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Annales gratuites Brevet Série Collège : Texte de Victor Hugo

Le sujet  2000 - Brevet Série Collège - Français - Questions Imprimer le sujet
LE SUJET

Dans les premiers jours de juin 1832, les républicains tentent de renverser le régime du roi Louis-Philippe. Un grand mouvement révolutionnaire agite le peuple de Paris. Quelques centaines d'hommes accumulent des pavés et toutes sortes d'objets pour barrer les rues. Gavroche les rejoint sur la barricade de la rue Plumet.

Gavroche, complètement envolé et radieux, s'était chargé de la mise en train. Il allait, venait, descendait, remontait, bruissait, étincelait. Il semblait être là pour l'encouragement de tous. Avait-il un aiguillon ? Oui, certes, sa misère ; avait-il des ailes ? Oui, certes, sa joie.
Gavroche était un tourbillonnement. On le voyait sans cesse, on l'entendait toujours. Il remplissait l'air, étant partout à la fois. C'était une espèce d'ubiquité presque irritante ; pas d'arrêt possible avec lui. L'énorme barricade le sentait sur sa croupe. Il gênait les flâneurs, il excitait les paresseux, il ranimait les fatigués, il impatientait les pensifs, mettait les uns en gaieté, les autres en haleine, les autres en colère, tous en mouvement, piquait un étudiant, mordait un ouvrier, se posait, s'arrêtait, repartait, volait au-dessus du tumulte et de l'effort, sautait de ceux-ci à ceux-là, murmurait, bourdonnait, et harcelait tout l'attelage ; mouche de l'immense coche révolutionnaire.
Le mouvement perpétuel était dans ses petits bras et la clameur perpétuelle dans ses petits poumons :
- Hardi ! encore des pavés, encore des tonneaux ! encore des machins ! Où y en a-t-il ?
Une hottée de plâtres pour me boucher ce trou-là. C'est tout petit, votre barricade. Il faut que ça monte. Mettez-y tout, flanquez-y tout, fichez-y tout. Cassez la maison. Une barricade, c'est le thé de la mère Gibou. Tenez, voilà une porte vitrée.
Ceci fit exclamer les travailleurs.
- Une porte vitrée ! Qu'est-ce que tu veux qu'on fasse d'une porte vitrée, tubercule ?
- Hercules vous-mêmes ! riposta Gavroche. Une porte vitrée dans une barricade, c'est excellent. Ca n'empêche pas de l'attaquer, mais ça gêne pour la prendre. Vous n'avez donc jamais chipé des pommes par-dessus un mur où il y avait des culs de bouteilles ? Une porte vitrée, ça coupe les cors aux pieds de la garde nationale quand elle veut monter sur la barricade. Pardi ! le verre est traître. Ah çà, vous n'avez pas une imagination effrénée, mes camarades. Du reste, il était furieux de son pistolet sans chien (1). Il allait de l'un à l'autre, réclamant : - Un fusil ! je veux un fusil ! Pourquoi ne me donne-t-on pas un fusil ?
- Un fusil à toi ! dit Combeferre.
- Tiens, répliqua Gavroche, pourquoi pas ? J'en ai bien eu un en 1830 quand on s'est disputé avec Charles X.
Enjolras haussa les épaules.
- Quand il y en aura pour les hommes, on en donnera aux enfants.

Victor Hugo, Les Misérables, IV, 12,4


Vocabulaire :

(1) pistolet auquel il manque le "chien", pièce mécanique indispensable à son fonctionnement.

 

PREMIERE PARTIE

QUESTIONS ( 15 points )

Un enfant dans un monde d'adultes : le discours du narrateur

1. Relevez les mots et expressions qui indiquent la petite taille et la jeunesse de Gavroche. (2 points)

2. "Il allait, venait, montait, descendait, bruissait, étincelait"
    a - Comment cette phrase est-elle construite ?(1/2 point)
    b - Quel effet cette construction produit-elle ?(1/2 point)

3. a - A quoi Gavroche est-il comparé dans le premier paragraphe ? (1/2 point)
    b - Relevez au moins quatre mots qui établissent ce rapprochement ? (2 points)

Un enfant dans la révolution : le discours des personnages

4. "Mettez-y tout, flanquez-y tout, fichez-y tout. Cassez la maison"
    a - Quel est le mode verbal employé ici ? (1/2 point)
    b - Citez dans les propos de Gavroche au moins deux autres énoncés injonctifs qui n'utilisent pas ce mode. (1 point)

5. a - Lignes 19 à 31 : Sur quel ton les adultes répondent-ils à Gavroche ? (1 point)
    b - Donnez trois exemples qui justifient votre réponse. (1 point 1/2)

6. Lignes 20 à 26 : Quelles sont les deux supériorités que Gavroche s'attribue par rapport aux adultes qui l'entourent ? Vous citerez les deux phrases sur lesquelles vous vous appuyez. (2 points)

7. "Hercules vous-mêmes !" : En quoi la réplique de Gavroche est-elle amusante pour le lecteur ? (1 point)

8. "On s'est disputé avec Charles X" :
    a - Expliquez le sens du verbe "disputer" dans la phrase en le remplaçant par un synonyme ; (1/2 point)
    b - En quoi cet emploi est-il amusant pour le lecteur ? (1/2 point)
    c - Relevez dans le texte une autre expression qui appartient au langage enfantin. (1/2 point)

9. Caractérisez le ton employé par Gavroche pour parler aux adultes. (1 point)

 

REECRITURE (4 points)

Vous réécrirez le texte depuis "Il gênait les flâneurs" (ligne 6) jusqu'à "au-dessus du tumulte et de l'effort" (ligne 9), en conjuguant les verbes à la deuxième personne du singulier de l'indicatif présent.

LE CORRIGÉ

I - QUESTIONS

Un enfant dans un monde d'adultes : le discours du narrateur

1. Les expressions qui indiquent la petite taille et la jeunesse de Gavroche sont " ses petits bras [...] ses petits poumons " ; " tubercule " ; " aux enfants ". On peut aussi citer le mot "mouche ", car c'est aussi la petite taille de Gavroche qui justifie la comparaison de l'enfant avec un insecte.

2. a) La phrase " il allait, venait, montait, descendait, bruissait, étincelait " est une accumulation d'imparfaits qui se rapportent tous au même sujet " il ".

    b) Cette suite de verbes donne de la rapidité, de la vivacité, du mouvement au texte pour rendre compte de l'énergie déployée par Gavroche.

3. a) Dans le premier paragraphe, la comparaison de Gavroche avec un insecte est habilement préparée. Dès le début, il est comparé à un insecte qui pique, on penserait d'abord plutôt à une guêpe. C'est seulement à la fin que Victor Hugo explicite le comparant en citant la fameuse " mouche du coche " de La Fontaine.

    b) Il fallait justifier la remarque précédente en citant au moins quatre mots parmi ces possibilités :
        - Il vole : " envolé " ; " des ailes ", " un tourbillonnement " ; " volait ".
        - Il se déplace rapidement et va dans tous les sens : " il allait, venait, descendait, remontait ", " il remplissait l'air, étant partout à la fois ", "ubiquité ", " se posait, s'arrêtait, repartait, sautait de ceux-ci à ceux-là ".
        - Il fait le bruit d'un insecte : " bruissait ", " murmurait, bourdonnait ".
        - Il pique ou semble piquer : " Avait-il un aiguillon ? ", " piquait ", " mordait ".
        - Il est comparé à un insecte dont on n'arrive pas à se défaire : " on le voyait sans cesse, on l'entendait toujours ", " irritante ", " pas d'arrêt possible avec lui ", " L'énorme barricade le sentait sur sa croupe. Il gênait ", " il impatientait ", " il mettait [...] les autres en haleine, les autres en colère ", " harcelait tout l'attelage ".

Un enfant dans la révolution : le discours des personnages

4. a) " Mettez ", " flanquez ", " fichez ", " cassez " sont des impératifs.

    b) Les énoncés injonctifs - ou jussifs -, c'est-à-dire qui expriment l'idée d'ordre, sans utiliser l'impératif sont les suivants (nous fournissons l'analyse qui n'était pas demandée aux candidats) :
        - " Hardi ! " (interjection)
        - " encore des pavés, encore des tonneaux ! encore des machins ! "
        - " une hottée de plâtres pour me boucher ce trou-là. ", (phrases nominales, avec ellipse d'un verbe d'ordre)
        - " il faut que ça monte. " (phrase complexe avec verbe d'ordre complété par une proposition subordonnée conjonctive au subjonctif)
        - " un fusil ! (phrase nominale exclamative, avec ellipse d'un verbe d'ordre) je veux un fusil ! " (phrase simple avec verbe d'ordre)

5. a) Les adultes s'adressent à Gavroche sur un ton de supériorité, voire de condescendance ou de mépris, bien que ce dernier terme soit peut-être trop fort.

    b) - " tubercule " est une insulte synonyme de " minus ",
        - " un fusil à toi " : l'étonnement contenu dans le " à toi " est lourd de sens et souligne l'incongruité d'un fusil entre les mains d'un enfant si petit.
        - " quand il y en aura pour les hommes, on en donnera aux enfants " : cette expression remet Gavroche à sa place en lui rappelant qu'il n'a pas les mêmes droits que les adultes, qu'il n'est qu'un enfant.

6. Gavroche s'attribue deux supériorités :
        - celle de l'imagination : " Ah ça, vous n'avez pas une imagination effrénée, mes camarades. "
        - celle de l'expérience : " vous n'avez donc jamais chipé des pommes... ", " j'en ai bien eu un en 1830 ".

7. La réplique de Gavroche " Hercules vous-mêmes " est amusante :
        - elle fait une rime riche en " -ercule ".
        - elle montre que Gavroche ne connaît pas encore le mot " tubercule ", ni le nom d' " Hercule " et n'a pas compris l'insulte. Il croit entendre qu'on le traite d' " Hercule ", ce qui est cocasse, puisqu'il semble le prendre mal et renvoie l'insulte.
        - elle est d'autant plus amusante qu'elle introduit une alliance de mots, un des oxymores que Victor Hugo affectionne, puisque les mots se contredisent et s'opposent : " Hercule " représente la force, " tubercule " la faiblesse.

8. a) Le verbe " disputer " dans l'expression " on s'est disputé avec Charles X " veut dire : " on s'est battu contre Charles X ".

    b) Cet emploi est amusant parce que c'est le langage des enfants. Les batailles de rue de 1830 qui avaient pour but de renverser le régime sont ainsi comparées à une bagarre d'enfants.

    c) On peut relever d'autres expressions enfantines : " vous n'avez donc jamais chipé des pommes " (" chiper " signifie " voler ", " Un fusil ! je veux un fusil ! " fait tout à fait penser au langage d'un enfant capricieux.

9. Gavroche emploie un ton particulièrement autoritaire envers les adultes, comme le montrent tous les verbes injonctifs relevés plus haut, les conseils qu'il prodigue et les questions qu'il pose.

II - REECRITURE

" Tu gênes [...] tu excites [...] tu ranimes [...] tu impatientes [...] tu mets [...] tu piques [...] tu mords [...] tu te poses, t'arrêtes, repars, voles... "

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