Le sujet 2005 - Brevet Série Collège - Français - Questions |
George Sand (1804-1876), née Aurore Dupin, a grandi au château familial de
Nohant, près de la petite ville de La Châtre, au bord de la Loire. En 1830, elle se sépare
de son mari et s'installe seule à Pans, où elle décide de s'habiller désormais en homme.
Moi, j'avais l'idéal(1) logé dans un coin de ma cervelle, et il ne me fallait que
quelques jours d'entière liberté pour le faire éclore. Je le portais dans la rue, les pieds
sur le verglas, les épaules couvertes de neige, les mains dans mes poches, l'estomac
un peu creux quelquefois, mais la tête d'autant plus remplie de songes, de mélodies, de
5 couleurs, de formes, de rayons et de fantômes. Je n'étais plus une dame, je n'étais pas
non plus un monsieur. On me poussait sur le trottoir comme une chose qui pouvait
gêner les passants affairés. Cela m'était bien égal, à moi qui n'avais aucune affaire. On
ne me connaissait pas, on ne me regardait pas, on ne me reprenait pas : j'étais un
atome perdu dans cette immense foule. Personne ne disait comme à la Châtre : "Voilà
10 madame Aurore qui passe ; elle a toujours le même chapeau et la même robe" ; ni
comme à Nohant : "Voilà not'dame qui poste(2) sur son grand chevau ; faut qu'elle soit
dérangée d'esprit pour poster comme ça." A Paris, on ne pensait rien de moi, on ne
me voyait pas. Je n'avais aucun besoin de me presser pour éviter des paroles banales ;
je pouvais faire tout un roman d'une barrière(3) à l'autre, sans rencontrer personne qui
15 me dît : "A quoi diable pensez-vous ?" Cela valait mieux qu'une cellule(4), et j'aurais pu
dire avec René, mais avec autant de satisfaction qu'il l'avait dit avec tristesse, que je
me promenais dans le désert des hommes(5).
George Sand, Histoire de ma vie, Quatrième partie, chapitre XIV, 1854
(Le Livre de Poche, 2004, p. 599 - 600)
(1) : idéal : ici, ce dont elle rêve, ce qu'elle rêve de faire
(2) : poster : aller rapidement à cheval
(3) : barrières : portes aux différentes entrées de la ville de Paris
(4) : cellule : chambre très simple d'un moine dans un monastère
(5) : désert des hommes : expression extraite de René, roman de Chateaubriand (1802)
QUESTIONS (15 points)
I - Le portrait d'une femme originale (6 points)
a. Lignes 2 à 5 : Quelle figure de style George Sand utilise-t-elle pour se décrire ?
b. Dans ces mêmes lignes, quelles expressions montrent que George Sand vit dans l'inconfort ? (1 point)
2."Je n'étais plus une vieille dame, je n'étais pas non plus un monsieur"
a. Liez ces deux propositions en utilisant une conjonction de coordination.
b. Quel lien logique avez-vous mis en valeur ?
c. Expliquez la différence entre "femme" et "dame". (1,5 points)
3. Relisez les deux premiers passages au discours direct.
a. Quel est le niveau de langue de chacun d'eux ?
b. Proposez deux qualificatifs qui résument les commentaires faits sur George Sand. (2 points)
4. En conclusion, indiquez en quelques lignes les traits essentiels du portrait que George Sand fait d'elle-même
(1,5 points)
II - "Le désert des hommes" (4 points)
5. Lignes 7 à 13 : "On ne me connaissait pas, on ne me regardait pas, on ne me reprenait pas [...] on ne pensait rien de moi, on ne me voyait pas"
a. Quelle figure de style est utilisée ici ? Justifiez avec précision.
b. Qui est "on" ?
c. Par quel pronom indéfini "on" est-il repris deux fois dans le texte ?
d. Relevez les deux groupes nominaux qui désignent les Parisiens entre les lignes 6 à 10. (2 points)
6.
a. Relevez une comparaison entre les lignes 6 et 10.
b. Relevez une métaphore dans ces mêmes lignes.
c. Quel effet produisent-elles ? (1 point)
7. En conclusion :
a. Que signifie l'expression "désert des hommes" ?
b. Quel sentiment George Sand éprouve-t-elle dans ce "désert des hommes" ? Justifiez votre réponse en citant le texte (1 point)
III - De la liberté à l'inspiration de l'écrivain (5 points)
8.
a. Quel mot du texte est repris par les deux pronoms "le" à la ligne 2 ? (0,5 point)
b. "le faire éclore" : Expliquer précisément cette image. (1 point)
c. Quelle énumération montre que George Sand parle ici de son inspiration d'écrivain ? (0,5 point)
d. Quel mot, dans les lignes 14 à 17, confirme cette explication ? (0,5 point)
9.
a. Relevez dans l'ensemble du texte trois compléments de lieu qui précisent où se trouve George Sand pendant que lui vient cette inspiration.
b. Lignes 14 à 19 : Quel verbe résume ce que fait George Sand de son "entière liberté" dans Paris ? (0,5 point)
10. En conclusion, dites en quelques lignes pourquoi George Sand a trouvé à Paris les conditions nécessaires pour devenir écrivain. (1,5 points)
REECRITURE (4 points)
"Cela m'était bien égal, à moi qui n'avais aucune affaire. On ne me connaissait pas, on ne me regardait pas, on ne me reprenait pas."
Réécrire ce passage au conditionnel passé (temps employé dans la forme : "j'aurais pu..." ligne 15), en employant la première personne du pluriel à la place de la première personne du singulier.
I - QUELLE ANALYSE POUR CE SUJET ?
Les questions posées doivent permettre d'éclairer le texte.
Les élèves doivent impérativement justifier leurs réponses en s'appuyant sur des citations précises du texte.
II - LES REACTIONS A CHAUD DU PROFESSEUR
Les questions sont assez disparates, ce qui a pu gêner les élèves. Nous trouvons des choses faciles, comme le relevé de trois compléments circonstanciels et des interrogations plus pointues sur les figures de style.
Cette hétérogénéité peut déstabiliser ainsi que le manque de logique dans la progression du questionnaire.
III - LES QUESTIONS
I - Le portrait d'une femme originale (6 points)
a.
Lignes 2 à 5 : Quelle figure de style George Sand utilise-t-elle pour se décrire ?George Sand utilise une métaphore filée pour se décrire : elle se présente comme une femme errante portant, comme un enfant, son idéal, dans les intempéries.
b.
Dans ces mêmes lignes, quelles expressions montrent que George Sand vit dans l'inconfort ? (1 point)Les expressions qui montrent que George Sand vit dans l'inconfort :
"dans la rue", "les pieds sur le verglas", "les épaules couvertes de neige", "l'estomac un peu creux".
2.
"Je n'étais plus une vieille dame, je n'étais pas non plus un monsieur"Voici ce qu'on obtient en utilisant une conjonction de coordination pour lier les deux propositions : "Je n'étais plus une dame mais je n'étais pas non plus un monsieur"
b.
Quel lien logique avez-vous mis en valeur ?On a mis en valeur un lien logique d'opposition.
c.
Expliquez la différence entre "femme" et "dame". (1,5 points)Le terme "femme" évoque un être humain appartenant au sexe féminin, par opposition à homme. On emploie également le terme pour "épouse".
Le terme "dame" est un titre donné à toute femme détentrice d'un droit de souveraineté ou de suzeraineté, une femme de haute naissance.
Dans l'usage poli, de bon ton, une "dame" est une personne adulte de sexe féminin.
3.
Relisez les deux premiers passages au discours direct.A Nohant, le niveau de langue est familier (patois). A Paris, le niveau de langue est soutenu.
b.
Proposez deux qualificatifs qui résument les commentaires faits sur George Sand. (2 points)Les commentaires faits sur George Sand sont moqueurs, taquins, affectueux, gentiment irrespectueux : " not'dame", "faut qu'elle soit dérangée d'esprit".
4.
En conclusion, indiquez en quelques lignes les traits essentiels du portrait que George Sand fait d'elle-même (1,5 points)George Sand se présente comme une femme idéaliste, libre, courageuse, résistante.
Elle se soucie peu des conventions, est imperméable aux critiques.
C'est une femme active, toujours pressée et passionnée.
II - "Le désert des hommes" (4 points)
5.
La figure utilisée est l'anaphore (répétition du pronom On).
b.
Qui est "on" ?"On" représente les badauds, les passants à Paris qui ne prêtent aucune attention à George Sand.
c.
Par quel pronom indéfini "on" est-il repris deux fois dans le texte ?"personne" reprend deux fois "on" dans le texte.
d.
Relevez les deux groupes nominaux qui désignent les Parisiens entre les lignes 6 à 10. (2 points)Voici deux groupes de mots qui désignent les Parisiens : " les passants affairés", "cette immense foule".
6.
Voici une comparaison :" comme à la Châtre"
b.
Relevez une métaphore dans ces mêmes lignes.Voici une métaphore : "j'étais un atome perdu dans cette immense foule"
c.
Quel effet produisent-elles ? (1 point)La comparaison met en valeur l'aspect "familial" de la vie à Nohant, où tout le monde connaît George Sand. L'auteur cite le nom de ce lieu qui lui tient à coeur.
La métaphore insiste sur le caractère anonyme de la vie à Paris où George Sand passe
complètement inaperçue, malgré l'originalité de son accoutrement.
7.
En conclusion :b.
Quel sentiment George Sand éprouve-t-elle dans ce "désert des hommes" ? Justifiez votre réponse en citant le texte (1 point)George Sand éprouve du bien-être parce qu'elle est tranquille, personne ne s'occupe d'elle ni ne la juge. Elle emploie d'ailleurs le terme "satisfaction" pour décrire ses sentiments. La foule, son anonymat lui permettent de vivre en toute liberté ses choix.
III - De la liberté à l'inspiration de l'écrivain (5 points)
8.
Le mot du texte repris par les deux pronoms "le" est "idéal".
b.
"le faire éclore" : Expliquer précisément cette image. (1 point)George Sand porte en elle cet idéal qu'elle veut voir se réaliser. Comme la plante ou la fleur, après une longue germination, l'idéal va s'épanouir.
On peut penser aussi à un oisillon sortant de l'oeuf.
c.
Quelle énumération montre que George Sand parle ici de son inspiration d'écrivain ? (0,5 point)L'énumération qui montre que George Sand parle ici de son inspiration d'écrivain est : " songes, mélodies, couleurs, formes, rayons, fantômes"
d.
Quel mot, dans les lignes 14 à 17, confirme cette explication ? (0,5 point)Le mot "roman" confirme cette explication.
9.
Voici trois compléments de lieu qui précisent où se trouve George Sand pendant que lui vient son inspiration : " dans la rue", "sur le trottoir" "d'une barrière à l'autre".
b.
Lignes 14 à 19 : Quel verbe résume ce que fait George Sand de son "entière liberté" dans Paris ? (0,5 point)Le verbe qui résume ce que fait George Sand de son entière liberté est " je me promenais".
10.
En conclusion, dites en quelques lignes pourquoi George Sand a trouvé à Paris les conditions nécessaires pour devenir écrivain. (1,5 points)George Sand a trouvé à Paris les conditions nécessaires pour devenir écrivain car la ville est grande, la foule anonyme et indifférente. Elle peut trouver de nombreuses sources d'inspiration et éviter les jugements critiques ou les moqueries à son égard. Elle est libre de ses mouvements, de ses pensées et de ses actes.
IV - L'EXERCICE DE REECRITURE
" Cela nous aurait été bien égal, à nous qui n'avions aucune affaire. On ne nous aurait pas connus, on ne nous aurait pas regardés, on ne nous aurait pas repris".