composé de trois poèmes étalés dans le temps. Un poème de Eluard (XXe siècle) un autre de Hugo (XIXe siècle) et un dernier de Ronsard (XVIe siècle).
On peut noter que ces trois textes ont une valeur autobiographique très forte : un thème justifie ce corpus : celui de l'écriture comme remède face à la mort d'un être cher. Ronsard pleure son amante, Marie Dupin, jeune paysanne de Bourgueil. Hugo commémore la mort de sa fille Léopoldine, noyée l'année précédant l'écriture du poème. Enfin, Eluard célèbre Nush, son épouse dont la disparition l'a bouleversé.

Ce sujet fait appel à vos connaissances sur deux objets d'études étudiés pendant l'année : la poésie et le biographique. Les textes sont très connus et ne présentent pas de difficultés majeures.
Le travail portera moins sur le genre poétique dans sa composante formelle que sur l'aspect autobiographique et cathartique de l'écriture poétique. Il fallait connaître le sens du mot anthologie : recueil de textes choisis en prose ou en vers.

Comme pour toute écriture d'invention, une analyse fine du sujet s'imposait pour mettre en évidence les contraintes de rédaction.
- La préface devait justifier votre "choix" des textes du recueil en mettant en évidence la thèse qui conduisait ce groupement : que cherchez-vous à démontrer en rassemblant tous ces textes dans une anthologie ? Une indication était donnée à la fin du sujet puisque l'on vous proposait d'expliquer ce que l'écriture ou la lecture des poèmes peut apporter comme "remèdes" "aux maux de la vie".
- Vous deviez faire partager "votre conviction" à "vos camarades de classe" : vous devez donc utiliser des arguments pour justifier votre anthologie.
- Ces arguments devaient se décliner selon deux points de vue : celui du lecteur : "lire" et celui de l'auteur : "écrire".
- Votre anthologie devait comprendre "entre autre les poèmes du corpus". Cela implique que vous deviez utiliser les textes à votre disposition comme exemples de ce que vous aviez avancé comme argument. Le corpus proposé pouvait ne pas être exclusif : "entre autres"? et vous pouviez aussi faire appel à votre travail de l'année ou à vos connaissances personnelles.

En tenant compte des contraintes que nous venons d'énoncer, vous avez toutes les clés en main pour écrire une préface à votre anthologie. Cette préface pourrait prendre la forme suivante :

Le destin peut frapper n'importe qui, n'importe quand, vous peut-être, dans un an, dans dix, demain. Ni Eluard, ni Ronsard, ni Hugo n'auraient pu prévoir que l'être le plus cher qu'ils possédaient leur serait ravi par la mort ! Face au deuil qui les a saisis, ils ont tous les trois fait le choix de se tourner vers l'écriture poétique comme remèdes aux maux de la vie. L'anthologie que je vous propose de lire maintenant rassemble des textes d'auteurs de différentes époques dont le point commun a été cette sublimation de la douleur par l'écriture.

Chacun d'entre nous peut traverser des moments douloureux. Quoi de plus réparateur alors que de trouver, dans la lecture de quelques vers, les mots qui consolent celui qui les lit comme ils ont consolé celui qui les a écrits. Ainsi Eluard survit-il à Nush en couchant sa douleur sur le papier. Bien que Eluard nous dise que son "passé se dissout" et qu'il fait "place au silence", c'est malgré tout par les quatorze vers qui ont précédé qu'il a pu exorciser sa douleur.
L'écriture peut aussi être un procédé pour commémorer un anniversaire. Comme si cette célébration avait le pouvoir de rapprocher les vivants et les morts pendant quelques instants.
En effet, l'écriture a ce pouvoir magique de redonner la vie, de rendre éternel : Victor Hugo n'est-il pas persuadé que sa fille l'attend, "à l'heure ou blanchit la campagne"? Nush ne prend-elle pas la parole dans le poème d'Eluard dans deux vers où le champ lexical de la vie est surabondant ? ("notre vie", "contente de vivre", "donner la vie").
Hugo est résolument projeté vers l'avenir en utilisant le futur de l'indicatif qui permettra à sa fille de ne pas sombrer dans l'oubli. Ronsard, quant à lui, préfère le présent de vérité générale qui immortalise à jamais Marie, la rendant éternelle comme sa muse.

Si la lecture de ce recueil soulage votre douleur comme elle a soulagé la mienne et celle des auteurs que j'ai choisis ou si elle vous donne envie à votre tour de prendre un stylo pour apaiser votre âme, alors j'aurais accompli l'objectif que je m'étais fixé.

Il était inutile de s'attarder sur l'aspect formel du recueil. Le sujet précisait bien que l'objectif de la préface était de convaincre vos camarades de classe. Il fallait donc se méfier de ne pas entrer dans le registre de la persuasion alors même que le thème du corpus (la mort d'un être proche) pouvait vous entraîner vers un pathétisme larmoyant. Les correcteurs attendaient de vous un travail argumentatif.