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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Emile Zola

Le sujet  1999 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

Claude passait devant l'Hôtel de Ville, et deux heures du matin sonnaient à l'horloge, quand l'orage éclata. Il s'était oublié à rôder dans les Halles, par cette nuit brûlante de juillet, en artiste flâneur, amoureux du Paris nocturne. Brusquement, les gouttes tombèrent si larges, si drues, qu'il prit sa course, galopa dégingandé, éperdu le long du quai de la Grève. Mais, au pont Louis-Philippe, une colère de son essoufflement l'arrêta ; il trouvait imbécile cette peur de
l'eau ; et, dans les ténèbres épaisses, sous le cinglement de l'averse qui noyait les becs de gaz, il traversa lentement le pont, les mains ballantes.

Du reste, Claude n'avait plus que quelques pas à faire. Comme il tournait sur le quai de Bourbon, dans l'île Saint-Louis, un vif éclair illumina la ligne droite et plate des vieux hôtels rangés devant la Seine, au bord de l'étroite chaussée. La réverbération alluma les vitres des hautes fenêtres sans persiennes, on vit le grand air triste des antiques façades, avec des détails très nets, un balcon de pierre, une rampe de terrasse, la guirlande sculptée d'un fronton. C'était là que le peintre avait son atelier, dans les combles de l'ancien hôtel du Martoy, à l'angle de la rue de la Femme-sans-Tête. Le quai entrevu était aussitôt retombé aux ténèbres, et un formidable coup de tonnerre avait ébranlé le quartier endormi.

Arrivé devant sa porte, une vieille porte ronde et basse, bardée de fer, Claude, aveuglé par la pluie, tâtonna pour tirer le bouton de la sonnette ; et sa surprise fut extrême, il eut un tressaillement en rencontrant dans l'encoignure, collé contre le bois, un corps vivant. Puis, à la brusque lueur d'un second éclair, il aperçut une grande jeune fille, vêtue de noir, et déjà trempée, qui grelottait de peur. Lorsque le coup de tonnerre les eut secoués tous les deux, il s'écria :

- Ah bien ! si je m'attendais... Qui êtes-vous ? que voulez-vous ?

Il ne la voyait plus, il l'entendait seulement sangloter et bégayer :

- Oh ! monsieur, ne me faites pas du mal... C'est le cocher que j'ai pris à la gare, et qui m'a abandonnée près de cette porte, en me brutalisant... Oui, un train a déraillé, du côté de Nevers.
Nous avons eu quatre heures de retard, je n'ai plus trouvé la personne qui devait m'attendre... Mon Dieu ! c'est la première fois que je viens à Paris, monsieur, je ne sais pas où je suis...

Emile ZOLA, L'œuvre.


I - UN DEBUT DE ROMAN (premier paragraphe du texte)


1) Relevez les verbes contenus dans les deux premières phrases du texte. Nommez puis justifiez les différents temps utilisés. A quel type de texte avons-nous affaire ?

2) Ce début de roman apporte des informations au lecteur, dans plusieurs domaines. Lesquels ?
Appuyez votre réponse sur des citations précises du texte.

3) Le personnage de Claude

a) Relevez les mots qui indiquent la façon dont Claude marche habituellement. Quels traits de caractère sont ainsi révélés ?

b) "Mais, au pont Louis-Philippe… il traversa lentement le pont, les mains ballantes".
Quel est le rapport logique exprimé dans ces phrases ?
Qu'est-ce qui explique le changement de comportement de Claude ?


II - L'ORAGE


1) (Deuxième paragraphe) Claude est peintre et il semble que Zola présente les quais comme aurait pu les voir l'artiste ce soir-là.

a) Montrez-le, en vous appuyant sur des expressions précises du texte.

b) Quelle est l'impression générale?

2) (Totalité du texte) Zola a choisi de donner à l'orage un rôle de premier plan.

a) Relevez, dans l'ordre chronologique, les différentes manifestations de l'orage.

b) Comment Zola utilise-t-il ces différentes manifestations pour mettre en place son début de roman ?


III - LA RENCONTRE


1) De "et sa surprise fut extrême" à "à corps vivant"

a) Quelle est la fonction précise du groupe nominal "un corps vivant"?

b) Quel est l'effet produit par la place de ce groupe dans la phrase ?

2) De "Puis, à la brusque lueur d'un second éclair" à "de peur"

a) Relevez les expansions du nom "jeune fille".

b) Quels traits dominants du portrait se dégagent de ces expansions ?

3) De "Ah bien !" à "où je suis"

a) Quels signes de ponctuation révèlent ce que ressentent les deux personnages ?

b) Qu'éprouve chacun des personnages ?

Conclusion : quel titre donneriez-vous à ce début de roman ?

LE CORRIGÉ

I - UN DEBUT DE ROMAN


1) Verbes contenus dans les deux premières phrases :

- "Passait" et "sonnaient" sont des imparfaits à valeur durative et descriptive.
- "Eclata" est un passé simple, marquant un aspect ponctuel.
- "S'était oublié" est un plus-que-parfait qui indique l'antériorité dans le passé.

Nous avons affaire à un texte de type narratif.


2) Ce début de roman apporte des informations au lecteur sur :

- Le lieu : "Hôtel de Ville, Les Halles, Paris nocturne, quai de la Grève, pont Louis-Philippe ".
- Le temps : "deux heures du matin, nuit brûlante de juillet".
- Le personnage : "Claude, s'était oublié, artiste flâneur, dégingandé, les mains ballantes".


3) a) Habituellement, Claude marche calmement, en prenant son temps ; c'est un flâneur amoureux de Paris.

"Rôder, flâneur, amoureux, trouvait imbécile cette peur de l'eau, lentement, les bras ballants".

C'est un homme qui prend le temps de vivre et de regarder autour de lui, qui voit la vie comme un artiste, puisqu'il est peintre.

b) Le rapport logique exprimé dans ces phrases est un rapport de cause à conséquence :

"Parce qu'il trouve imbécile cette peur de l'eau, il traverse lentement".
"Il trouve imbécile cette peur de l'eau, si bien qu'il traverse lentement".

Claude change de comportement car il ne supporte pas d'agir de façon banale, c'est-à-dire de devoir accélérer le pas à cause de la pluie et renoncer à son allure de flâneur.

II - L'ORAGE


1) a) Ces expressions montrent que Zola présente les quais comme l'artiste aurait pu les voir ce soir-là :

"Illumina la ligne droite et plate, alluma les vitres, rangés devant la Seine, air triste des antiques façades, détails très nets".

b) L'impression générale est celle d'un décor triste et morne, sans réelle animation.
Seules les lumières de l'orage apportent quelque couleur à cet ensemble gris et terne.

2) a) Différentes manifestations de l'orage dans l'ordre chronologique :

"Eclata, gouttes tombèrent larges, cinglement de l'averse, noyait, vif éclair, réverbération, formidable coup de tonnerre, aveuglé par la pluie, second éclair, second coup de tonnerre".

b) On arrive progressivement au coup de foudre métaphorique entre Claude et la jeune fille.
L'orage crée une atmosphère lourde, "électrique", qui favorise la rencontre.
A chaque phase de l'orage correspond un lieu précis : alentours de l'Hôtel de Ville, Halles au début de l'orage, île Saint-Louis au premier éclair, coup de tonnerre sous le porche.

III - LA RENCONTRE


1) a) "Un corps vivant" est complément d'objet direct du gérondif "en rencontrant".

b) Rejeté en fin de phrase, ce groupe nominal insiste sur la rencontre et la surprise.
En effet, depuis le début du texte, Claude ne faisait que déambuler dans les rues de Paris, seul, à contre-courant de la foule, dans un décor minéral constitué d'immeubles et de monuments.
Il est surpris de rencontrer "quelqu'un" au milieu du déchaînement du ciel.

2) a) Expansions du nom "jeune fille" :
"vêtue de noir, déjà trempée, qui grelottait de peur".

b) De ces expansions se dégage une impression de vulnérabilité. La jeune fille ressemble à un petit animal perdu que Claude va vouloir protéger.
De plus, la couleur noire de son vêtement laisse à penser qu'elle est en deuil.

3) a) Les propos de Claude sont ponctués d'interrogations : il est sûr de lui et cherche à en savoir plus sur la jeune fille.
Les points de suspension émaillent les propos de la jeune fille, marquant son hésitation et sa peur.

b) Claude est curieux, surpris, alors que la jeune femme est transie de froid et de peur dans cette ville qu'elle ne connaît pas, contrairement à Claude qui s'y déplace "comme un poisson dans l'eau".

Titres possibles : "Coup de foudre", "Orage sur Paris", "Flânerie de l'artiste au milieu de la tourmente".

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