Mais sait-on qui était Voltaire ?

"Ne fera-t-on jamais taire cet homme ?" Cette phrase attribuée à Louis XV à l'adresse de Voltaire résume bien à elle seule l'énergie qu'il dépensa durant toute sa vie : parler coûte que coûte, écrire, témoigner, dénoncer, malgré les nombreux obstacles qui se sont dressés devant lui.

En 1767, Voltaire publie l'Ingénu, conte philosophique bien connu des élèves. En 2007, que lisons-nous de lui ?

Assurément, les ?uvres qu'il considérait comme les plus mineures et qu'il avouait avec peine avoir écrites : les Contes philosophiques. Nous lisons quelques-uns de ses traités philosophiques comme le Traité sur la tolérance, parfois quelques vers, comme Le Mondain. Mais nous avons oublié qu'il fut l'un des dramaturges les plus en vue de sa génération et qu'il écrivit 52 pièces de théâtre dont certaines furent des triomphes.

De Voltaire, nous avons deux images en tête. Jeune, représenté par Nicolas de Largillière, c'est un courtisan fier et conquérant dont le sourire et la verve lui assurent le succès dans les salons littéraires de la Régence ; il est libertin et séducteur. Agé, la sculpture de Houdon, nous montre un vieillard décharné, qui arbore le même sourire et qui ne semble avoir en rien perdu de son esprit critique. Entre ces deux représentations, une vie entière consacrée à la littérature et à la pensée philosophique.

François-Marie Arouet fut d'abord un courtisan brillant et adulé. Mais rapidement, son esprit satirique l'envoie une première fois à la Bastille d'où il sortira métamorphosé en Voltaire. Sa vie devient alors une succession d'aventures véritablement romanesques : Il échappe de peu à la mort lors d'une épidémie de variole. Une altercation avec le jeune chevalier de Rohan lui vaut son deuxième séjour à la Bastille et son premier exil. Dès lors, il ne cessera de publier, de faire scandale et de voyager pour échapper à ses censeurs. On le retrouve en Angleterre, en Lorraine chez la belle et savante Madame du Châtelet, à la cour du roi Frédéric II de Prusse, puis en Suisse pour le voir se fixer à la fin de sa vie à Ferney, à la frontière suisse.

Au collège Louis-le-Grand, il reçoit, chez les jésuites, une excellente formation classique. Le latin n'a pas de secrets pour lui : il lit et étudie les auteurs classiques et prend plaisir à la discussion. Ces années de formation seront pour lui déterminantes. C'est là qu'il apprendra à maîtriser la langue française qui lui sera plus tard une arme redoutable : il a utilisé les mots pour changer la société. Il est mort onze ans avant la Révolution française mais ces nombreux écrits ont largement contribué au changement des mentalités et aux mutations de la fin du XVIIIe siècle.

Voltaire est l'un des esprits les plus vifs et les plus marquants du siècle des Lumières. Il a influencé durablement la pensée française. Homme de théâtre, conteur, historien, poète mais aussi témoin de son époque et de ses bouleversements, il a pris parti, sans hésitation, et ses nombreux exils en témoignent. Aujourd'hui, nous le qualifierions d'auteur "engagé". Il a développé la réflexion sur de nombreux sujets : l'esclavage, l'intolérance, l'injustice, la religion, le fanatisme et la liberté en général. Il fut lui-même privé de liberté en raison de l'audace de son engagement. Rarement écrivain fut plus controversé que lui. Il a mené une vie d'une grande modernité pour son époque et s'est distingué de ses contemporains par une liberté de pensée hors du commun.

Lire Voltaire en 2007 n'est pas démodé. Sa pensée est toujours d'actualité tant il est vrai que les inégalités, les injustices et les ridicules demeurent.

Souvenons-nous de ces mots qu'il voulut laisser en testament : "Je meurs en adorant Dieu, en aimant mes amis, en ne haïssant pas mes ennemis et en détestant la superstition".

Depuis 1791, soit trois ans après sa mort, les cendres de Voltaire se trouvent au Panthéon.

Sandra Leroy, professeur de Français, décembre 2007.