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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de George Sand

Le sujet  2000 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

     Dans le chapitre XI de Histoire de ma vie, George Sand évoque les premières années de son enfance. En compagnie de sa mère, elle se rendait fréquemment chez un oncle et une tante qui habitaient à Chaillot, qui était alors un village près de Paris. Elle y retrouvait Clotilde, une cousine de son âge.

     Je ne crois pas avoir revu cette maison de Chaillot depuis 1808, car, après le voyage d'Espagne, je n'ai plus quitté Nohant (1) jusqu'après l'époque où mon oncle vendit à l'Etat sa petite propriété, qui se trouvait sur l'emplacement destiné au palais du roi de Rome (2). Que je me trompe ou non, je placerai ici ce que j'ai à dire de cette maison, qui était alors une véritable maison de campagne, Chaillot n'étant point bâti comme il l'est aujourd'hui.

     C'était l'habitation la plus modeste du monde, je le comprends aujourd'hui que les objets restés dans ma mémoire m'apparaissent avec leur valeur véritable. Mais à l'âge que j'avais alors c'était un paradis. Je pourrais dessiner le plan du local et celui du jardin tant ils me sont restés présents. (…)

     Le jardin était un carré long, fort petit en réalité, mais qui me semblait immense, quoique j'en fisse le tour deux cents fois par jour. Il était régulièrement dessiné à la mode d'autrefois ; il y avait des fleurs et des légumes ; pas la moindre vue car il était tout entouré de murs ; mais il y avait au fond une terrasse sablée à laquelle on montait par des marches en pierre, avec un grand vase de terre cuite classiquement bête de chaque côté, et c'était sur cette terrasse, lieu idéal pour moi, que se passaient nos grands jeux de bataille, de fuite et de poursuite.

     C'est là aussi que j'ai vu des papillons pour la première fois et de grandes fleurs de tournesol qui me paraissaient avoir cent pieds de haut. Un jour, nous fûmes interrompues dans nos jeux par une grande rumeur au-dehors. On criait Vive l'empereur (3), on marchait à pas précipités, on s'éloignait et les cris continuaient toujours. L'empereur passait en effet à quelque distance et nous entendions le trot des chevaux et l'émotion de la foule. Nous ne pouvions pas voir à travers le mur, mais ce fut bien beau dans mon imagination, je m'en souviens, et nous criâmes de toutes nos forces : Vive l'empereur ! transportées d'un enthousiasme sympathique.

                             George Sand, Histoire de ma vie, 1854, Editions de la Pléiade.

(1) Village du Berry où George Sand a passé son enfance et une partie importante de sa vie.
(2) Le fils de l'empereur Napoléon Ier.
(3) L'empereur Napoléon Ier


PREMIERE PARTIE


QUESTIONS (15 points)


Les époques

1. "je placerai ici ce que j'ai à dire de cette maison, qui était alors une véritable maison de campagne, Chaillot n'étant point bâti comme il l'est aujourd'hui."

a) Quelle est l'époque désignée par "alors" ? (0,5 point)

b) Quelle est l'époque désignée par "aujourd'hui" ? (0,5 point)

c) Expliquez l'emploi du futur dans cette phrase. (0,5 point)

d) Pourquoi cette maison, à cette époque, peut-elle être considérée comme une "maison de campagne" ? Justifiez votre réponse en vous appuyant sur le texte. (0,5 point)


Le souvenir

2. Relevez, dans les deux premiers paragraphes, une phrase dans laquelle la narratrice souligne la précision de ses souvenirs et une expression qui traduit ses hésitations. Comment peut-on expliquer cette différence ? (2,5 points)


3. En quoi l'habitation et le jardin tels qu'ils étaient réellement s'opposent-ils au souvenir qu'en a conservé la narratrice ? (2 points)

Répondez à cette question en complétant le tableau suivant après l'avoir recopié :

 

La réalité

Le souvenir

L'habitation

   

Le jardin

   

 

L'enfant et l'adulte

4. Relevez, dans le quatrième paragraphe, un élément qui montre que la narratrice choisit de transcrire la pensée et le regard d'une très jeune enfant. Justifiez votre réponse. (1,5 point)

5. Relevez dans le troisième paragraphe, une expression dans laquelle apparaissent la pensée et le regard de l'adulte. Justifiez votre réponse. (1,5 point)

6. En fonction du contexte, expliquez le sens de l'adverbe "régulièrement" (1 point)


Une anecdote

7. Qui est désigné par les pronoms "on" et "nous" dans le quatrième paragraphe ? Comment expliquer la terminaison des participes passés "interrompues" et "transportées" ? (2 points)


8. "On criait Vive l'empereur."
"nous criâmes de toutes nos forces : Vive l'empereur !"
Identifiez les temps et justifiez leur emploi dans ces deux expressions. (1,5 point)


Conclusion


9. En vous appuyant sur le texte, les indications qui l'accompagnent et l'ensemble de vos observations précédentes, dites à quel genre appartient ce texte. (1 point)

REECRITURE

    "Un jour, nous fûmes interrompues dans nos jeux par une grande rumeur au-dehors (…) L'empereur passait en effet à quelque distance et nous entendions le trot des chevaux et l'émotion de la foule. Nous ne pouvions voir à travers le mur mais ce fut bien beau dans mon imagination (…)."


    George Sand est seule dans le jardin, sa cousine Clotilde est absente… Réécrivez ce passage du texte en faisant toutes les transformations nécessaires.

LE CORRIGÉ

I - QUESTIONS

Les époques

1. " Je placerai ici ce que j'ai à dire de cette maison, qui était alors une véritable maison de campagne, Chaillot n'étant point bâti comme il l'est aujourd'hui ".

    a) L'époque désignée par " alors " est celle des premières années de l'enfance de George Sand, quand elle se rendait à Chaillot, chez un oncle et une tante, en compagnie de sa mère.
Deux indications précises nous sont données : " 1808 ", et " l'empereur passait " :
Cet " alors " désigne une période entre le début de l'Empire, en 1804, qui coïncide avec la naissance de George Sand et 1808. Si l'on tient compte du fait que les souvenirs les plus anciens remontent à l'âge de deux ou trois ans, ce souvenir est précisément situé entre 1806 et 1808.

    b) L'époque désignée par "aujourd'hui" est celle du présent de l'écriture, c'est-à-dire le moment où l'auteur rédige ses mémoires, se rappelant son passé, un peu avant 1854, date de la parution du livre, soit plus de quarante ans après les faits évoqués.

    c) Le futur employé dans cette phrase est un futur proche puisque les éléments annoncés sont décrits immédiatement après. Cela révèle le "plan d'écriture" de George Sand qui décide d'évoquer à ce moment précis de ses mémoires " la maison de Chaillot ".

    d) Cette maison peut être considérée comme " une maison de campagne " (cette question qui attendait les réponses que nous donnons plus bas, est en réalité mal posée, car on peut très bien imaginer ce genre de maison en pleine ville au XIXe siècle)

Bien que n'étant pas loin de la ville, la maison présente les caractéristiques d'une petite maison en pleine campagne :

- Par sa simplicité : "l'habitation la plus modeste du monde", "jardin fort petit".

- Son architecture, "le jardin était un carré long", "au fond, une terrasse", "des marches en pierre".

- Son environnement bucolique : "des fleurs et des légumes", "des papillons", "de grandes fleurs de tournesol".

Le souvenir

2. Phrase dans laquelle la narratrice souligne la précision de ses souvenirs : "je pourrais dessiner le plan du local et celui du jardin tant ils me sont restés présents".

Expression qui traduit ses hésitations : "que je me trompe ou non".

Certains souvenirs sont restés gravés et elle " voit " certains lieux et détails qu'elle ne peut plus vérifier ("Chaillot n'étant point bâti comme il l'est aujourd'hui").

Ce sont des souvenirs d'enfant lointains (plus de quarante ans se sont écoulés) et ils peuvent être sujets à caution.

3. Opposition entre la réalité et le souvenir:

L'habitation (on remarquera que l'auteur ne distingue pas à proprement parler l'habitation du jardin. Le tableau proposé par les concepteurs du sujet est pour le moins mal fait).

- La réalité:
"cette maison de Chaillot", "petite propriété", "une véritable maison de campagne ", "l'habitation la plus modeste du monde", "local".

- Le souvenir:
"C'était un paradis".

Le jardin

- La réalité:
"carré fort long, fort petit en réalité", "dessiné à la mode d'autrefois", " pas la moindre vue", "grand vase de terre cuite classiquement bête de chaque côté".

- Le souvenir:
"mais qui me semblait immense", "lieu idéal pour moi".

L'enfant et l'adulte

4. L'élément qu'il fallait relever dans le quatrième paragraphe et qui montre que la narratrice choisit de transcrire la pensée et le regard d'une très jeune enfant est : "j'ai vu … pour la première fois de grandes fleurs de tournesol qui me paraissaient avoir cent pieds de haut".
L'enfant est si jeune qu'elle s'émerveille de ces fleurs qu'elle n'a jamais vues.
De plus, relativement à sa petite taille, les tournesols lui paraissent immenses.

5. Dans le troisième paragraphe, les expressions "classiquement bête de chaque côté" et "fort petit en réalité" font apparaître la pensée et le regard de l'adulte sur le souvenir d'enfance.

En effet, ce n'est que dans le présent de l'écriture autobiographique que l'auteur juge la maison selon des critères plus objectifs : le jardin est minuscule et la décoration assez laide.

6. L'adverbe "régulièrement" permet de donner le regard de l'adulte sur la décoration du jardin "à la mode d'autrefois". Il s'agit d'un jardin "à la française", géométrique et donc un peu ennuyeux si on le compare à la mode des jardins à l'anglaise qui s'est répandue avec le romantisme. "Régulièrement" signifie "de manière répétitive, ennuyeuse".

Avec du recul, la narratrice a une approche plus objective.

Une anecdote

7. Le pronom "on" dans "on criait" désigne d'abord la foule, le peuple qui manifeste sa joie au passage de l'empereur. Puis le "on" de "on marchait à pas précipités, on s'éloignait" désigne l'armée qui marche. La confusion entretenue par ces deux référents pour un même pronom permet de rendre compte de l'impossibilité pour l'enfant de savoir à qui se rapportent ces cris et ces pas.

Le pronom "nous" désigne George Sand et sa cousine Clotilde qui ne peuvent qu'entendre le cortège et non le voir derrière le mur du jardin.

Les participes passés "interrompues" et "transportées" sont accordés au féminin pluriel car ils rapportent aux deux petites filles.

8. "On criait Vive l'empereur" : le temps employé est l'imparfait. Il décrit une action envisagée dans sa durée, celle de la foule ininterrompue qui célèbre l'empereur.


"Nous criâmes de toutes nos forces : Vive l'empereur!" Le temps employé est le passé simple, qui marque une action ponctuelle, celle des deux petites filles qui participent à leur manière à la liesse du peuple.

Conclusion

Ce texte appartient au genre autobiographique. (on s'appuiera sur des citations précises du texte)

Il est écrit à la première personne, située explicitement dans un temps et un espace qui appartiennent à la vie de l'auteur. La distance entre le regard de l'enfant et celui de l'adulte est clairement établie. Les personnages qui accompagnent l'évocation de cette maison d'enfance font partie de l'intimité de l'auteur. La qualité du souvenir (précision ou imprécision) est clairement rappelée.

II - REECRITURE

"Un jour, je fus interrompue dans mes jeux par une grande rumeur au-dehors. […] L'empereur passait en effet à quelque distance et j'entendais le trot des chevaux et l'émotion de la foule. Je ne pouvais pas voir à travers le mur mais ce fut bien beau dans mon imagination…"

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