« On nous demande de mettre des points même lorsque les réponses et les formulations sont inexactes ou hors sujet, raconte Caroline, prof-correctrice de français. Il faut valoriser les copies tant qu’on peut ». Et tant pis, si parfois ces consignes frôlent l’absurde…
Ce fut le cas à la question suivante du DNB de français de 2015 : « Comment comprenez-vous que le texte puisse se terminer sur le mot "neige" ? » en référence à l’extrait de « Terre des hommes » de Saint-Exupéry. Le candidat qui a répondu « Je ne comprends pas », « Le Père Noël arrive » ou « C’est Blanche-Neige » (véridique !) s’est retrouvé avec quasiment autant de points que son camarade qui avait exposé son avis en l’argumentant.
« Je trouve incroyable que les commissions d’harmonisation demandent aux professeurs de rajouter une quantité de points considérable afin d’améliorer les statistiques, s’indigne Mara Goyet, professeur d’histoire-géo. Ils préparent avec sincérité les élèves au brevet et on leur demande par la suite de tricher avec les résultats obtenus. Bref, on leur montre que leur travail puis leur correction n’a pas eu de sens. Sans doute un minimum de tambouille est-il nécessaire mais qu’on nous l’épargne ! »
Des correcteurs appelés à ne pas sanctionner les mauvaises copies
Le témoignage de Caroline va encore plus loin. « Les modérateurs qui tirent leurs instructions des inspecteurs pédagogiques nous précisent bien qu’un bon correcteur est celui qui met des 20/20. Il doit se souvenir qu’il n’est pas en train d’évaluer ses propres élèves, ni d’exiger un niveau ou des connaissances. D’ailleurs ceux qui notent trop sévèrement se voient définitivement interdits de correction ».
A cette bienveillance contrainte s’ajoutent parfois d’étonnantes consignes comme la règle du « doute qui profite à l’élève » dans l’épreuve très rigoureuse des maths (source : le Point.fr). L’Association des professeurs d’histoire et de géographie (APHG) de Lorraine relève de son côté l’arrivée d’inquiétants arguments dans les centres de correction : il faut élever les notes pour « faire mieux que les maths », parce qu’ « il en va de la survie de notre matière, de la survie du brevet, de la réputation de l’établissement désormais considéré comme en « concurrence »… Une pression qui met bien mal à l’aise les professeurs-correcteurs appelés à devenir « leurs propres faussaires ».
La marque d’une baisse de l’exigence
Certains y voient un objectif pédagogique lancinant de la part du ministère. « Il y a une dizaine d’années, les inspecteurs pédagogiques nous expliquaient très sérieusement que le français était une discipline discriminatoire dans les collèges de banlieue et qu’il fallait que le niveau remonte au brevet. Comment ? En surnotant et surévaluant les copies plutôt qu’en espérant faire progresser les élèves. Cette volonté politique n’a fait que se confirmer. Il faut effacer les inégalités qui dérangent en baissant le niveau d’exigence pour tous ! avoue exaspérée Mathilde, professeur-correcteur du brevet. Et ce n’est ni la suppression du redoublement, ni l’entrée en vigueur du nouveau DNB en 2017 qui fait la part belle au contrôle continu et aux compétences plutôt qu’aux notes, qui inverseront la tendance ». Sans oublier la généralisation de la réforme de l’orthographe qui s’appliquera en septembre prochain…
Brevet 2015 : facile ? Pas facile ?
Élèves, parents, enseignants : témoignez ! Vous avez passé le brevet en 2015, vous êtes parent d’un enfant candidat au brevet, vous êtes enseignant et avez corrigé les épreuves du DNB ? Racontez-nous comment vous avez vécu cette session 2015.