Sujet d’étude : L’Algérie à partir de 1954

Document

« Nous devons protéger le socialisme et le sauvegarder. Pour ce faire, nous ne pouvons pas compter uniquement sur l’enthousiasme du peuple, sur ses nobles sentiments. Nous devons construire pour notre peuple un outil qui lui servira à triompher de ses ennemis à l’intérieur, et à défendre l’intégrité du territoire et l’expérience socialiste en cours.

Nous ne saurions être un peuple romantique ou imaginaire, vivant dans un monde de rêves.

Le socialisme ne signifie pas autre chose qu’une transformation radicale de la société algérienne, ce qui implique l’élimination des intérêts en opposition avec les intérêts supérieurs du peuple algérien. Ce qui implique également l’élimination des trusts¹ étrangers qui exploitent notre peuple depuis des dizaines d’années. Il est clair qu’une telle transformation ne peut se concevoir sans difficultés.

Aussi s’avère-t-il indispensable d’édifier l’armée nationale populaire, condition fondamentale pour la sauvegarde des acquis révolutionnaires de notre peuple laborieux et pour la défense du pays. »

Houari Boumediene².

1^ère réunion des présidents des assemblées populaires communales, 27 février 1967.

¹– Grand groupe d’entreprises réunies sous une même direction.

²– Houari Boumediene (1932-1978) : combattant de l’Armée de Libération Nationale du FLN, il participe à la lutte pour l’indépendance de l’Algérie. D’abord ministre dans le gouvernement Ben Bella, il mène un coup d’état contre ce dernier en 1965 et prend le pouvoir, qu’il garde jusqu’à sa mort.

Questions :

1. Présentez le document (nature, auteur, date et contexte).

2. Quels objectifs Boumediene espère-t-il atteindre ?

3. Relevez les moyens évoqués pour parvenir à ces objectifs.

4. Expliquez la phrase soulignée.

5. En quoi ce document permet-il d’illustrer les choix de l’Algérie en matière de développement ?

Réponses aux questions :

1. Ce document est un extrait d’un discours de Houari Boumediene, président de la République algérienne de 1965 à sa mort en 1978. Ce discours a été prononcé le 27 février 1967 à l’occasion de la réunion des présidents des assemblées populaires communales, deux ans après sa prise du pouvoir par un coup d’Etat à l’issue duquel il renverse Ben Bella.

2. Houari Boumediene veut assurer à l’Algérie son indépendance économique. Il a fait le choix d’un développement de type socialiste. La priorité est donnée à l’industrialisation (raffinage, chimie, sidérurgie) au détriment de l’agriculture, réorganisée sur un modèle collectiviste. Il veut aussi transformer la société algérienne en une société de type socialiste.

3. Les moyens évoqués pour parvenir à ces fins sont la nationalisation des entreprises étrangères (trusts). Il s’agit ici, essentiellement des groupes pétroliers exploitant les hydrocarbures du Sahara algérien, Total-Compagnie française et Elf-Aquitaine. La rente pétrolière sera le moteur principal de la politique d’industrialisation et, lorsqu’elle ne suffira pas, l’Algérie empruntera. Houari Boumediene évoque aussi le rôle de l’ALN (Armée de Libération Nationale) comme fer de lance de la politique de développement du pays. Depuis le coup d’Etat de 1965, elle n’a cessé d’exercer la réalité du pouvoir dans le pays.

4. La phrase soulignée « l’élimination des trusts qui exploitent notre peuple depuis des dizaines d’années » fait référence à l’ensemble des entreprises industrielles, de commerce et de transport, les banques et les groupes pétroliers français qui seront nationalisés dans les années 1970. La nationalisation avait déjà touché les terres vacantes après le départ des colons français. C’est le modèle soviétique planifié qui s’impose en Algérie.

5. Ce document reste très marqué par la phraséologie marxiste-léniniste en vigueur dans les années qui ont suivi l’accession à l’indépendance des Etats du Tiers-Monde. Il illustre le choix fait par l’Algérie d’un modèle de développement de type socialiste avec la nationalisation des moyens de production. Mais il montre aussi la main-mise de l’armée sur le pays, armée présentée comme un acteur du développement de l’Algérie. Ce document ne montre pas les difficultés de ce modèle de développement. En particulier, le choix d’une politique industrielle qui délaisse l’agriculture. Cette agriculture, qui a une productivité faible, peine à couvrir les besoins alimentaires d’un pays en pleine explosion démographique. De 11 millions en 1960, la population passe à 16 millions en 1975.