Le déjà-vu, vous connaissez ?

. Le phénomène en question . Les tentatives d'explications . Pour en savoir plus :
Frédéric Kijé, professeur de PhilosophieFrance examen vous ouvre la porte
de la Salle des Profs.

Frédéric, professeur de Philosophie, vous invite à découvrir les principales explications du déjà-vu, phénomène couramment ressenti.

Le phénomène en question

Frédéric Kijé, professeur de philosophie

Il vous est peut-être arrivé, dans une situation banale de l'existence qui ne contient rien d'extraordinaire, d'éprouver le sentiment d'avoir vu précisément la même chose au même endroit. On a alors l'impression étrange de voir se dérouler les événements présents comme si on les avait déjà vécus dans une autre vie. Rassurez-vous, vous n'êtes pas fou. Vous n'êtes pas les seuls non plus : 70% des personnes interrogées déclarent avoir connu au moins une fois cette expérience.

On parle de paramnésie ou de fausse reconnaissance. Mais c'est un français, Emile Boirac (1851-1917) qui a donné au phénomène son nom le plus connu : le déjà-vu. Les Anglo-saxons ont adopté le terme.

Tony Scott a réalisé un film qui vient de sortir sur les écrans et qui s'intitule "Déjà-vu". Dans ce film, l'agent Doug Carlin (Denzel Washington) enquête sur l'explosion d'une bombe. Il est enrôlé au sein d'une cellule du FBI qui utilise un appareil top secret qui ouvre une "fenêtre sur le temps". Celle-ci permet d'observer des évènements qui se sont déroulés quatre jours, six heures et quelques minutes auparavant... pas une de plus, pas une de moins. Les américains sont des gens précis !

Les tentatives d'explications


Pour expliquer le phénomène de déjà-vu, on fait souvent appel au paranormal. On évoque alors la métempsycose. La métempsycose (sans h après le c'!) est une théorie selon laquelle notre âme s'incarne successivement dans plusieurs corps.

Le couturier Paco Rabanne affirme ainsi que Mozart a été musicien dans une autre vie car "sinon, comment aurait-il pu créer ses chefs d'?uvre à 9 ans ?". Dans le même ordre d'idées, une patiente du psychanalyste Sandor Ferenczi, qui avait éprouvé un sentiment de déjà-vu, pensait qu'il s'agissait d'une réminiscence d'une vie antérieure dans laquelle elle avait la forme d'un crapaud !

Le problème avec les explications paranormales, c'est qu'elles n'expliquent rien et qu'elles n'apportent aucune preuve de ce qu'elles affirment. Quand elles ne sont pas ridicules, elles relèvent simplement de la croyance.

Plus sérieusement, selon Freud, le déjà-vu est bien une réminiscence, mais c'est la réminiscence de rêveries diurnes ou de fantasmes refoulés.

C est ainsi qu'en 1904, en Grèce, découvrant l'Acropole, Freud éprouve un sentiment étrange. Il contemple le temple antique avec étonnement comme s'il découvrait son existence : "Ainsi tout cela existe réellement comme nous l'avons appris à l'école".
Voici comment il décrit son sentiment : "En exagérant un peu, c'est comme si quelqu un se promenant en Ecosse sur les bords du Loch Ness, verrait tout à coup le corps du célèbre monstre devant lui et serait ainsi contraint de s'avouer : il existe donc vraiment ce serpent de mer auquel nous n'avons jamais cru !". Il trouve bizarre qu'on puisse douter de l'existence d'un des chefs d'?uvre de l'Antiquité, et il explique cette pensée par l'analyse suivante : quand il était enfant, il espérait avoir une vie qui lui permette de voyager, mais il doutait fortement d'y parvenir un jour. Aussi, quand à l'âge de 48 ans, il débarque en Grèce, il n'y "croit pas". La pensée qui lui vient devant l'Acropole illustre le retour d'une pensée plus ancienne et refoulée. L'idée de voir un jour l'Acropole était, au plus profond de son esprit, un rêve auquel il n'accèderait jamais. Une fois devant "pour de vrai", ce désir refoulé remonte à la surface et lui fait considérer l'Acropole comme quelque chose d'irréel.

Selon Bergson, on se trompe en se représentant la mémoire comme une sorte de réservoir d'images et de pensées. La totalité de ce que nous voyons, sentons, éprouvons, se dédouble à chaque instant, en perception et en souvenir. Le souvenir est coextensif à la perception. Cela signifie que nos souvenirs se forment à l'instant même où nous vivons et c'est en même temps que quelque chose est présent ou est passé. Mais lorsque, dans une pensée présente, présent et passé se dissocient, alors nous percevons le présent non seulement comme présent, mais aussi, comme passé et nous éprouvons un sentiment de déjà-vu.

La neurologie, elle, explique le déjà-vu par un dysfonctionnement du cerveau. Habituellement, les informations sensorielles passent par le cortex périrhinal avant d'être mémorisées par l'hippocampe. Le cortex périrhinal est la partie de notre cerveau qui décrypte les informations nouvelles. Mais la fatigue ou le stress peuvent court-circuiter l'influx nerveux. Faute d'être analysé par le cortex périrhinal, le sujet n'identifie pas le caractère nouveau de la situation, elle lui semble familière et il a alors l'impression de l'avoir déjà vécue.

Le déjà-vu intrigue, et on en est toujours à des hypothèses, mais une chose est sûre : déjà-vu ou mal connu, ça fait réfléchir.

Frédéric Kijé, professeur de Philosophie, novembre 2007

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