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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Jean-Louis Etienne

Le sujet  2005 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET


           Le docteur Jean-Louis Etienne est parti de Ward Hunt Island (extrême nord du Canada) le
     7 mars 1986 et a atteint le pôle Nord te 11 mai 1986, II a ainsi parcouru environ 1200 km à pied,
     en solitaire, avec un simple traîneau de survie. Lors de son départ, la température était de moins
     47°c.

           Jeudi 17 avril, c'est le printemps... arctique ! Il fait moins vingt degrés aujourd'hui, j'ai
     chaud. Pour la première fois je peux enfiler un simple pantalon coupe-vent, assez léger, facilitant
     l'effort.
           Je marche de sept heures du matin à quatre heures de l'après-midi.[...]
5          Vendredi 18 avril. 86°29' ! ENFIN ! Je suis presque à mi-chemin du Pôle. A l'assaut ! Je
     pousse sur mes bâtons comme un diable, avec un moral d'acier. J'ai découvert une brèche dans le
     labyrinthe, je la surnomme " l'Avenue du pôle Nord ". C'est une cassure orientée nord-sud qui
     n'en finit pas. C'est parti, je vais battre tous mes records.
           Je ne battrai rien du tout. Trois heures plus tard la neige et le brouillard arrivent. Très vite
10  le soleil se mue en aura(1) abstraite derrière moi (pas de soleil, pas de nord). J'avance malgré tout
     Je me fie à l'angle de chute des flocons de neige croisant mes skis, mais soudain tout
     tourbillonne, je ne sais plus où j'en suis.
           Je me retourne pour vérifier mon cap d'après le halo fragile du soleil. Tout va bien, il luit
     faiblement dans mon dos. D'un coup d'œil, je balaie ce qui reste d'horizon tout autour. Nom de
15  nom, ce point lumineux, à droite, là-bas, c'est peut-être lui, aussi... ! mais non, il est à gauche,
     c'est cette lumière irisée(2), tremblotante ! Bon sang, il est partout à la fois, même devant moi la
     brume s'est maintenant éclaircie, et... beaucoup plus qu'ailleurs ! Nom de nom, ce n'est pas
     possible, s'il est vraiment là, j'ai dû rebrousser chemin sans m'en apercevoir. Cela fait combien de
     temps que tu marches plein sud, espèce d'idiot ? Une heure, peut-être plus même !
20        J'arrête. Spasmodiquement(3), des détonations et grincements lugubres retentissent derrière
     l'écran feutré du brouillard et des neiges. Quelle ambiance ! Cela me rappelle le bruitage des
     trains fantômes dans les fêtes foraines. A chaque instant je m'attends à ce que le squelette de
     l'ingénieur Andrée(4) surgisse de la banquise. J'explore les environs en tapant du bâton, comme un
     aveugle. Je cherche une glace plus rassurante, celle de l'avenue du pôle Nord est trop fraîche à
25  mon goût. Je monte sur une assez haute marche et tombe enfin sur une plaque plus épaisse, bien
     durcie. Zut ! elle l'est tellement que mes piquets de tente ne peuvent la pénétrer. Jusqu'à présent,
     j'avais pu enfoncer ces sardines(5) de vingt-cinq centimètres de long dans la neige de surface,
     même très tassée. Ce soir, je dois monter ma tente à l'aide des skis. Il y a deux anneaux prévus à
     cet effet, à chaque bout, et qui la tendent. Des blocs de glace, découpés à la pelle -non sans
30  difficultés- les immobilisent bien droits, ils servent de poteaux. Ça a l'air de tenir...
     Heureusement que le blizzard n'est pas de la partie ! [...]
           Toute la journée la banquise gronde mais j'arrive quand même à dormir.

Jean-Louis Etienne, Le marcheur du pôle, 1986

(1) : aura : auréole lumineuse ; halo.
(2) : irisée : qui présente les couleurs de I'arc-en-ciel.
(3) : spasmodiquement : par à coups ("spasme" : contraction musculaire involontaire).
(4) : l'ingénieur Andrée : Suédois qui a péri dans sa tentative de gagner le pôle Nord en 1897.
(5) : sardines : tiges métalliques qu'on enfonce dans le sol pour maintenir une tente.

QUESTIONS (15 points)

I - Ecrire l'aventure (4,5 points)

1. En relevant des indices dans le texte et le paratexte, indiquez à quel genre d'écrit appartient cet extrait. (1 point)

2. Le présent de l'indicatif est le temps dominant. Quelle est la valeur de ce présent ?
Quel effet produit-il ? (1 point)

3."[...] j'ai dû rebrousser chemin sans m'en apercevoir. Cela fait combien de temps que tu marches plein sud, espèce d'idiot ?" (lignes 18-19)
a. Relevez les pronoms personnels. Qui désignent-ils ? (1 point)
b. Que remarquez-vous d'étonnant ? Comment l'expliquez-vous ? (0,5 point)

4. Malgré les conditions extrêmes qu'affronte le personnage, montrez en vous appuyant sur le texte que le narrateur garde un certain sens de l'humour. (1 point)

II - Des hauts et des bas (6,5 points)

1. a. Que ressent le narrateur dans le troisième paragraphe (lignes 5-9)? Pour quelles raisons ? (1 point)
b. Quel changement représente le paragraphe suivant ? (0,5 point)
c. "C'est parti, je vais battre tous mes records. / Je ne battrai rien du tout." (lignes 8-9) Dans ces deux phrases, comment l'auteur insiste-t-il sur la brutalité du changement ? (1 point)
Deux éléments de réponse au moins sont attendus.

2. a. Par quel verbe synonyme pourrait-on remplacer "se mue" (ligne 10) ? (0,5 point)
b. Trouvez un mot de la même famille que le verbe se muer. (0,5 point)

3. Lignes 13 à 19, c'est la confusion qui règne dans l'esprit du personnage. Montrez que l'expression renforce cette idée en vous appuyant successivement sur le lexique, la ponctuation, le rythme du texte et les types de phrases. (1,5 points)

4. Quelle nouvelle "ambiance" apparaît aux lignes 20 à 23 jusqu'à "...banquise" ? Relevez trois mots significatifs pour justifier cela. (1,5 points)

III - Camping de l'extrême (4 points)

1. Expliquez la phrase : "J'explore (...) un aveugle." (lignes 23-24). Quelle figure de style est ici employée ? (0,5 point)

2. a. Quelles difficultés rencontre le narrateur pour monter sa tente ? (1 point)
b. En vous appuyant sur la fin du texte, vous direz comment on s'aperçoit qu'il est cependant bien endurci par toutes ces épreuves ? (0,5 point)

3. Comparez les nuances dans l'expression des sentiments qu'apportent les points d'exclamation des lignes 1, 5, 26 et 31. (1 point)

4. a. Ligne 32, quelle est la valeur de la conjonction de coordination ? (0,5 point)

b. Transformez la phrase sans en modifier le sens mais en introduisant une proposition subordonnée conjonctive. (0,5 point)

REECRITURE (4 POINTS)

Réécrivez le passage ligne 20 à 23 ("J'arrête... banquise.") à la troisième personne du singulier et dans le système du passé, avec comme temps de base le passé simple et l'imparfait.
 

LE CORRIGÉ


I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?

Les questions aidaient les élèves à mieux comprendre le texte.
Il s'agit d'un journal mais qui visiblement a été écrit après coup car on a du mal à imaginer Jean-Louis Etienne rédigeant dans des conditions climatiques si difficiles son journal de voyage.
Néanmoins, son récit observe toutes les caractéristiques du journal avec ses marqueurs : temps, lieu, énonciation,...

II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR

Le sujet n'était pas difficile, ni surprenant, l'écriture autobiographique occupant une grande place du programme de la troisième. Ici, l'écriture du journal se mêlait à l'écriture du récit d'aventure.

III - LES QUESTIONS

I - Ecrire l'aventure (4,5 points)

1. En relevant des indices dans le texte et le paratexte, indiquez à quel genre d'écrit appartient cet extrait. (1 point)

Cet extrait appartient au genre autobiographique, et plus précisément au journal de voyage. Nous relevons dans le texte les deux dates, l'écriture à la première personne du singulier, un style proche de l'oral. Dans le paratexte, les indications spatio-temporelles montrent qu'il s'agit bien d'un voyage ou d'une aventure : par exemple, le narrateur "est parti de Ward Hunt Island... le 7 mars 1986 et atteint le pôle Nord..."

2. Le présent de l'indicatif est le temps dominant. Quelle est la valeur de ce présent ?
Quel effet produit-il ? (1 point)

Le présent de l'indicatif a une valeur d'énonciation ou d'actualité, il permet au lecteur d'avoir le sentiment de vivre les événements avec le narrateur. Cependant, il s'agit d'une pure fiction (le personnage n'est pas en train d'écrire son journal pendant qu'il avance), le présent devient un présent de narration qui vise à actualiser le récit.

3."[...] j'ai dû rebrousser chemin sans m'en apercevoir. Cela fait combien de temps que tu marches plein sud, espèce d'idiot ?" (lignes 18-19)
a. Relevez les pronoms personnels. Qui désignent-ils ? (1 point)

Les pronoms personnels sont "j'", "m'" ainsi que "tu".
La première et la deuxième personne toutes deux désignent le narrateur.

b. Que remarquez-vous d'étonnant ? Comment l'expliquez-vous ? (0,5 point)

En principe dans un dialogue le "je" et le "tu" désignent deux personnes différentes. Ce qui peut paraître étonnant. Mais ici, il se parle à lui-même pour s'encourager.

4. Malgré les conditions extrêmes qu'affronte le personnage, montrez en vous appuyant sur le texte que le narrateur garde un certain sens de l'humour. (1 point)

Par exemple, le narrateur garde un certain sens de l'humour dès le premier paragraphe quand il dit qu'il a chaud à moins vingt degrés, et quand il se qualifie "d'espèce d'idiot".

II - Des hauts et des bas (6,5 points)

1. a. Que ressent le narrateur dans le troisième paragraphe (lignes 5-9)? Pour quelles raisons ? (1 point)

Premièrement, dans le troisième paragraphe, le narrateur ressent un certain soulagement parce qu'il est à mi-chemin du pôle.

b. Quel changement représente le paragraphe suivant ? (0,5 point)

Le paragraphe qui suit marque le découragement. Le narrateur passe d'un sentiment de victoire au sentiment d'échec.

c. "C'est parti, je vais battre tous mes records. / Je ne battrai rien du tout." (lignes 8-9) Dans ces deux phrases, comment l'auteur insiste-t-il sur la brutalité du changement ? (1 point)
Deux éléments de réponse au moins sont attendus.

La brutalité du changement est marquée par le changement de paragraphe et par le passage de la forme affirmative à la forme négative. L'antithèse et l'absence de mot de liaison marquent la brutalité.

2. a. Par quel verbe synonyme pourrait-on remplacer "se mue" (ligne 10) ? (0,5 point)

Le soleil "se mue" peut être remplacé par "se transforme" ou "se métamorphose".

b. Trouvez un mot de la même famille que le verbe se muer. (0,5 point)

Le mot de la même famille pourrait être la "mue" de la voix, par exemple.

3. Lignes 13 à 19, c'est la confusion qui règne dans l'esprit du personnage. Montrez que l'expression renforce cette idée en vous appuyant successivement sur le lexique, la ponctuation, le rythme du texte et les types de phrases. (1,5 points)

Nous voyons que la confusion règne dans l'esprit du personnage à travers le lexique de l'hésitation comme "fragile", "faible" ou l'utilisation des modalisateurs comme "peut-être", la répétition du "nom de nom" ou d'autres jurons, les phrases courtes, l'utilisation de nombreuses exclamatives.

4. Quelle nouvelle "ambiance" apparaît aux lignes 20 à 23 jusqu'à "... banquise" ? Relevez trois mots significatifs pour justifier cela. (1,5 points)

La nouvelle "ambiance" est celle de la peur comme le soulignent les mots "lugubre", "fantôme" ou "squelette". Nous sommes dans un univers à l'allure fantastique.

III - Camping de l'extrême (4 points)

1. Expliquez la phrase : "J'explore (...) un aveugle." (lignes 23-24). Quelle figure de style est ici employée ? (0,5 point)

La figure de style employée est la comparaison, introduite par "comme". Le narrateur sonde la glace comme un aveugle qui tâtonne avec sa canne blanche.

2. a. Quelles difficultés rencontre le narrateur pour monter sa tente ? (1 point)

Le narrateur a de grosses difficultés pour monter sa tente, car d'abord la glace est trop fraîche, puis il ne peut pas planter les piquets tellement la glace est dure.

b. En vous appuyant sur la fin du texte, vous direz comment on s'aperçoit qu'il est cependant bien endurci par toutes ces épreuves ? (0,5 point)

Le narrateur est tout de même bien endurci par toutes ces épreuves: il dit "ça a l'air de tenir" et se réjouit que "le blizzard" ne soit pas de la partie.

3. Comparez les nuances dans l'expression des sentiments qu'apportent les points d'exclamation des lignes 1, 5, 26 et 31. (1 point)

L'exclamation passe de l'humour, au soulagement, à l'énervement, puis de nouveau au soulagement.

4. a. Ligne 32, quelle est la valeur de la conjonction de coordination ? (0,5 point)

Quatrièmement, la conjonction de coordination "mais" a une valeur d'opposition.

b. Transformez la phrase sans en modifier le sens mais en introduisant une proposition subordonnée conjonctive. (0,5 point)

Avec une proposition subordonnée cela devient par exemple : "J'arrive quand même à dormir bien que toute la journée la banquise gronde".

IV - L'EXERCICE DE REECRITURE

Réécrivez le passage ligne 20 à 23 ("J'arrête... banquise.") à la troisième personne du singulier et dans le système du passé, avec comme temps de base le passé simple et l'imparfait.

"Il arrêta. Spasmodiquement, des détonations et grincements lugubres retentissaient derrière l'écran feutré du brouillard et des neiges. Quelle ambiance ! Cela lui rappelait le bruitage des trains fantômes dans les fêtes foraines. A chaque instant, il s'attendait à ce que le squelette de l'ingénieur Andrée surgît de la banquise."
 

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