Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Georges Duhamel

Le plat de lentilles

(M. et Mme Pasquier attendent un héritage qu'un notaire du Havre est chargé de leur transmettre. Excédé par les lenteurs du notaire, M. Pasquier a de fréquentes colères)


Papa dédiait à la corporation des notaires en général et à celui du Havre en particulier une de ses plus riches vocalises.

Chose étonnante, lui qui se montrait si profondément choqué par les chamailles des Wasselin (1), il ne pouvait admettre qu'une colère est une colère, un cri un cri. Il n'aurait souffert aucune comparaison entre ses brillants solos et le triste chœur des voisins. On l'aurait sans doute offensé en lui dépeignant les Wasselin stupéfaits, la bouche ouverte, écoutant M. Pasquier en train de donner de la voix. Il était beaucoup trop sûr du bien-fondé de son courroux, du caractère sacré de sa cause. Il criait :

"De l'argent ? De l'argent ? Oui, je veux de l'argent. Et pourquoi ? Pour continuer à m'instruire, pour m'élever au-dessus de moi-même, pour devenir un homme supérieur, montrer ce que j'ai dans le sang. Et tout le monde se met en travers de ma route, même cet imbécile du Havre !

- Ne crie pas si fort, Raymond. Si quelqu'un t'entendait et l'écrivait au Havre, ça n'arrangerait pas nos affaires.

- Je l'écrirai bien moi-même.

- Raymond, je t'en supplie ! "

La voix du chanteur atteignait le registre extrême. Plus rien à faire de ce côté ; il fallait, pour le soulagement, se réfugier dans l'acte. Papa cherchait, d'un œil pâli, presque blanc, un objet friable, et qui, quand même, ne fût pas exceptionnellement coûteux. Un jour, comme nous étions à table, il saisit le plat qui était, comme on l'a deviné sans doute (2), un grand plat plein de lentilles.

"Raymond ! gémit Maman. Le déjeuner des enfants.

- Ils mangeront autre chose", dit fermement l'homme superbe.

Et, d'un geste très adroit, il jeta le plat par la fenêtre.

Nous habitions au cinquième. La fenêtre donnait sur l'impasse. Il y eut un moment de stupeur, puis on entendit un cri.

Georges DUHAMEL, Le Notaire du Havre.

(1) Les Wasselin sont les voisins du narrateur.
(2) Les lentilles étaient fréquemment au menu de cette famille.

I - LA COLERE

1) Relevez dans le deuxième paragraphe un synonyme de colère.

2) De "De l'argent" à "du Havre", par quels types de phrase s'exprime la colère ?

3) Précisez la nature et la fonction du groupe en gras dans "une colère est une colère".

4) Relevez dans le texte trois mots appartenant au champ lexical du chant.

5) Qui est désigné par la formulation "cet imbécile du Havre" ?

6) Pourquoi M. Pasquier se met-il en colère ?

II - LES REACTIONS DES SPECTATEURS

1) Qui sont les témoins de cette scène ?

2) Qui raconte cette scène ? Justifiez votre réponse en citant deux mots différents du texte.

3) Mettez au style indirect : "Ne crie pas si fort, Raymond" en commençant par "Elle demanda à Raymond..."

4) Quelles sont les réactions de la mère ? Justifiez votre réponse en citant le texte.

III - UNE SCENE COMIQUE

1) Du début du texte jusqu'à "caractère sacré de sa cause", relevez deux groupes nominaux qui prouvent que le narrateur porte un jugement amusé sur la colère de M. Pasquier.

2) Dans la phrase "Il était beaucoup trop sûr du caractère sacré de sa cause", remplacez le groupe souligné par une proposition subordonnée complétive.

3) Relevez dans la seconde moitié du texte (de "La voix" à "un cri") au moins quatre mots ou groupes de mots qui désignent M. Pasquier. Pourquoi sont-ils si nombreux ?

4) Montrez, en vous appuyant sur des éléments précis du texte, que M. Pasquier n'est pas entièrement dominé par cette colère et sait en jouer.

I - LA COLERE

1) Le synonyme de colère dans le texte est "courroux".

2) Dans "De l'argent" à "du Havre", la colère s'exprime à travers des phrases à l'infinitif.

3) La nature du groupe "une colère" est un groupe nominal. Sa fonction est attribut du sujet "une colère".

4) Les mots "vocalises", "chœur" et "solos" appartiennent au champ lexical du chant.

5) "Cet imbécile du Havre" désigne le notaire du Havre qui est chargé de leur transmettre un héritage.

6) M. Pasquier se met en colère car l'argent de l'héritage tarde à venir et qu'il en tient le notaire pour responsable.

 

II - LES REACTIONS DES SPECTATEURS

1) Les témoins de cette scène sont la mère, les enfants et les voisins.

2) Le narrateur raconte cette scène. Cela est visible à travers le pronom personnel "nous" qui englobe le narrateur et sa famille : "Comme nous étions à table", "Nous habitions au cinquième".

3) Au style indirect, la phrase est : elle demanda à Raymond de ne pas crier si fort.

4) La mère essaie de calmer son mari et de faire cesser sa colère. Elle a peur des réactions des voisins : "Ne crie pas si fort, Raymond. Si quelqu'un t'entendait et l'écrivait au Havre, ça n'arrangerait pas nos affaires". "Raymond, je t'en supplie !"

 

III - UNE SCENE COMIQUE

1) Les deux groupes nominaux qui prouvent que le narrateur porte un jugement amusé sur la colère de M. Pasquier sont : "une de ses plus riches vocalises" et "ses brillants solos".

2) La proposition subordonnée complétive est : il était beaucoup trop sûr parce qu'il croyait que le caractère de sa cause était sacré.

3) De "La voix" à "cri", les termes qui désignent M. Pasquier sont :

- "la voix du chanteur"
- "Papa"
- "Raymond"
- "l'homme superbe"

Il y a plusieurs termes différents parce qu'il n'est pas désigné par les mêmes personnes. Il est désigné par sa femme, par le narrateur enfant et par le narrateur adulte, qui parle de lui avec une distance amusée (la voix du chanteur, l'homme superbe).

4) M. Pasquier n'est pas entièrement dominé par sa colère car il n'est pas prêt à jeter n'importe quoi par la fenêtre. Ainsi, il cherche "un objet friable, et qui, quand même, ne fût pas exceptionnellement coûteux".
Par ailleurs, il ne jette pas le plat de lentilles dans la maison mais par la fenêtre.

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