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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Colette

Le sujet  2000 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

     Philippe fronça les sourcils :

     - Dieu, que tu es mal peignée, Vinca !

     Elle rougit sous son hâle de vacances et lui jeta un humble regard en repoussant ses cheveux derrière l'oreille :

     - Je sais bien… Je serai mal coiffée tant que mes cheveux seront trop courts. Cette coiffure-là, c'est en attendant…

     - La laideur temporaire, ça t'est égal… dit-il durement.

     - Je te jure que non, Phil. […] J'ai, au contraire, très envie d'être jolie, je t'assure. Maman dit que je peux encore le devenir, mais qu'il faut patienter.

     Ses quinze ans fiers et gauches, entraînés à la course, salés, durcis, maigres et solides, la rendaient souvent pareille à une houssine (1) cinglante et cassante, mais ses yeux d'un bleu incomparable, sa bouche simple et saine étaient des œuvres achevées de la grâce féminine.

     - Patienter, patienter…

     Phil se leva, gratta du bout de son espadrille la dune sèche, perlée de petits escargots vides. Un mot détesté venait d'empoisonner sa sieste heureuse de lycéen en vacances, dont les seize ans vigoureux s'accommodaient d'oisiveté, de langueur immobile, mais que l'idée d'attente, de passive évolution exaspérait. Il tendit les poings, bomba la poitrine demi-nue, défia l'horizon :

     - Patienter ! Vous n'avez que ce mot-là à la bouche, tous ! Toi, mon père, mes "profs"… Ah ! bon Dieu !…

     Vinca cessa de coudre, pour admirer son compagnon harmonieux que l'adolescence ne déformait pas. Brun, blanc, de moyenne taille, il croissait lentement et ressemblait, depuis l'âge de quatorze ans, à un petit homme bien fait, un peu plus grand chaque année.

     - Et que faire d'autre, Phil ? Il faut bien. Tu crois toujours que, de tendre les deux bras et de jurer : "Ah ! bon Dieu", ça y changera quelque chose. Tu ne seras pas plus malin que les autres. Tu te représenteras à ton bachot et, si tu as de la chance, tu seras reçu…

     - Tais-toi ! cria-t-il. Tu parles comme ma mère !

     - Et toi comme un enfant ! Qu'est-ce que tu espères donc, mon pauvre petit, avec ton impatience ?

                                                                                     Colette, Le Blé en herbe.

(1) Houssine : baguette flexible (de houx).


QUESTIONS (15 points)

La description de deux adolescents

1. "La laideur temporaire" de Vinca :

    a) Sur quel radical est formé le mot "temporaire" dans la phrase "La laideur temporaire, ça t'est égal…" ? Quel est le sens de ce mot dans le texte ? (1 point)

    b) Citez les éléments du texte qui montrent cette laideur. (1 point)

    c) Quels sont ceux qui prouvent qu'elle est temporaire ? (1 point)

    d) Quelle est la conjonction de coordination qui marque le caractère temporaire de cette laideur ? (0,5 point)

2. L'aspect physique de Philippe :

    a) Quelles sont les expressions du texte qui décrivent Philippe ? (1 point)

    b) Quelle expression résume son aspect physique ? (0,5 point)

Deux caractères opposés

Vinca :

3. A quelles grandes personnes Philippe assimile-t-il la jeune fille ? Pourquoi ? (1 point)

4. Résumez en quelques mots le comportement de Vinca. Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte. (1 point)

Philippe :

5. a) Relevez tous les termes qui désignent Philippe dans le texte. Classez ces reprises selon qu'elles sont nominales ou pronominales. (1 point)

    b) Laquelle de ces reprises vous paraît-elle opposer le plus nettement Philippe à Vinca ? Par qui est-elle employée ? Quel jugement traduit-elle ? (1,5 point)

6. a) Quels sont les temps verbaux employés dans ce texte de "Phil se leva…" à "…défia l'horizon" ? Expliquez leur emploi. (2 points)

    b) Comment la forme verbale : "venait d'empoisonner" est-elle construite ? Quelle nuance d'aspect exprime-t-elle ? (1 point)

7. Quel est le trait de caractère dominant de Philippe ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte et en observant en particulier la ponctuation de ses paroles. (1,5 point)

8. "Tu ne seras pas plus malin que les autres" :

    a) Quel sens donnez-vous à l'adjectif qualificatif "malin" dans ce texte ? (0,5 point)

    b) Expliquez pourquoi Philippe ne sera pas plus malin que les autres. (0,5 point)


REECRITURE (4 points)

Réécrivez les lignes suivantes en mettant les verbes conjugués au présent :

"Phil se leva, gratta du bout de son espadrille la dune sèche, perlée de petits escargots vides. Un mot détesté venait d'empoisonner sa sieste heureuse de lycéen en vacances, dont les seize ans vigoureux s'accommodaient d'oisiveté, de langueur immobile, mais que l'idée d'attente, de passive évolution exaspérait. Il tendit les poings, bomba la poitrine demi-nue, défia l'horizon."

LE CORRIGÉ

I - QUESTIONS

La description de deux adolescents

1. " La laideur temporaire " de Vinca :

   a) Le mot temporaire est formé sur le radical " temp-" (temps). Cet adjectif est synonyme de "provisoire". Cela signifie que Vinca est temporairement laide, tant que ses cheveux n'ont pas repoussé.

   b) Les éléments qui dans le texte montrent cette laideur sont les adverbes qui précisent le sens du participe passé et de l'adjectif : " mal coiffée ", " trop courts ".

   c) La conjonction de coordination qui marque le caractère temporaire de cette laideur est : " mais qu'il faut patienter ".

2. L'aspect physique de Philippe :

   a) Voici les expressions du texte qui décrivent Philippe :
          " Brun, blanc, de moyenne taille, il […] ressemblait […] à un petit homme bien fait, un peu plus grand chaque année. "

   b) L'expression qui résume son aspect physique est " un petit homme bien fait ".

Deux caractères opposés

Vinca :

3. Philippe assimile la jeune fille à son " père " et à ses " profs " ( " Vous n'avez que ce mot-là à la bouche, tous ! Toi, mon père, mes profs ", puis à sa " mère " (" Tu parles comme ma mère "). En effet, elle tient le discours des adultes en lui demandant de patienter et d'être raisonnable (" Maman dit […] qu'il faut patienter ").

4. Vinca se conduit en adulte, elle accepte avec sagesse les conseils que lui donnent les adultes, elle les prodigue à Philippe, ce qui ne l'empêche pas de l'admirer et de le comprendre : "son compagnon harmonieux, un petit homme bien fait, mon pauvre petit"

Philippe :

5. a) Voici les termes qui désignent Philippe dans le texte :

Reprises nominales :
    - " Phil " (3 fois)
    - " lycéen en vacances "
    - "son compagnon harmonieux que l'adolescence déformait "
    - " mon pauvre petit "
On acceptera aussi les groupes nominaux qui figurent dans les comparaisons :
    - " un petit homme bien fait, un peu plus grand chaque année " et " comme un enfant ".

Reprises pronominales :
    - Dans le récit : lui, il (3 fois), se, que.
    - Dans les répliques de Vinca : te, t', tu (3 fois), te.
    - La reprise qui me paraît opposer le plus nettement Philippe à Vinca est "comme un enfant"
    - Elle est employée par Vinca
    - Elle traduit une certaine tendresse presque maternelle.

6. a) Voici les temps verbaux utilisés dans ce paragraphe :

" Phil se leva ( passé simple), gratta (passé simple) du bout de son espadrille la dune sèche, perlée de petits escargots vides. Un mot détesté venait (imparfait) d'empoisonner sa sieste heureuse de lycéen en vacances, dont les seize ans vigoureux s'accommodaient (imparfait) d'oisiveté, de langueur immobile, mais que l'idée d'attente, de passive évolution exaspérait (imparfait). Il tendit (passé simple) les poings, bomba (passé simple) la poitrine demi-nue, défia (passé simple) l'horizon. "
Les différents passés simples ont un aspect ponctuel. Ils permettent de suivre les actions successives de Philippe.
" Phil se leva… gratta… tendit… bomba… défia… ".
L'imparfait "venait de s'empoisonner" est une action envisagée dans sa durée que vient interrompre "se leva".
Les imparfaits " s'accommodaient " et " exaspérait " sont eux aussi duratifs.

    b) "venait d'empoisonner" est une forme verbale formée à partir du verbe " venir de " qui sert ici de modalisateur pour exprimer le passé récent.

7. Le trait de caractère dominant de Philippe est l'impatience. " Vous n'avez que ce mot-là à la bouche… " dit Phil à Vinca qui lui parle de "patienter".

8. " Tu ne seras pas plus malin que les autres ".

   a) L'adjectif " malin " dans ce texte est synonyme de " habile ", " astucieux ".

   b) Philippe ne sera pas " plus malin que les autres " parce que son impatience ne l'empêchera pas de suivre toutes les étapes auxquelles sont soumis les adolescents, notamment le bac.

II - REECRITURE

    " Phil se lève, gratte du bout de son espadrille la dune sèche, perlée de petits escargots vides. Un mot détesté vient d'empoisonner sa sieste heureuse de lycéen en vacances, dont les seize ans vigoureux s'accommodent d'oisiveté, de langueur immobile, mais que l'idée d'attente, de passive évolution exaspère. Il tend les poings, bombe la poitrine demi-nue, défie l'horizon. "

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