Suivez-nous
 >   >   >   > Texte de Guy de Maupassant - Mon oncle Jules

Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Guy de Maupassant - Mon oncle Jules

Le sujet  1999 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

Mon oncle Jules, le frère de mon père, était le seul espoir de la famille, après en avoir été la terreur. J'avais entendu parler de lui depuis mon enfance, et il me semblait que je l'aurais reconnu du premier coup, tant sa pensée m'était devenue familière. Je savais tous les détails de son existence jusqu'au jour de son départ pour l'Amérique, bien qu'on ne parlât qu'à voix basse de cette période de sa vie.

Il avait eu, paraît-il, une mauvaise conduite, c'est-à-dire qu'il avait mangé quelque argent, ce qui est bien le plus grand des crimes pour les familles pauvres. [...]

On l'avait embarqué pour l'Amérique, comme on faisait alors, sur un navire marchand allant du Havre à New York.

Une fois là-bas, mon oncle Jules s'établit marchand de je ne sais quoi, et il écrivit bientôt qu'il gagnait un peu d'argent et qu'il espérait dédommager mon père du tort qu'il lui avait fait. Cette lettre causa dans la famille une émotion profonde. Jules, qui ne valait pas, comme on dit, les quatre fers d'un chien (1), devint tout à coup un honnête homme, un garçon de coeur, un vrai Davranche, intègre comme tous les Davranche.

Un capitaine nous apprit en outre qu'il avait loué une grande boutique et qu'il faisait un commerce important.

Une seconde lettre, deux ans plus tard, disait : "Mon cher Philippe, je t'écris pour que tu ne t'inquiètes pas de ma santé, qui est bonne. Les affaires aussi vont bien. Je pars demain pour un long voyage en Amérique du Sud. Je serai peut-être plusieurs années sans te donner de mes nouvelles. Si je ne t'écris pas, ne sois pas inquiet. Je reviendrai au Havre une fois fortune faite. J'espère que ce ne sera pas long, et nous vivrons heureux ensemble..."

Cette lettre était devenue l'évangile de la famille. On la lisait à tout propos, on la montrait à tout le monde.

Pendant dix ans en effet, l'oncle Jules ne donna plus de nouvelles ; mais l'espoir de mon père grandissait à mesure que le temps marchait ; et ma mère aussi disait souvent :

" Quand ce bon Jules sera là, notre situation changera. En voilà un qui a su se tirer d'affaire !"


MAUPASSANT, Mon oncle Jules (in Miss Harriet ),1884.


(1) ne pas valoir les quatre fers d'un chien : être sans moralité, peu recommandable.

 

I - GRAMMAIRE : L'ANECDOTE

1) De "Je pars" à "nouvelles"
Transposez le passage au discours indirect en l'introduisant par : "La lettre nous indiquait que..."

2) Dans la phrase "On l'avait embarqué pour l'Amérique, comme on faisait alors, sur un navire marchand allant du Havre à New York", à qui renvoie "on" dans chacun des cas ?

3) Remplacez l'expression "une fois fortune faite" par une proposition subordonnée conjonctive de même sens qui respectera la concordance des temps.

4) "Ce qui est bien le plus grand des crimes"
Quelle est la valeur du présent dans cette expression du texte ?

 

II - VOCABULAIRE : LE PORTRAIT

1) Expliquez le sens du mot "intègre".
Donnez le nom formé sur cet adjectif.
Relevez dans le texte deux mots ou expressions de connotation voisine.

2) "Il avait mangé quelque argent"
Après avoir expliqué le sens de cette expression, vous nommerez la figure de style utilisée.
En quoi éclaire-t-elle le caractère du personnage ?

 

III - COMPREHENSION : POINTS DE VUE

1) a) Montrez l'évolution du jugement que la famille porte sur l'oncle Jules.

b) A quoi voit-on que le narrateur ne partage pas totalement ce point de vue ?
Vous citerez plusieurs expressions du texte pour appuyer vos réponses.

LE CORRIGÉ

I - GRAMMAIRE : L'ANECDOTE

1) Passage au discours indirect :
"La lettre nous indiquait qu'il partait le lendemain pour un long voyage en Amérique du Sud, qu'il serait peut-être plusieurs années sans nous donner de ses nouvelles".

2) Dans "on l'avait embarqué", on représente les forces de l'ordre, la police, qui pousse l'oncle Jules à partir pour l'Amérique à la suite de sa "mauvaise conduite".
Dans "comme on faisait alors", on représente les autorités judiciaires et leurs usages à cette époque.

3) "Dès que, aussitôt que j'aurai fait fortune" peut remplacer l'expression "une fois fortune faite".
Il s'agit d'une proposition subordonnée conjonctive de temps.

4) Dans "ce qui est bien le plus grand des crimes", la valeur du présent est celle d'un présent de vérité générale.

 

II - VOCABULAIRE : LE PORTRAIT

1) "Intègre" a le sens de honnête, probe.
Le nom formé sur cet adjectif est "intégrité".

Mots ou expressions de connotation voisine : "un honnête homme, un garçon de coeur, ce bon Jules".

2) "Quelque argent" est évasif. Maupassant ne tient pas à préciser l'importance de la somme que Jules a dilapidée.
Il s'agit d'un euphémisme visant à atténuer le propos.
On peut cependant imaginer que la somme était importante, mais que l'oncle Jules n'en a rien dit, homme secret sur ses agissements et ne voulant peut-être pas inquiéter sa famille.

 

III - COMPREHENSION : POINTS DE VUE

1)a) La famille passe d'un jugement négatif et accusateur sur l'oncle Jules (elle a honte de ses agissements et le considère comme un voyou) à une admiration sans bornes, liée à l'espoir de la fortune du cher oncle.

Point de vue défavorable : "terreur, parlât à voix basse, mauvaise conduite, ne valait pas les quatre fers d'un chien".

Point de vue positif :"seul espoir de la famille, honnête homme, garçon de coeur, un qui a su se tirer d'affaire".

b) Le narrateur n'est pas persuadé de la métamorphose de son oncle.
Il sait que le revirement de ses parents repose en partie sur l'espoir qu'ils ont de profiter de la fortune de l'oncle Jules.

"Entendu parler, paraît-il, quelque argent, de je ne sais quoi".

Maupassant emploie des termes évasifs pour montrer qu'il ne partage pas vraiment le point de vue de sa famille.
Il ne fait que répéter ce qu'il a entendu dire.

2022 Copyright France-examen - Reproduction sur support électronique interdite