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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Christine Arnothy

Le sujet  1998 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

(Lors du conflit qui oppose les Tutsis et les Hutus, Gérard Martin, terrorisé par les descriptions des massacres, quitte précipitamment l'entreprise qu'il dirige. Sur la route de l'aéroport, il croise la foule des réfugiés rwandais.
Quelques semaines plus tard, un journaliste lui demande une entrevue...)


- Je m'appelle Dorfer, dit le photographe. Je travaille pour...
Et il prononça le nom d'un hebdomadaire connu.

- Que désirez-vous ?

- Me permettez-vous de vous montrer un document ?

- Allez-y, dit Gérard.

L'homme ouvrit un dossier et étala sur le bureau une série de photos. La première rangée était en noir et blanc, la deuxième en couleurs. Gérard se reconnut sur le premier cliché. Goma (1). Il venait de quitter sa voiture. La portière était encore entrebâillée. Voûté, il avait le regard perdu. Deuxième photo. Encore lui, près de sa voiture. A l'arrière-plan, une femme avec un enfant. Troisième photo : l'enfant est jeté dans les bras de Gérard. Quatrième photo : Gérard avec l'enfant, la femme écroulée par terre. Cinquième photo : Gérard entre dans sa voiture, l'enfant dans les bras. Puis une photo prise en plongée par la vitre arrière.

- Cette photo-là...

Le reporter pointa le doigt sur celle où Gérard tenait l'enfant.

- C'est celle qui justifie ma démarche.

- Pourquoi m'avez-vous photographié ? Je ne suis pas un fait divers. Je traversais la foule. C'est tout.

- Vous et l'enfant, c'était saisissant.

Gérard était gêné. Sa désertion, vue de l'extérieur, le bouleversait.

- Que voulez-vous ?

- Nous désirons publier cette photo en couverture. Les photos prises à l'extérieur sont généralement publiées sans autorisation du ou des sujets. Pourtant, je préférais vous consulter. Votre visage sera vu par des millions de personnes. D'ailleurs, nous désirons publier d'autres photos, notamment celle où vous tenez l'enfant sur vos genoux à l'intérieur de la voiture. Je suis venu solliciter votre accord. Une importante somme d'argent vous sera versée. Vous êtes le symbole de l'Occident en désarroi.

- Un symbole peut-être, mais pas à vendre, dit Gérard.

Il promenait son regard sur les images.

- Vous étiez dans la foule ?

- Oui. Votre présence avait attiré mon attention. Les images dictaient leur loi. La voiture s'arrête et l'homme blanc prend l'enfant noir.

- Après, dit Gérard d'une voix rauque, quand nous avons déposé l'enfant mort au bord de la route, vous m'avez photographié aussi ?

- J'ai la photo, dit le visiteur. Mais nous ne souhaitons pas la publier. Trop triste.

- A quoi sert votre reportage ?

- Vous représentez la solidarité.


Christine ARNOTHY, Une question de chance, Plon, 1995.

(1) localité du Zaïre, pays limitrophe du Rwanda en Afrique, où les réfugiés ont fui.



I - LES FAITS


Reconstituez la scène qui a été photographiée en répondant aux questions suivantes.
(Vous préciserez dans vos réponses si vous avez tiré vos informations du texte écrit par Christine Arnothy, du chapeau de présentation ou d'une note)

1) Dans quelle partie du monde (ville, pays, continent) se déroule-t-elle ?

2) Quel est le contexte historique ?

3) Pourquoi Gérard est-il sur la route de l'aéroport, à ce moment ?

4) Quels sont les personnages photographiés ?

5) Dites en une phrase ce qui arrive à Gérard dans cette scène.


II - UN INDIVIDU DESORIENTE


Pendant l'événement

1) Relevez ce qui, dans l'une des photos qu'on lui présente, témoigne du trouble profond de Gérard.

2) A quelle voix (ou forme) est rédigée la phrase suivante : "L'enfant est jeté dans les bras de Gérard..."
Justifiez l'emploi de cette voix, en examinant le contexte.


Devant le journaliste

1) Dans la partie du paragraphe allant de "Goma" à "par la vitre arrière"

a) Quelle construction de phrase caractéristique remarquez-vous ? Donnez un exemple.

b) Quel nouveau temps apparaît dans la narration ? Relevez les verbes concernés.

c) Montrez que ces divers changements traduisent l'état d'esprit de Gérard lorsqu'il découvre ces photographies.

2) Dans le passage allant de "Gérard était gêné" à "le bouleversait"

a) Relevez les termes qui expriment le désarroi du personnage.

b) Quel lien logique unit ces deux phrases ?

c) Mettez-le en valeur en faisant de l'une d'elles une proposition subordonnée.

d) Expliquez pourquoi le personnage est aussi mal à l'aise.


III - LE TRAVAIL DU JOURNALISTE : CREATION DE L'EVENEMENT


Le journaliste : un individu dans le système des média

1) Après avoir parlé en son nom propre en disant "ma démarche", le journaliste déclare : "Nous désirons publier cette photo..." Que représente ce "nous" ?

2) Dans la phrase passive : "Une importante somme d'argent vous sera versée", justifiez l'absence du complément d'agent.

3) Que pouvez-vous, à partir de ces observations, conclure sur la responsabilité de Dorfer ?


Un système médiatique qui crée l'événement

1) Quelles photos ont été retenues pour la publication ? Relevez au moins une expression qui justifie ces choix, de "nous désirons publier cette photo" à "vous représentez la solidarité".

2) Expliquez l'expression "les images dictaient leur loi". Vous pouvez répondre en donnant une expression synonyme.

3) "Je ne suis pas un fait divers". Après avoir expliqué ce qu'est un fait divers, dites pourquoi Gérard refuse d'être considéré comme tel.

4) De "cette photo-là..." à "vous représentez la solidarité"

a) Dans quel discours (ou style) les paroles des deux personnages sont-elles rapportées ?

b) Quel type de phrase Gérard utilise-t-il le plus souvent ?

c) Que révèle cette façon de s'exprimer face aux certitudes du journaliste ?

LE CORRIGÉ

I - LES FAITS


1) La scène se déroule à Goma. Le nom est dans le texte, mais c'est une note qui indique qu'il s'agit d'une localité du Zaïre, pays africain limitrophe du Rwanda.

2) Le contexte historique est le conflit qui oppose les Tutsis et les Hutus au Rwanda. C'est le chapeau de présentation qui donne le contexte historique, la fuite des Rwandais suite aux massacres tribaux.

3) Gérard est sur la route de l'aéroport ce jour-là car, comme l'indique le chapeau de présentation, "terrorisé par les descriptions des massacres", il "quitte précipitamment l'entreprise qu'il dirige."

4) Les personnages photographiés sont indiqués dans le texte : il s'agit de Gérard, d'une femme et d'un enfant, puis de Gérard avec l'enfant noir dans les bras.

5) Ce qui arrive à Gérard dans cette scène est : alors qu’il fuit vers l'aéroport pour échapper au massacre, une femme noire lui confie son enfant avant de mourir.


II - UN INDIVIDU DESORIENTE


Pendant l'événement

1) Ce qui témoigne du trouble de Gérard dans une des photos qu'on lui tend est la phrase : "Voûté, il avait le regard perdu".

2) La phrase "L'enfant est jeté dans les bras de Gérard" est une phrase à la voix passive. Son emploi se justifie parce que Gérard n'est pas responsable de l'action, il la subit.


Devant le journaliste

1) Dans la partie du paragraphe allant de "Goma" à "par la vitre arrière"

a) On remarque que la structure des phrases est une structure nominale : "Deuxième photo. Encore lui, près de sa voiture. A l'arrière-plan, une femme avec un enfant".

b) Le nouveau temps qui apparaît est le présent : à la voix passive "est jeté", à la voix active "entre".

c) La forme nominale et le présent montrent l'émotion que ressent Gérard à la vue des photographies : il revit la scène à la fois dans sa rapidité (phrases nominales) et dans son actualité (emploi du présent).

2) Dans le passage allant de "Gérard était gêné" à "le bouleversait"

a) Les termes qui évoquent le désarroi de Gérard sont "gêné" et "bouleversait".

b) Le lien logique qui unit ces deux phrases est un rapport de causalité.

c) Gérard était gêné parce que sa désertion, vue de l'extérieur, le bouleversait.

d) Gérard est mal à l’aise car sa photo a été choisie comme image saisissante de solidarité alors qu’il désertait le pays.


III - LE TRAVAIL DU JOURNALISTE : CREATION DE L'EVENEMENT


Le journaliste : un individu dans le système des média

1) Le "nous" représente le journaliste et l'hebdomadaire qu'il représente.

2) Il n'y a pas de complément d'agent parce que l'agent n'est pas identifié. A la voix active, on aurait : On vous versera une importante somme d'argent.

3) Dorfer apparaît comme un personnage qui n'est pas responsable, il est à la solde de son hebdomadaire et de la société marchande.


Un système médiatique qui crée l'événement

1) Les photos retenues pour la publication sont celles où Gérard tient l'enfant dans ses bras : il y en a deux.
L'expression qui justifie ces choix est "vous êtes le symbole de l'Occident en désarroi".

2) "Les images dictaient leur loi" signifient que les images imposent leurs règles.

3) Un fait divers est un événement mineur de l'actualité. Gérard refuse d'être un fait divers parce qu'il a vécu l'événement et qu'il n'est pas obligatoirement fier de sa désertion.

4) Dans le passage allant de "Cette photo-là" à "vous représentez la solidarité"

a) Les paroles des deux personnages sont rapportées au style direct.

b) Gérard utilise le plus souvent des phrases interrogatives.

c) Cette façon de s'exprimer révèle les doutes de Gérard à propos de l'utilité de la démarche du journaliste.

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